Une étude où des personnes âgées marchent avec des jeunes pour prévenir la chute est en cours dans le cadre d’une thèse préparée à l’UFR STAPS de Montpellier. Plus d’explications avec la doctorante Samar Ezzina.
La marche a des effets bénéfiques sur la santé, cela a été prouvé. Aujourd’hui, Samar Ezzina, doctorante à l’UFR STAPS et au laboratoire Euromov de Montpellier, veut aller plus loin et prouver que le risque de chute d’une personne âgée diminue après qu’elle ait marché plusieurs fois avec un jeune. Elle explique : « Nous nous basons sur la théorie mathématique des systèmes complexes qui suppose que l’on a tous une signature motrice, que l’on enregistre les mouvements du bras, du torse, et aussi lorsque l’on marche. Concernant la marche, cette signature de la complexité de notre système présente un niveau optimal chez les sujets jeunes et en bonne santé. Il a été montré que cette complexité diminuait avec l’avancée en âge ou la pathologie. De plus, on a mis en évidence un lien entre la perte de complexité et la propension à la chute. Il faut savoir que la chute est un facteur majeur de perte de l’autonomie et qu’elle est responsable de plus 12 000 décès par an en France. L’originalité de ce projet de doctorat est de traiter cette problématique sanitaire avec une approche fondamentale mathématique. Nous voulons trouver un moyen de retrouver cette signature, donc de restaurer la complexité du système âgée en provoquant un « appariement des complexités », c’est-à-dire mettre deux personnes en interaction pour harmoniser leurs complexités : la personne la plus stable et robuste, donc le jeune, constitue un attracteur de la complexité de l’autre, donc la personne âgée. À partir de là, nous avons mis en place un projet basé sur un protocole d’entraînement à la marche accompagnée et synchronisée entre une personne jeune et une personne âgée. »
Des résultats probants
Ainsi entre 2017 et 2019, Samar Ezzina et une autre doctorante au sein du laboratoire Euromov ont marché avec des personnes âgées, bras-dessus bras-dessous, sur la piste d’athlétisme couverte du Palais universitaire des sports de Veyrassi, à raison de trois rendez-vous par semaine sur une période de quatre semaines. « Nous marchions pendant quatre séquences de 15 minutes à leur rythme », détaille la doctorante. « Les meilleurs faisaient six tours de piste de 200m environ pendant une séquence. Nous avons eu tous les profils ; des personnes sédentaires avec des grandes difficultés à la marche comme des personnes qui participent encore aux compétitions de courses à pied ou à vélo. Au bout de trois semaines de protocole, nous avons constaté que le senior avait retrouvé la même complexité que le jeune. Nous n’avons pas eu les mêmes résultats sur le groupe contrôle, ce qui montre que l’activité physique seule, ne permet pas de restaurer la complexité du système de locomotion mais, effectivement, c’est l’accompagnement du jeune qui provoque cette restauration systématique. » Au vu des résultats probants, un second protocole a débuté en septembre dernier. Cette fois, deux services civiques – « une première au sein du laboratoire » – ont été recrutés pour accompagner les seniors. « Cela va plus vite puisqu’on a presque déjà fini le groupe expérimental ! », se réjouit Samar Ezzina. Autre nouveauté, des tests cliniques, une série d’exercices qui permet de mesurer le risque de chute pour les personnes âgées, sont effectués avant et après l’expérimentation. « Nous avons reçu des retours oraux de seniors qui constatent qu’ils marchent plus droit, sont plus stables, ont moins d’appréhension avant de prendre les escaliers, mais nous n’avions pas les moyens de le quantifier, savoir comment ça se traduit. Notre première expérience a permis de répondre à une question fondamentale et vérifier si le protocole permettait de restaurer la complexité. Aujourd’hui, on voulait aller plus loin en tentant de mesurer des changements sur des marqueurs fonctionnels liés à la chute comme l’équilibre, l’endurance et la force », justifie la doctorante.
D’autres actions à venir ?
Le recrutement de volontaires est encore en cours pour finaliser cette nouvelle étude. Samar Ezzina effectue cette thèse dans le cadre d’une convention CIFRE au sein de l’Union nationale sportive Léo Lagrange (UNSLL), en tant que chargée de projet sport santé, sous la supervision du professeur Didier Delignières, doyen de l’UFR STAPS, et le professeur Hubert Blain, responsable du pôle gérontologie du CHU de Montpellier. Dans le cadre de ses missions au sein de l’UNSLL, Samar Ezzina vise l’élaboration d’un programme fédéral opérationnel basé sur les résultats de ses études visant à prévenir la chute chez les seniors. « Il faut souligner que la mise en place de ce protocole ne nécessite aucun matériel, mais simplement la présence d’un jeune accompagnateur. Donc, ce qui est original, c’est qu’aujourd’hui nous sommes en train d’envisager une solution sanitaire basée uniquement sur l’interaction humaine intergénérationnelle. Ceci est complètement en phase avec ma philosophie et celle de l’UNSLL, qui est de favoriser l’interaction et l’inclusion sociale, favoriser l’accès aux soins, mettre en place des choses accessibles aux personnes les plus précaires et fragiles… Donc, avec l’UNSLL, nous envisageons une mise en place d’actions de terrains qui reprendrons ce protocole de restauration avant fin 2020 », avance la doctorante.