Fin juillet, Régis Juanico (Génération·s) remettait avec Cédric Roussel un rapport d’évaluation sur l’application de la loi Braillard de mars 2017. Aujourd’hui, le député de la Loire souhaite que des efforts soient faits pour remettre le sport sur les rails lors de cette rentrée 2020.
« L’après crise sanitaire » n’est -il pas l’occasion de lancer un grand plan d’investissement pour le développement du sport en France ? N’est-ce pas important de penser maintenant le sport de demain ?
Malgré des contraintes sanitaires sans précédent, 40% des Français ont continué à pratiquer une activité physique et sportive pendant le confinement, 20% ont pu découvrir de nouvelles activités sportives. L’objectif de trois millions de pratiquants supplémentaires d’ici les Jeux de 2024 est plus que jamais d’actualité. Si les sportifs de haut-niveau ont pu reprendre entraînements et compétitions progressivement, beaucoup d’incertitudes demeurent sur la reprise effective des activités associatives. Alors avant de penser au « sport de demain », il est urgent de relancer le sport du quotidien dès cette rentrée et cela nécessite des moyens financiers exceptionnels qui ne sont pas pour le moment au rendez-vous.
Le sport professionnel est une vitrine pour la France, mais ne faudrait-il pas mettre l’accent plus encore sur le sport amateur, le sport pour tous ?
Beaucoup d’équipements sportifs sont encore fermés et le monde amateur est à l’arrêt depuis près de six mois. Une telle coupure est sans précédent et les clubs craignent à juste titre de perdre leurs licenciés et leurs bénévoles. Au parlement, mes propositions d’amendements pour la création d’un fonds de solidarité national, le soutien au mécénat sportif ou la mise en place d’un chèque sport sont restées lettre morte. Le sport amateur avec ses trois millions de bénévoles engagés dans 350 000 clubs est malheureusement un des seuls secteurs d’activités à ne pas bénéficier de plan de relance spécifique. La gravité de la situation est sous-estimée en haut-lieu, en dépit de nos alertes de terrain maintes fois répétées.
« Les politiques publiques sportives ne se résument pas à la question éducative »
La « rétrogradation » de Roxana Maracineanu n’est-elle pas le signe annonciateur d’un futur avec une Agence nationale du sport toute puissante et un ou une ministre des Sports de « représentation » ?
La mise sous tutelle au sein de l’Education Nationale est révélatrice de l’importance accordée au sport dans notre pays… La disparition d’un ministère des Sports de plein exercice ne me surprend pas : elle était inscrite dans la feuille de route technocratique d’Action Publique 2022, de même que la suppression de 1600 Conseillers Techniques et Sportifs alors que ces cadres d’Etat ont été exemplaires pendant la crise sanitaire.
Les politiques publiques sportives ne se résument pas à la question éducative, elles concernent le sport-santé-bien-être, la politique de la ville et des quartiers mais aussi la ruralité avec les sports de nature, le sport en entreprise, dans l’administration publique, l’inclusion des publics les plus éloignés de la pratique sportive ou le sport handicap… Avec la double autorité ministérielle et la montée en puissance de l’ANS qui a repris l’essentiel des prérogatives du ministère, le risque est de complexifier les décisions et de diluer la spécificité des politiques publiques sportives nationales.
La gestion du sport en France se fait à de multiples étages : mairies, Métropoles, départements, régions, Etat avec le ministère des Sports, Agence nationale du sport, CNOSF… Ne faut-il pas simplifier les choses ?
Oui, sans remettre en cause le sport en tant que compétence partagée, il faut mieux spécialiser les collectivités territoriales pour que les acteurs y voient clairs : équipements sportifs de proximité et subventions aux clubs pour les communes, sport professionnel et grandes infrastructures pour les intercommunalités, publics les plus éloignés de la pratique sportive et handisport pour les départements, formation et gestion des CREPS pour les régions… Les conférences des financeurs doivent permettre de clarifier le rôle de chacun en gardant la spécificité de chaque territoire, mais on prend beaucoup de retard dans leur mise en place et l’Etat ne doit pas décider à la place des collectivités localement. Mais j’insiste, l’Etat doit demeurer le garant de l’application des politiques publiques sportives dans le cadre d’un service public partout dans nos territoires. Les aides aux emplois sportifs qualifiés -pour un montant de près de 50 millions d’euros- doivent par exemple demeurer une prérogative de l’Etat pas des fédérations.
Pourquoi est-ce nécessaire de mettre en place un acte 2 de la « loi Braillard ?
