Des cheveux frisés châtains, des petits yeux verts tirés qui en disent long, un rire communicatif et une énergie inépuisable. Lyse Versmisse est une athlète hors norme alliant générosité et passion pour le judo. Championne de France 1ère division -78kg, elle doit cette victoire éclatante à son passé et son travail acharné.
D’une amourette de maternelle au Judo
“Elle a commencé le basket avant le judo et déjà elle avait un potentiel athlétique” explique Karine Gicquel, maman de Lyse. Avant de trouver sa voie dans le judo, Lyse pratique le basket, un sport qu’elle adore, influencée par son père qui est entraîneur. ” À peine trois ans j’étais déjà sur un terrain de basket.” lance Lyse, sourire aux lèvres. Cependant, une passion pour un camarade de maternelle l’emmène à découvrir le judo. Cette décision, bien que spontanée, va défnir sa carrière sportive. ”J’étais amoureuse d’un garçon et il faisait du judo. J’ai dit papa, maman, je veux faire du judo”. “Elle sait où elle veut aller depuis toute petite”dit fièrement Karine (maman de Lyse). Tout de suite séduite par le jeu et, des fois têtue sur les bords, Lyse se sent comme un poisson dans l’eau.
Le judo plus adapté
Son parcours est marqué par des défis personnels et des moments de doute. Enfant, Lyse souffre de problèmes de croissance qui la contraigne à passer sept mois en fauteuil roulant. ”Je grandissais trop vite, j’avais les os qui grandissaient plus vite que mes tendons” Incapable de pratiquer le basket en raison de son impact physique trop important. Le judo, moins éprouvant pour son corps, s’impose alors comme une alternative salutaire. “C’était une horreur, je ne pouvais pas poser les pieds au sol, donc plus de sport, je marchais à quatre pattes, pour monter les escaliers, on devait me porter.” Si c’est un moment difficile pour ses parents, ça l’est tout autant pour Lyse. D’un tempérament fort et d’une énergie débordante, elle se voit réduite et dépend des autres. Un moment pas facile à cet âge quand on connaît la dépense énergétique d’un enfant. ”J’avais l’impression de passer à côté de ma vie d’enfant.”se remémore tristement Lyse.
Une taille au-dessus de la moyenne
“ Elle avait un physique différent des autres, qu’elle a fallu qu’elle assume.” Yann Versmisse, papa de Lyse. Le parcours de Lyse en judo débute dans un petit club breton à Yffiniac, en Bretagne (22). Sa détermination et sa taille “au-dessus de la moyenne” la poussent souvent à devoir combattre contre des garçons, car elle domine trop facilement les filles de son âge. “J’ai toujours été grande et un peu plus lourde que les filles de mon âge, je combattais avec les garçons car avec les filles ça durait cinq secondes, ce n’était pas drôle.” Cette expérience la renforce à cultiver en elle une fierté et une confiance en ses capacités. “J’étais trop fière car j’arrivais à les battre” s’exclame Lyse.
Un déchirement familial
“Une période compliquée pour Lyse qui est en pleine construction d’elle-même, elle le vit très mal.” explique Karine avec regret. À 14 ans, la vie de Lyse est bouleversée par le divorce de ses parents, une épreuve qui l’oblige à endosser des responsabilités d’adulte alors qu’elle n’est encore qu’une adolescente. Elle doit gérer “la dépression” de son père, tout en poursuivant ses études et ses entraînements. “Je me retrouvais à gérer mon père qui était au fond du trou, qui m’appelait tous les soirs en pleurant. Je voyais ma sœur qui ne le vivait pas bien et, le week-end je devais me partager en deux, le vendredi et samedi après-midi avec l’un de mes parents puis, le reste du weekend avec l’autre” Une période difficile pour Yann Versmisse, qui voit sa fille prendre son envol alors qu’il est au plus bas. “Ça a été un passage très compliqué, c’est la mauvaise période pour Lyse et moi, le moment où Lyse part c’est celui où mon ex-femme est partie” raconte Yann très ému.
Un système éducatif français pas du tout en accord avec le sport
Ce qui aujourd’hui est un vrai problème pour des athlètes comme Lyse. Des professeurs incompréhensifs, qui refusent de prendre en compte les exigences du sport et entraînent une exclusion sociale de l’élève concerné, parce qu’il ne rentre pas “dans le moule” de la société. “Ma professeur principale m’a fait croire qu’elle m’aiderait, mais elle a complètement retourné sa veste et un jour elle m’a allumé devant toute la classe. Ça a été la goutte de trop.” lâche Lyse. Mais cela n’empêche pas Lyse de continuer à se battre et d’obtenir ses diplômes. “ Je l’ai toujours accompagné en lui disant, attention Lyse pense toujours à “l’après-judo”, ne mets pas de côté tes études” Des parents engagés également sur le plan scolaire, qui lui rappellent toujours la nécessité d’avoir des diplômes et de penser à “l’après-sport”.
