Arrivé mercredi en début d’après-midi dans le Pays basque avec Cofidis, Victor Lafay a su lundi matin qu’il courait le Tour de France (départ ce samedi de Bilbao). Le natif de Lyon, qui vit maintenant dans les Bauges (74), nous a répondu jeudi matin dans le bus qui menait son équipe sur la reconnaissance des 90 derniers km de la première étape. Et nous parle de ses ambitions sur son deuxième Tour, qu’il espère plus agréable que le premier.
Comment s’est passé votre premier entraînement au Pays basque, mercredi après-midi ?
On a roulé 2h15, les jambes étaient un peu dures après le Championnat de France de dimanche et le voyage mais cela faisait du bien de rouler sur les routes basques. Il ne fait pas trop chaud, autour de 20 degrés, c’est la température idéale. Mais les routes sont dures, ça monte, ça descend, il n’y a pas de plat (rires).
C’est un terrain qui vous plaît ?
Oui, ça ressemble un peu à ce qu’on peut retrouver chez moi, dans les Bauges, le massif entre le Semnoz, côté Annecy, et le Revard, Aix-les-Bains. C’est là où je roule, il y a un bon terrain de jeu, on peut aller chercher des cols à gauche et à droite avec de forts pourcentages de pente, il n’y a pas de voitures et pas mal de cyclistes.
Cela va être votre deuxième Tour. Comment il se présente ?
Autant l’année dernière, je pensais aller au Tour dès le début de saison, c’était prévu, autant cette année, ça s’est fait au dernier moment. Je devais courir sur le Giro mais j’ai pris le Covid juste avant. J’ai eu un bon mois et demi de galère, je ne respirais pas très bien. L’entraînement, c’était difficile, les courses encore plus. Et puis, ça s’est débloqué, ça allait de mieux en mieux et l’éventualité du Tour de France s’est dessinée : la semaine dernière, j’étais sûr à 70% d’y participer et j’ai appris lundi matin ma sélection. C’était assez rapide.
Pas le temps de digérer l’annonce, il a fallu tout de suite refaire ses valises pour partir…
Faire les valises et aussi s’organiser : par exemple, j’ai 2 chats à la maison, il fallait que je gère qui allait passer pour les nourrir. Je devais faire quelques courses et aller voir un peu la famille avant de partir. C’était un peu la course… En même temps, c’est pour une course qui fait plaisir !
Même si votre premier Tour l’an dernier s’est davantage apparenté à une galère !
Oui, le Tour de l’an passé était un peu particulier, un peu comme le Giro cette année, marqué par le Covid. Dès le début, on a vu beaucoup de coureurs hors de forme, pas à leur niveau habituel, certains testés positifs au Covid, et même d’autres non. Je faisais partie des coureurs qui avaient des tests négatifs mais dès la 4e étape, j’avais tous les symptômes Covid, notamment respiratoires. Donc je n’ai pas vraiment pu profiter du Tour. Je me suis accroché jusqu’à la 13e étape – j’ai « bâché » le lendemain de l’étape de l’Alpe-d’Huez – mais c’était de pire en pire de jour en jour. J’ai vraiment traîné ma galère.
D’où l’envie de vivre différemment ce 2e Tour ?
Ah oui, c’est sûr ! En plus, en ayant pris le Covid à Liège il y a un peu plus de deux mois, je devrais avoir les anticorps et même s’il revient dans le peloton, j’espère ne pas être touché. On prend des précautions, on met un masque dans les avions, à l’aéroport, sans doute à la présentation des équipes (jeudi soir). La menace est moins forte que l’an dernier donc ça devrait mieux se passer.
Quelles sont vos ambitions ?
Les premières étapes sont vallonnées et bien punchys, ça correspond à mon profil. Après, le début du Tour est souvent compliqué, il y a beaucoup de stress, et donc de chutes. Sur un parcours comme ça, je ne pense pas que les échappées aillent au bout. Il va falloir jouer à la pédale avec les meilleurs, ça va être très difficile mais l’objectif de ce Tour, c’est de gagner une étape !
Et donc de renouer avec le bonheur que vous avez connu sur le Giro il y a 3 ans ?
C’est un objectif personnel et commun dans l’équipe. Ça fait 15 ans que Cofidis n’a pas gagné sur le Tour de France. Donc on a vraiment envie de renouer avec la victoire ici. Personnellement, c’est mon truc de faire un one shot sur un jour. Dans les Alpes, il y a beaucoup d’étapes qui vont être propices aux échappées. Ce serait vraiment un rêve de gagner une étape sur ce Tour.
Qui plus est à domicile ?
C’est vrai que là on court pendant quasiment une semaine à côté de la maison, ou en tout cas dans un rayon d’une heure en voiture ! Je pense que c’est du déjà-vu dans le Tour. Au début, quand on m’avait dit : « tu vas faire le Giro et pas le Tour », j’étais un peu déçu compte tenu du parcours. Par la force des choses, me voilà finalement sur le Tour. Si j’arrive à décrocher une étape à la maison, ce serait incroyable. Et même si c’est loin de la maison, sur une autre étape, je prends quand même ! (rires) ça ferait un souvenir inoubliable.
Qui dit à domicile, dit soutien des proches et de la famille.
Oui, les gens m’ont prévenu qu’ils allaient être ici tel jour, d’autres là tel autre jour. Plein de monde va venir me supporter. Il y en a aussi qui ne vont pas me le dire et qui vont venir sur le bord de la route. L’an dernier, lors de l’étape de Morzine, on est passé vers Thonon, j’ai reconnu plein de visages. Ça va être pareil cette année, ça va être incroyable.
Et vos parents aussi ?
Oui, bien sûr. Après, ma mère s’est cassée la jambe la semaine dernière donc si elle vient, ce sera en fauteuil roulant. Mais d’Annecy, où elle est, elle peut aller sur plusieurs étapes. Même l’étape du Grand-Colombier, c’est à une heure. Elle m’a dit qu’elle ne viendrait pas mais là connaissant, elle va faire l’effort de se déplacer quand même !
Vous êtes d’où exactement ?
Je suis né à Lyon, à la Croix-Rousse, et j’ai vécu jusqu’à mes 3-4 ans à Caluire, où ma grand-mère habite encore, puis mes parents ont déménagé à Thonons-les-Bains où je suis resté jusqu’à mes 18 ans. Après, je suis parti à Chambéry. C’est à Thonon que j’ai commencé le vélo dès l’âge de 5 ans, un collègue de mon père tenait l’école de cyclisme, et depuis je n’ai pas arrêté. J’ai couru chez les amateurs à Chambéry, puis à Bourg-en-Bresse pendant un an et demi avant de rejoindre Cofidis en août 2018.
Le Tour de France va aussi décider de votre avenir ?
Je suis en fin de contrat en fin d’année mais l’équipe a envie de me garder et m’a proposé un nouveau bail d’un an. Je prends encore le temps de réfléchir, pour le moment les dirigeants ne me mettent pas trop de stress.
Qu’avez-vous pensé de la série sur le Tour de France diffusée sur Netflix ?
Je n’ai vu que le premier épisode, j’ai trouvé ça intéressant : il y a du suspense, même un peu plus que dans la réalité ! Forcément, ils ont rendu certaines scènes un peu épiques. Le duel Van Aert-Vingegaard est un peu poussé, dans les faits ce n’est sûrement pas à ce point-là. Mais dans l’ensemble, c’est assez réaliste et c’est top pour le cyclisme en général. Cela fait comprendre aux gens comment ça marche exactement, tout ce qui est stratégie d’équipe notamment. »
Propos recueillis par Sylvain Lartaud