Des progrès ont été réalisés grâce à la loi du 1er mars 2017, nous les avons listés avec Cédric Roussel dans notre rapport : dans la lutte contre les violences dans le sport, la manipulation des compétitions sportives, le rôle des DNCG, mais comme le reconnaît Thierry Braillard lui-même, nous devons aller plus loin sur un certain nombre de dispositions législatives où les résultats se font attendre.
Le mécanisme de contrat d’exploitation commercial censé prendre le relais du droit à l’image collective pour renforcer la compétitivité du sport professionnel est pour le moment un échec -53 joueurs et entraîneurs pour 3 millions d’euros générés- du fait des incertitudes fiscales et juridiques, celui de la garantie d’emprunt mérite d’être mieux connu des collectivités territoriales qui souhaitent investir dans les enceintes sportives.
13 fédérations n’ont pas créé de charte et de comité d’éthique et de déontologie. Le sport français a-t-il du mal à suivre le rythme des réformes ? Est-ce difficile d’imposer la modernisation aux fédérations ?
62 des 75 fédérations délégataires sont en règle, il faut aussi le souligner, mais vingt d’entre elles se sont mises en conformité avec la loi depuis le début de l’année 2020 au dernier moment sous la pression alors qu’elles auraient dû l’être à la fin de l’année 2017. Ce n’est pas acceptable, c’est pourquoi nous demandons que le contrôle des fédérations sportives sur les questions d’éthique relève du ministère des Sports et non du CNOSF, et soit éventuellement assorti de sanctions.
« La Conférence Permanente du Sport Féminin n’a pas eu un fonctionnement satisfaisant »
Vous souhaitez promouvoir le sport féminin. Est-ce raisonnable de pousser vers le professionnalisme ou faut-il développer le double projet (métier et haut niveau en parallèle) ?
La Conférence Permanente du Sport Féminin créée par la loi Braillard n’a pas eu un fonctionnement satisfaisant faute de volonté politique, alors que l’Instance Nationale du Supportérisme, elle aussi sous l’égide du ministère des Sports, a pris des dossiers parfois sensibles à bras le corps. Outre une meilleure mixité des instances sportives et visibilité médiatique des disciplines féminines, des ressources financières doivent être fléchées sur le développement du sport féminin, dans les budgets des collectivités et de l’Etat mais aussi au sein du sport professionnel (droits télévisuels, marketing, partenariats) pour construire un modèle économique spécifique au sport professionnel féminin. Les récents accords collectifs, exemplaires en matière de droits sociaux, de salaire minimum et de reconversion dans les Ligues de basket et de handball doivent également être généralisés à l’ensemble des Ligues professionnelles.
Ces dernières années, le sport-santé est devenu une cause importante à développer, car il a un rôle essentiel dans la diminution des dépenses de santé. Que faire pour qu’il ait toute sa place dans le paysage du sport français ?
Le sport a occupé une place importante pendant le confinement : pour l’équilibre de chacun, la lutte contre le stress et l’anxiété, la prise de poids liée à la sédentarité ou pour stimuler le système immunitaire. A la maison d’abord, comme en témoignent la forte hausse des commandes d’articles de sport en ligne (cordes à sauter, tapis de sol, vélos d’appartement, haltères…) et la fréquentation de sites ou d’applications permettant de « bouger chez nous ». En plein air également : l’activité physique individuelle dans le respect les règles de distanciation physique (course à pied, marche nordique…) dans la limite d’une heure et dans un rayon d’un km figurait parmi les sept motifs exceptionnels de dérogation à la règle générale d’interdiction des déplacements.
Alors que de nouveaux pratiquants se sont mis ou remis au sport pendant le confinement et qu’on constate une envolée des achats de vélos, il n’a pas été prévu de dispositifs humains pour encadrer les activités physiques adaptées et accueillir ce nouveau public dans les clubs au moment du déconfinement, c’est une occasion manquée, d’autant plus que les mutuelles étaient prêtes à mettre des moyens financier importants.
Le sport à l’école est un autre sujet important. Y a-t-il une bonne formule à mettre en place pour permettre aux jeunes de faire plus de sport, tout en donnant satisfaction aux professeurs d’EPS, aux associations et aux clubs ?
Comme nous l’avions préconisé avec Pascal Deguilhem dans notre rapport parlementaire sur le sport et l’école en 2016, il faut s’assurer que les trois heures obligatoires d’EPS dans le 1er degré soient bien effectives, aménager les cours de récréation pour favoriser les jeux mixtes et se fixer deux grands objectifs ambitieux : 100% d’une classe d’âge sachant nager et rouler à l’entrée en 6e. Finalement, on en arrive à regretter l’abandon des Nouvelles Activités Périscolaires dans le cadre de la réforme des rythmes et des cinq matinées, d’autant plus que nous avions estimé que les activités sportives représentaient 30% du total des activités proposées et que 60% des élèves étaient concernés !