Après avoir pris le temps de la réflexion, le quintuple champion olympique a décidé de prolonger son aventure sur les pistes. Porte-drapeau tricolore aux derniers JO, Martin Fourcade, qui a réussi à sortir le biathlon de l’anonymat, nous livre ses objectifs à quelques semaines du coup d’envoi de la nouvelle saison.
Vous aviez évoqué un temps la possibilité d’arrêter après les derniers JO. À 30 ans, et avec un tel palmarès, qu’est-ce qui vous motive à continuer ?
C’est sûr que dix ans de carrière ça peut user, mais j’ai encore envie, je n’ai pas fait le tour. J’ai la chance de me sentir en forme, de pouvoir continuer ma passion avec un mode de vie qui me plaît et de m’épanouir dans cette équipe. Je me régale encore dans ce que je fais. Il n’y avait pas de raison de mettre un point final à cette aventure. Je souhaite la prolonger encore au moins pour deux années, car j’ai encore plein de belles choses à vivre, à donner et à recevoir de mon sport. Ensuite, on fera le point quand il sera question de se projeter ou pas sur les Jeux de Pékin.
Comment abordez-vous cette nouvelle saison de Coupe du monde après les grandes émotions des Jeux olympiques ?
La motivation est toujours bien présente, et elle n’est pas difficile à trouver ! Bien sûr, les Jeux olympiques, c’est un moment particulier dans une carrière, mais la suite est également très excitante avec la Coupe du monde et les Championnats du monde.
Concrètement quels sont vos objectifs ?
Je ne nomme pas la victoire, parce qu’après sept années à me battre pour cela je ne me vois pas viser d’autres résultats. Cela étant, je ne me suis pas fixé d’objectifs comptables. Je n’aime pas ce genre d’effets d’annonces. Dominer pendant sept ans ne veut pas dire que tout ira bien la huitième année. Je veux être ambitieux, me donner les moyens d’être performant.
Difficile tout de même de ne pas évoquer un huitième globe d’affilée…
Bien entendu, c’est un objectif. Ce sera l’une de mes batailles, je ne sais pas si je serai en mesure de tout gagner, en tous cas je sais que j’ai les armes pour essayer de le défendre, même si mes adversaires voudront m’en empêcher. Il faudra être le meilleur tous les week-ends. Aller chercher ce globe est une vraie motivation, c’est quelque chose de très dur à remporter. Il faudra être constant, sans faille, ne pas traverser de coups de mou. J’ai eu la chance depuis sept ans de passer à travers tous les pièges et d’éviter les coups durs, j’espère que ce sera encore le cas cette année.
Quel est selon vous votre concurrent le plus sérieux ?
Le concurrent principal reste Johannes Boe. C’est lui qui a été le plus constant et le plus dangereux la saison dernière, et la bataille a été très serrée durant les Jeux olympiques. Mais on n’est pas à l’abri également de voir de nouveaux athlètes se révéler.
Cette nouvelle saison est marquée par un grand changement dans l’encadrement, avec un renouvellement des coaches. Comment vivez-vous ce nouveau départ ?
C’est une décision importante qui marque une étape. Stéphane Bouthiaux a cru en moi pendant toutes ces années, m’a fait grandir et m’a amené à toutes ces victoires… Mais nous étions arrivés à la fin d’un cycle. Aujourd’hui, j’ai encore de nouvelles choses à apprendre, mais peut-être plus du coach avec lequel j’ai tout vécu jusque-là. De son côté, Stéphane avait également la sensation de ne plus avoir grand-chose à m’apporter. Il y avait la nécessité de repartir sur une nouvelle dynamique, avec un nouveau souffle. Ça a été une décision partagée. Une décision difficile à prendre pour lui et difficile à accepter pour moi, mais quelque chose de nécessaire. Aujourd’hui, le nouveau coach, Vincent Vittoz, m’apporte un discours et une vision différents de celui de Stéphane Bouthiaux. Ce n’est ni mieux, ni moins bien. Mais, pour continuer sur mon niveau d’exigences, j’avais besoin de nouveauté, de nouvelles méthodes de travail qui peuvent nous pousser dans nos retranchements.
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Sur quels aspects souhaitez-vous justement progresser ?
La compétence de Vincent est essentiellement sur le ski de fond. Concrètement, mes objectifs vont être de retrouver le niveau de fraîcheur que j’avais en 2017 sur mes skis, et maintenir mon niveau de tir dont j’étais extrêmement satisfait la saison dernière. Un mix des deux serait idéal !
Avoir été porte-drapeau tricolore aux JO 2018, qu’est-ce que cela vous a procuré ?
J’ai eu la chance d’être porte-drapeau à PyeongChang. J’ai vécu cette aventure comme quelque chose de très fort. Je me suis senti à certains moments comme le grand frère d’une équipe. Ça m’a beaucoup marqué. Humainement, je vois ma carrière de manière moins individualiste. Je me suis découvert un altruisme qui n’était pas une de mes qualités premières jusque-là, et qui me porte aujourd’hui dans ma relation avec le groupe et cette volonté nouvelle de transmettre.
Parmi toutes vos victoires, la plus belle ne serait-elle pas celle d’avoir rendu le biathlon populaire ?
Sortir le biathlon de l’anonymat, c’est une grande fierté, quelque chose dont j’ai beaucoup rêvé sur mes premières années de Coupe du monde. J’avais à cette époque vraiment envie de donner au biathlon la place qu’il méritait. Il a fallu plusieurs années et c’est finalement en arrêtant de me formaliser avec ça que le biathlon a pris la lumière médiatique et son envol. Au final, c’est une très belle victoire, plus humaine que sportive. Et j’en suis très heureux.
Cette année, des enfants vont pouvoir ajouter un nouveau cadeau sur la liste du Père Noël… Comment vous est venue l’idée de faire construire une carabine en bois à votre nom ?
Pendant toute ma carrière, je n’ai pas arrêté de recevoir des photos d’enfants suivant le biathlon à la télé avec un balai ou un bout de bois sur l’épaule. Je me suis dit qu’il leur fallait une carabine en jouet ! Il m’est alors venu l’idée de contacter Villac, un fabricant de jouets en bois, pour reproduire ma carabine. Je suis très heureux de ce projet et surtout de voir les réactions des enfants qui l’ont déjà testée…
Votre nom est aussi associé à la MGEN avec qui vous êtes en partenariat et qui vient de s’associer avec l’équipe de France. En quoi est-ce important d’associer votre image à des partenaires ?
C’est important pour un sportif d’avoir des soutiens dans sa carrière. Dans notre domaine, on vit des revenus de nos partenaires. Il faut donc bien choisir ceux qui nous accompagnent dans notre parcours. S’ils partagent en plus des valeurs qui sont les nôtres, c’est gratifiant et beaucoup plus facile à vivre au quotidien. Quand on est athlète, on est sensible à la santé qui est un fil conducteur de ma pratique. Pouvoir partager ça avec mon partenaire et l’impliquer dans le biathlon, je trouve que c’est une belle chose qui donne un sens cohérent à ma démarche.
Cela amorce-t-il votre après carrière ?
J’ai eu la chance de pouvoir nouer des relations avec mes partenaires sur la durée. Ça me donnera peut-être des idées pour la suite mais, aujourd’hui, je n’y pense pas. Je suis pleinement focalisé sur la suite de ma carrière.