Après une saison en demi-teinte illuminée malgré tout par deux médailles aux Jeux olympiques, Alexis Pinturault nourrit de grandes ambitions pour 2019. Avec 200 départs en Coupe du monde pour 21 victoires au compteur, le chef de file du ski français se remet en piste, avec dans un coin de la tête le rêve de conquérir le gros globe de cristal…
Une nouvelle saison redémarre, que peut-on vous souhaiter cette année ?
Une saison réussie serait de retrouver mon meilleur niveau en géant, celui que j’ai connu il y a deux et trois ans, pour être complètement à la bagarre pour un éventuel globe. Je voudrais réaliser de beaux championnats du monde, et encore mieux si j’arrive à mettre de belles choses en place en slalom, pour revenir sur le podium au général ou du moins m’en rapprocher au maximum.
Quel regard portez-vous sur la saison qui vient de s’écouler ?
Le bilan est nuancé. J’ai vécu une saison mitigée où il y a eu deux phases : l’une avec un hiver marqué par les Jeux olympiques et la saison en elle même. J’ai eu pas mal de problèmes sur cette dernière, notamment en géant. Mais j’ai su réagir, et mon point d’orgue est venu lors des Jeux avec ces deux médailles remportées ; ce que j’avais coché dans mes objectifs. Au final, j’ai passé un bon hiver, malgré la Coupe du monde où mes résultats ont été en deçà, ce qui m’avait un peu chagriné avant de préparer les Jeux.
Considérez-vous votre sixième place au classement général de la Coupe du monde comme un recul ?
Non, pas du tout ! Dès le début de la saison, j’avais annoncé que je ferais des impasses sur des courses importantes pour me préparer au mieux pour les Jeux, ce qui au final a porté ses fruits…
Pourquoi, selon vous, les JO vous ont-ils mieux réussi ?
Aux Jeux, j’ai réussi dès le combiné à mettre les choses en place comme il fallait, ce qui m’a porté et donné beaucoup de confiance. Lors du géant, ça s’est bien passé aussi. Malgré des soucis techniques liés à un changement de matériel, j’ai réussi avec mes qualités techniques à passer outre et à décrocher cette médaille. Ces problèmes de matériel causés par un ski mal équilibré m’ont véritablement pénalisé tout au long de la saison. J’ai été obligé de skier trop souvent au-delà de mes limites, ce qui m’a conduit à sortir plusieurs fois. Aux Jeux, j’ai décidé de prendre le risque maximal et, dans ces cas-là, ça passe ou ça casse ! Mais je ne suis pas sorti de piste et ça a fonctionné ! Les Jeux ça a toujours bien fonctionné pour moi, j’aimerais que ça se retrouve à présent sur les championnats du monde.
Que pensez-vous de la saison de Marcel Hirscher ?
Marcel a réalisé la meilleure saison de sa carrière. En théorie, je ne crois pas qu’il pourra rééditer une telle saison. Il a gagné tous les géants sauf un, et presque tous les slaloms. Ses statistiques sont incroyables. Je lui tire mon chapeau d’avoir été aussi constant sur tout l’hiver, car même aux Jeux il a continué sur sa lancée…
Cette concurrence est-elle un moteur ?
La concurrence, c’est ce qui pousse tout athlète à se dépasser dans chaque sport de haut niveau. C’est quand il y a de belles bagarres qu’on arrive à aller encore plus loin, plus haut, à repousser ses limites et prendre une autre ampleur. Les performances de Marcel renforcent ma motivation. J’ai à cœur, en particulier en géant, de retrouver mon ski d’il y a deux ans, pour revenir à son niveau.
Justement, avez-vous fait évoluer votre manière de skier ?
Mon ski s’est un peu déréglé. J’ai voulu revenir sur des fondamentaux techniques justes et sains. Il a été question d’estomper des défauts qui commençaient à apparaître et de revenir à des choses que je faisais avant. J’ai aussi beaucoup travaillé depuis l’an dernier en slalom, où j’ai des lacunes à combler. Cette année, il faut bonifier ce travail et enfoncer le clou. J’aimerais franchir un cap. En géant, j’ai un travail différent à effectuer, il s’agit plus d’automatismes et de repères à retrouver.
Pensez-vous disputer aussi quelques Super G ?
Une saison qui se passe bien, c’est une saison où l’on se retrouve sur les podiums le plus souvent possible, peu importe la course. L’intérêt serait d’arriver au top aux Mondiaux en Suède. En Super G, il y aura des étapes comme à Bormio ou Kitzbühel qui seront importantes, mais il faudra aussi trouver du bon repos. Il y aura des choix à faire avec le staff. Ma stratégie est toute simple : taper fort là où je peux !
Pensez-vous à conquérir le gros globe de cristal ?
Je n’ai pas renoncé à viser le gros globe de cristal. J’ai conscience de l’exigence que cela demande, surtout avec le niveau de mes concurrents comme Marcel Hirscher et les autres. Pour le gagner, il faut être sur les podiums. Ça demande de l’excellence. Pour cela, je dois progresser dans les disciplines où je suis le moins fort. En géant, si je retrouve mon meilleur niveau, je peux rivaliser avec les meilleurs. En combiné aussi. En slalom, par contre, c’est ce qui me fait défaut pour le général. Il me faut combler ce retard en slalom, c’est là que je dois réussir à franchir un cap pour me mettre au niveau des meilleurs. La conquête du gros globe fait partie de tout ce travail. Ma stratégie est donc de progresser en slalom pour aller le chercher.
Au-delà de cette saison, à 27 ans, quels sont les objectifs que vous vous fixez pour la suite de votre carrière ?
Si tout va bien, je serai là dans près de quatre ans à Pékin pour les JO 2022. Je fais un sport à risque, on n’est jamais à l’abri d’un pépin, donc ce n’est pas toujours facile de se projeter, mais j’ai cette envie. En allant plus loin, je me dis que, si j’ai suffisamment de motivation, je pourrai être là aussi dans huit ans. Ça m’emmènera jusqu’à 35 ans. C’est une bonne perspective, d’autant que je n’oublie pas qu’en 2023 les Championnats du monde se dérouleront chez moi à Courchevel, ainsi qu’à Méribel. Je n’imagine pas rater ça…
Marquer l’histoire de votre sport est quelque chose d’important pour vous ?
Ce n’est pas forcément mon but. Mes objectifs ce sont des médailles, remporter des courses. L’histoire s’écrit en parallèle, mais je ne le fais pas dans cet objectif. Mon but c’est de m’éclater dans ce que je fais en visant la victoire.
Quelle est la victoire qui vous a procuré le plus d’émotions depuis le début de votre carrière ?
C’est dur de répondre ! Peut-être l’une des victoires les plus serrées que j’ai connues : c’était contre Marcel Hirsher à Adelboden en Suisse en 2017. Pour un géantiste, Aldeboden c’est un mythe, la plus belle course du circuit en géant. J’avais écrasé la première manche et Marcel avait écrasé la deuxième. Finalement, la victoire s’est jouée à quelques centièmes… ça a été une course très difficile mentalement, une épreuve que j’ai su surmonter pour aller chercher cette victoire. Un événement qui a été formateur pour la suite.