L’équipage Rêve à Perte de vue est le premier composé en majorité de personnes déficientes visuelles à accomplir la traversée de Marseille à Carthage. Joël Paris, instigateur du projet, revient sur cette performance qui a eu lieu entre le 17 et le 20 février.
Comment s’est déroulé la traversée de l’équipage Rêve à Perte de Vue entre Marseille et Carthage (Tunisie) en février dernier ?
Dans des conditions musclées. Il y a eu des vents de 40 à 55 nœuds durant 24 heures, plus fort que la météo le prévoyait. Cependant le plus gênant, c’était la houle croisée. Mais ça fait partie du jeu. L’équipage était soudé et a bien réagi. Chacun s’est relayé à la barre et se reposait quand il pouvait. Nous n’avons pas eu de problèmes particuliers, sauf Olivier Brisse qui s’est ouvert l’arcade sourcilière en tombant de sa couchette.
Êtes-vous satisfait du chrono établi ?
Nous avons mis plus de temps que prévu, mais 60 heures, le temps visé, c’était trop dur. Déjà, nous sommes partis par petit vent, par prudence, pour donner à tout le monde le temps de s’acclimater. Accomplir cette traversée de 458 milles nautiques (près de 850 km, ndlr) en 84 heures, c’est bien sachant qu’il a fallu qu’on ralentisse, même si on a eu du vent tout le temps sauf à la fin. Excepté les 24 heures de grand vent et de houle croisée, c’était agréable de naviguer. Mais ce n’était pas du tout une croisière tranquille. On était fatigués et éprouvés à l’arrivée.
Avez-vous été aidés pour accomplir cette traversée ?
À notre arrivée à Carthage, nos partenaires nous en pris en charge et nous avons pu visiter de l’ambassade de France. En revanche, nous n’avons pas été suivis par un bateau comme ça se fait habituellement.
Terminer cette traversée de la Méditerranée a-t-il permis de lutter contre les préjugés sur les personnes non-voyantes ou malvoyantes ?
Le fait d’y être arrivé le prouve ! Après c’est dur de répondre parce que je suis dedans et c’est donc difficile de juger. C’était aussi important d’avoir eu les deux jeunes non déficients visuels dans le bateau. On y serait arrivé sans eux, mais on aurait rencontré plus de difficultés. Tout le monde est content et fier de ce qu’on a fait. On éprouve le sentiment agréable du contrat accompli.
Quels sont vos futurs projets ?
Dans un premier temps, me reposer et prendre du recul. Puis, dans le troisième trimestre 2020, on veut reprendre dans des conditions plus fortes. Pour cette traversée de la Méditerranée, on est parti seul, la prochaine fois on veut prendre le départ avec d’autres personnes. Je pense à la Transat Jacques Vabre en novembre 2021. Il nous faudra mieux qu’un Half Toner, un bateau Class 40 cette fois, et ça nous demandera plus d’argent et donc plus de partenaires pour le concevoir. Ça sera un bateau visitable, un vrai lieu de communication pour les partenaires et pour montrer que les personnes déficientes visuelles sont capables de grandes choses.