Le jeune Franc-Comtois de 23 ans est devenu, à Rotterdam, champion d’Europe de Para-tir 10 m en carabine couché SH2 – R5 face à l’Ukrainien Vasyl Kovalchuk. Et il en a profité aussi pour battre le record du monde en finale ! Pierre Guillaume-Sage nous raconte comment il a vécu ce grand moment au côté de son père Didier, son assistant sur le pas de tir.
Quelques jours après, comment vivez-vous votre titre ?
C’est encore tout frais. Je ne réalise toujours pas vraiment que je suis devenu champion d’Europe. Tout cela pour la deuxième compétition internationale de grande ampleur à laquelle je participais. Je suis encore tout récent dans le haut niveau. Donc je ne me rends pas encore trop compte. J’ai l’impression d’avoir remporté un nouveau titre de champion de France mais pas plus. J’avais concouru aux Championnats du monde l’an dernier aux Émirats arabes unis : j’avais fini 9e en ratant la finale lors du dernier plomb à cause d’un 10.1… face à l’Ukrainien Vasyl Kovalchuk qui était devenu champion du monde par la suite… et que j’ai battu dimanche à Rotterdam en prenant du coup ma revanche! (rires) Entretemps, il y a eu le GP de Hanovre, d’où j’avais ramené la médaille d’argent. Mais cela n’avait pas la même envergure, il n’y avait pas de quota à aller chercher par exemple…
Cette fois en plus, avec un total de 256,5 points, vous avez battu le record du monde !
Oui, le record, c’était un bonus, la petite cerise sur le gâteau. Le plus important, c’était le titre de champion d’Europe. J’étais donc plus concentré à ne pas lâcher ma première place que j’avais depuis le début de la finale. Le record, ça s’est joué sur le dernier plomb. Le speaker a annoncé qu’il suffisait que je réalise un 10 pour que je le batte. À ce moment-là, j’avais 9/10e d’avance, j’ai voulu tirer un peu plus vite que mon adversaire pour lui mettre la pression et je lâche un 10.1 alors que j’étais plutôt sur une moyenne de 10.7 jusque-là avec un plus petit plomb à 10.5. Mais même si Kovalchuk réalisait un 10.9, je savais que j’étais champion d’Europe.
Vous avez pu partager ces émotions avec votre père Didier, présent à vos côtés. Expliquez-nous.
En effet, dans ma catégorie, on peut avoir un assistant qui nous aide dans notre préparation à apporter le matériel, à charger les plombs, etc. Du coup, c’est mon père qui s’occupe de moi. Et il a directement lâché sa petite larme juste après le dernier plomb. C’était émouvant de voir cela. Il était le premier à me féliciter. Mon coach Raphaël Voltz qui est un ancien tireur qui a glané plusieurs médailles mondiales et paralympiques (NDLR : en 2000, 2008 et 2012) et pour qui c’était la dernière compétition était hyper content aussi. Il a un peu forcé le passage pour venir nous voir alors que les arbitres n’autorisent pas cela normalement et on a fait un gros câlin tous les trois (sourire). On a ensuite bien fêté ça dimanche soir avec toute l’équipe de France. Et à peine rentré lundi soir chez mes parents à Chemaudin, à côté de Besançon, je suis reparti mardi matin à Dijon où je suis des études en alternance dans l’informatique.
Visiblement, vous arrivez à bien combiner votre sport avec vos études ?
Disons que cela va mieux car début 2023 j’avais plus la tête aux examens qu’à la compétition, notamment lors d’une sélection pour une étape de Coupe du monde en Corée du Sud durant laquelle je n’avais pas été compétitif. Par ailleurs, il y a 2 ans, je ne m’entraînais clairement pas assez, uniquement une fois par semaine voire une fois toutes les deux semaines. Depuis, les stages en équipe de France m’ont permis d’être plus à l’aise et j’arrive mieux à allier les études et les entraînements. Et tout sera plus facile à partir de septembre quand j’aurai fini l’école. Je devrais rester en CDI dans mon entreprise, à Besançon. Mon patron est conciliant, il me laisse facilement partir en compétition ou en stage.
C’est votre père qui vous a initié au tir ? Comment avez-vous commencé ?
Non, non mes parents ont découvert cette discipline avec moi lors d’une fête de village à Moncey chez ma tante à l’été 2011. Il y avait là un stand de tir installé par une personne, Gérard Tripier, dont la fille était aussi en situation de handicap. Il m’a fait tester et comme il trouvait que je tirais bien, il m’a proposé d’aller au stand du Rosemont, à la Société de tir de Besançon, dont il était à l’époque le responsable de la section para-tir. J’avais 11 ans et tout a commencé comme ça… Quand on est enfant en situation de handicap (NDLR : Pierre Guillaume-Sage a été atteint d’une arthrite juvénile à l’âge de 2 ans), c’est bien d’avoir un loisir. Et pour la petite histoire, mes parents se sont aussi par la suite mis au tir, pas à la carabine mais au pistolet. C’est moi qui ai un peu initié le mouvement dans la famille vers ce sport.
Malgré votre performance à Rotterdam, vous n’êtes pas encore qualifié pour les Jeux paralympiques ?
Non, lors de ces Championnats d’Europe, il n’y avait pas de quota dans la catégorie où je tirais. En catégorie SH2, on peut tirer debout avec juste la potence et sans appuis et moi je pratique uniquement du tir couché avec deux appuis supplémentaires au niveau des coudes. Il y avait un quota en debout mais pas en couché.
Cela va donc se jouer lors des championnats du monde qui se déroulent dans un mois à Lima, au Pérou ?
Oui, ce sera l’échéance principale puisqu’il y aura un quota et donc une qualification pour les Jeux paralympiques à aller chercher. De nombreuses places ont déjà été distribuées, il y a donc de plus en plus de chance d’en obtenir une. Et ces Mondiaux sont la principale occasion pour décrocher ce sésame.
Quel sera votre objectif ?
Le premier c’est d’atteindre la finale, cette fois. Après, en finale, tout peut arriver. Lors des Europe, j’ai fini 6e des qualifications avant de terminer en tête en finale. Donc j’espère faire pareil le mois prochain !
Propos recueillis par Sylvain Lartaud