Le Petit Poucet alsacien est de retour en Liqui Moly Starligue, un grand monde qu’il côtoie avec une régularité déconcertante depuis trente ans. En dépit de ses différences, de ses moyens raisonnables. Animé d’une passion sincère et de savoir-faire incontestables.
C’est une place forte, une toute petite place, c’est vrai, mais éminemment sympathique. Eminemment respectable. Après cinq saisons de pénitence, Sélestat est de retour en Starligue. Sa vingt-troisième épopée depuis la première accession de 1990 attisée par les Franck Voné, Bertrand Hoffer, François Berthier et une fameuse bande d’impudents. Qu’on le veuille ou non, Sélestat parmi l’élite, c’est tout sauf incongru, même si le plaisir était programmé pour plus tard. « On travaillait sur un projet à moyen terme, rappelle le président Christian Omeyer, afin de remonter dans les deux ans à venir. » Ses ouailles ont anticipé son désir un week-end de juin en Bourgogne. Seulement cinquièmes de Proligue, elles ont avancé torse bombé à Dijon et renversé Nice, Ivry puis Cherbourg afin de s’offrir ce délice. Le fameux miracle permanent… « C’est aussi une force de savoir hausser son niveau de jeu lorsque les circonstances l’exigent », corrige Omeyer.
La formule est de circonstance. Le SAHB est un farfadet dans ce monde de brutes qu’est devenue la Starligue. Et il va devoir s’adapter. Très vite. « C’est un challenge, bien sûr, admet Omeyer, mais nous possédons un effectif assez homogène et consistant, je le pense très prometteur maintenant qu’il est renforcé par des joueurs d’expérience à des postes-clés. »
L’arrivée du gardien islandais Gretar Gudjonsson, plutôt séduisant avec Nice, celle de l’ailier droit croate Ivan Vida, du géant danois Kristian Orsted et du demi-centre polonais Lukasz Gogola, complètent en effet un groupe que personne n’a voulu perturber, question de principe. « Nous avions construit une équipe capable de jouer le haut de tableau de Proligue, rappelle Christian Omeyer, mais nous voulions surtout faire confiance à son ossature composée de jeunes joueurs, la plupart formés au club. »
Un club ancré dans la formation
De très jeunes joueurs. Sélestat n’est pas seulement la plus petite ville de Starligue – si l’on considère la Métropole rennaise -, le plus petit budget (2,3/2,4 millions d’euros), la plus petite masse salariale, c’est aussi le club dont la moyenne d’âge est la moins élevée. « Il y a une ribambelle de gamins, sourit le nouvel entraîneur Laurent Busselier, qui n’ont rien prouvé à ce niveau et qui n’ont aucun repère. Et pour être sincère, je ne sais pas à quelle sauce ils vont être mangés. Mais pour être encore plus sincère, je sais qu’ils ont une motivation, un potentiel, une dynamique qu’ils entretiennent jour après jour, et qui peuvent déboucher sur de jolies choses. »
Le maintien est évidemment une ambition honnête. Pour l’atteindre, le SAHB peut s’appuyer sur sa culture, son histoire. Sa passion. Mille abonnements – un record – ont été vendus en à peine dix jours et toutes les rencontres se joueront à guichets fermés. De nouveaux partenaires se sont laissé séduire. Les plus anciens sont toujours fidèles. Mais la vraie force du SAHB, c’est évidemment son goût pour la formation. Hugo Pimenta, meilleur espoir de Proligue la saison passée, a 19 ans. Sa vision du jeu et sa spontanéité dans la prise de décisions sont des atouts incontestables. Les pivots Pierre Weber et Téo Egermann ont 19 et 20 ans. L’ailier gauche Tanguy Thomas est plus âgé (23 ans), mais il est lui aussi un pur produit du fleuron d’Alsace. Comme les quelques pépites exilées à travers la France. Les frères Lenne à Montpellier, Julien Meyer à Chartres, le pivot Gabriel Nyembo à Dunkerque ou Aymeric Zaepfel à Ivry. Tous dans la lignée des Thierry Omeyer, Mickaël Robin, Baptiste Butto, Rock Feliho, Damien Waeghe ou Seufyann Sayad, le premier international intégralement formé au SAHB. « Ces dernières saisons, la Proligue était un passage, remarque Christian Omeyer, et la Starligue offre maintenant une belle scène à domicile à ceux qui ont le profil. »
« Nous sommes le club phare de la région Grand Est »
Une scène qui ravive quelques souvenirs. Le 19-19 en finale aller de Coupe de France face à l’OM-Vitrolles en 1995 ; le lob de Quentin Eymann face au PSG de Jose-Manuel Sierra et Mikkel Hansen en 2014 (32-32) ; et puis les arabesques entre Heykel M’Gannem et Issam Tej, respectivement meilleur demi-centre (2005) et pivot (2005, 2006) de LNH ; les boulets de canon de Volker Michel et Eric Gull, meilleurs buteurs des éditions 2003 et 2004. « Nous sommes le club phare de l’Alsace et même de la région Grand Est, appuie Christian Omeyer, un club historique, et nous tirons d’ailleurs une certaine fierté de notre longévité à ce niveau. Fierté aussi d’avoir l’opportunité d’en découdre avec les grandes métropoles quand nous accusons à peine 20 000 habitants à Sélestat. » Fierté, surtout, de véhiculer cette image de club vertueux. Car si Jean-Claude Tapie, à l’époque de l’OM-Vitrolles, considérait la sous-préfecture du Bas-Rhin avec une forme de condescendance, le monde du handball est au contraire unanime pour vanter les mérites, la simplicité comme le professionnalisme d’un SAHB qui a un sens inné de l’accueil. L’expérience « SAHB Land » permet d’ailleurs aux supporters, à la centaine de bénévoles de rallier le CSI (centre sportif intercommunal) deux heures avant le coup d’envoi et de le déserter souvent au bout de la nuit. Souvent les yeux emplis d’étoiles.
Reste à savoir si leur favori sera à la hauteur de cette passion. « Tout le monde s’enflamme, conclut Laurent Busselier, tout le monde est à fond, mais il y a une différence entre le dire et le faire. A nous de mordre à pleines dents dans cette formidable opportunité. A nous d’être à la hauteur. »
Jean Burlet