En plein comeback de son retour de blessure, la perchiste Margot Chevrier raconte son parcours du combattant. Avec du recul, et beaucoup de détermination.
Margot, comment ça va ? Sur les réseaux sociaux, vous montrez les étapes de votre comeback, ça va à une vitesse folle !
Ça va de mieux en mieux, merci ! Disons que les médecins pensent que c’est un peu inespéré… Normalement, là où j’en suis, je devrais encore avoir une béquille pour sortir de chez moi. Depuis la mi-mai, je n’ai plus de béquilles, maintenant, je conduis et j’ai repris l’entraînement avec quelques gammes, et même quelques petits « sauts ». Attention : sans sprint et sans impulsion, juste avoir la perche en main, et ça fait déjà du bien ! Même si j’ai deux ou trois mois d’avance sur ce qui est prévu, j’en veux toujours plus parce que j’ai encore l’objectif en tête…
« Je prends ce qui vient, et je ne regrette rien »
Comment vous placez-vous justement par rapport aux Jeux ? Est-ce que vous le prenez comme un bonus, et tant pis si ça ne passe pas, car vous aurez tout donné ?
Non, je ne peux pas me dire ça. C’est l’objectif d’une vie. Si je pensais « tant pis pour les Jeux », je n’aurais pas fait toute cette rééducation et ces efforts. Je ne peux pas me dire que ce n’est pas grave, ça me tient trop à cœur. Avec cette blessure, je pense que j’ai percuté pas mal de choses. Pour me recentrer sur ce qui est important dans la vie, que tout peut s’arrêter en un instant… Il y a des petites victoires que tu savoures différemment, et des moments difficiles à savoir relativiser. Bien sûr, si je ne fais pas les Jeux, j’aurai le cœur brisé et je mettrai du temps à m’en remettre. Mais je finirai par en revenir. Il y a une histoire de destin dans tout ça, je pense… Peut-être qu’il faut croire en des forces supérieures, avec parfois des petits miracles ou des épreuves. Je prends ce qui vient, et je ne regrette rien. Je le sens bien, je me rends compte ce qu’il faut faire avant de pouvoir sauter, et je me donne à fond.
« Des moments de grande fragilité »
Vous avez passé plusieurs semaines de rééducation au CERS de Capbreton. Quel soutien, physique et moral, avez-vous trouvé là-bas ?
Avec une telle blessure, on prend beaucoup de recul. On se rend compte qu’on a énormément de chance d’être athlète, et que tout peut basculer. Si je me bats pour revenir, c’est aussi pour ma vie en général, pour pouvoir jouer au foot dans le sable avec mes enfants. Ce sont ces petites choses-là qui font comprendre que tout ça va plus loin que la perche et les Jeux. Dans ce processus, on en apprend beaucoup sur soi, et beaucoup sur les autres aussi. Au CERS de Capbreton, j’ai vraiment ressenti ça. Médicalement, on peut difficilement être mieux accompagné. C’est du 24/24h. L’entourage et le cocon qu’on se fait là-bas est une vraie bulle de protection. On est avec des gens qui ont vécu des choses similaires, voire pire. Ce sont des moments où on est tous dans une grande fragilité. On crée du lien bien plus vite, et on se retrouve à être hyper heureux pour quelqu’un qu’on ne connaissait pas une semaine avant ! Il y a une solidarité très, très forte, c’est vraiment spécial.
« Retrouver la perche […], comme rentrer à la maison après les vacances… »
Quelles sont les prochaines petites victoires à aller chercher maintenant ?
Déjà, à la fin juillet, il y aura le test event qui déterminera si je suis prête ou pas. D’ici là, je sais qu’il va falloir sprinter au moins à 80%. J’en ai vu un peu la couleur à l’entraînement, je vais avancer petit à petit. Je pense que je pourrais faire des choses sur le sautoir. Retrouver la perche, ça fait déjà beaucoup de bien. C’est une sensation très particulière, c’est comme rentrer à la maison après les vacances… Tout est familier, mais on sent que ça fait longtemps qu’on est parti. Quand j’ai mis la colle, ça m’a fait une petite Madeleine de Proust ! Bien sûr, il y a encore un peu d’appréhension. Le soutien que je reçois, de mon entourage et sur les réseaux, m’aide beaucoup. Finalement, les gens se rendent souvent plus compte que moi du chemin parcouru. Parfois je lis tous les messages, et ça fait vachement du bien !