Une attitude de guerrière
“ Si elle en est là, c’est parce qu’elle a un mental de fou, elle ne lâchera jamais” Malgré ces obstacles, Lyse continue de s’entraîner avec une détermination inébranlable. Après avoir quitté le pôle espoir de Rennes en février 2019, elle persévère, s’entraîne dans divers clubs et chez elle, même pendant la pandémie de COVID-19. “On a réussi à trouver des tapis de judo qu’on a installés dans le jardin sur lesquels j’ai pu m’entraîner avec comme cobaye mon père et ma sœur.” “ J’ai mis le kimono, je me suis fait mal, sa sœur a joué le jeu, on a toujours été là pour elle et elle le sait.” dit fièrement Yann Versmisse. Sa ténacité porte ses fruits lorsqu’elle est sélectionnée pour le pôle France de Bordeaux en dépit de sa longue période d’inactivité due au confinement. “Lyse vit judo, elle se lève, elle pense judo, elle mange judo, elle se couche judo.” K.G. S’il y a bien un “reproche” que l’on peut faire à Lyse, c’est bien celui de ne jamais s’arrêter. Elle en fait et en veut toujours plus. “Bon, on s’arrête là, sinon à minuit, on y est encore.” lui disait son entraîneur Cédric Claverie. “Elle a besoin d’un régulateur, car sa motivation est hors norme.” dit son papa, lui aussi dépassé par ce gain d’énergie. Elle aime cette parenthèse d’entraînement où son cerveau est en totale déconnexion. C’est là qu’elle s’y sent le mieux. “ Je suis une machine heureuse”
Une évolution rapide avec à la clé : l’INSEP
Les blessures sont une constante dans la carrière de Lyse, mais elles n’entament jamais sa volonté de réussir. Après une blessure à l’épaule, elle rebondit rapidement, se classe troisième aux championnats de France et obtient une sélection en équipe de France. Sa montée en puissance rapide culmine avec son entrée à l’INSEP, un rêve devenu réalité. Elle signe en parallèle son entrée au PSG Judo. “Elle est incroyable” balance Karine Gicquel, admirative de sa fille. “Si je veux faire du haut niveau, si un jour, je veux faire les Jeux Olympiques, il faut que je sois en structure.”
Audrey Tcheuméo : “C’est un véritable coup de cœur”
Lyse trouve également une source d’inspiration et de soutien auprès des grandes figures de sa catégorie, notamment Audrey Tcheuméo. Admirative de son parcours, et de sa personnalité. Leur relation, basée sur le respect mutuel et le soutien, renforce la détermination de Lyse à atteindre les sommets du judo.
Une victoire qui réunit
En 2023, Lyse remporte le championnat de France 1ère division, une victoire marquée par l’émotion, le soutien indéfectible d’Audrey Tcheuméo tout au long de cette journée et la satisfaction de voir ses efforts récompensés. “Elle fait partie de cette médaille” dit fièrement Lyse, pleine de gratitude envers Audrey Tcheuméo. Ce moment a également été un rare instant de réconciliation familiale, ses parents oubliant leurs différends pour célébrer ensemble la réussite de leur fille aînée. “ Ce moment et cette photo me touchent tellement, ça a été trente secondes de bonheur, où je me suis dit, là, on est une famille.” “ Le plus important c’était qu’on soit là pour elle, et qu’on mette les tensions de côté” L’objectif ultime de Lyse est de participer aux Jeux Olympiques de 2028. Malgré la densité et la compétitivité de sa catégorie, elle reste déterminée à apprendre des meilleures et à se frayer un chemin vers le sommet. Sa devise est simple : foncer, ne jamais abandonner, et toujours viser plus haut. Des parents fiers et admiratifs de leur fille. “Qu’elle vive pleinement son rêve que ce soit positif ou négatif.”, “qu’elle soit la sportive qu’elle veut être, mais qu’elle soit aussi la femme qu’elle veut être” Lyse Versmisse est bien plus qu’une judokate talentueuse ; elle est une source d’inspiration, une preuve vivante que la persévérance, la résilience et le soutien familial peuvent surmonter les défis les plus difficiles. Avec son objectif de devenir championne olympique en vue, Lyse continue de s’entraîner avec une passion et une détermination qui ne laissent aucun doute sur sa capacité à atteindre ses rêves.
Par Aurore Quintin