Aloïse Retornaz, toutes voiles dehors

Avec Camille Lecointre à ses côtés en 470, Aloïse Retornaz compte bien ramener de Tokyo une médaille olympique à la voile française. La Brestoise, qui a découvert ce sport à 7 ans, a aussi mis le cap pour les Jeux Olympiques de Paris en 2024.

 
Le monde de la voile l’a reconnue, le grand public a pu découvrir son nom : Aloïse Retornaz. Le 7 décembre 2019, la Brestoise, spécialisée dans le 470, a partagé le titre de marin de l’année avec sa coéquipière Camille Lecointre. « C’était un truc de fou, une belle reconnaissance après une très belle saison 2019 et plusieurs victoires sur l’eau », résume Aloïse Retornaz. « Et la récompense est d’autant plus belle que la voile est plus souvent associée aux courses au large, on parle peu des disciplines olympiques. » L’histoire entre la Bretonne et la voile a débuté dès ses 7 ans. « J’ai plutôt été poussée par mon père, parce quand j’étais petite j’avais peur », se souvient-elle. « Puis j’ai commencé la compétition et depuis je n’ai pas arrêté. » La rencontre avec le 470, un voilier de classe dériveur en double dont le nom se prononce « quat’sept », intervient plus tard. Aloïse Retornaz raconte : « En sport études au lycée, on doit choisir une spécialité. Une amie m’a proposé de naviguer en 420, le modèle utilisé pour les compétitions de jeunes, avec elle. » Pendant les trois ans sur ce voilier, les résultats sont au rendez-vous. C’est donc sans surprise qu’Aloïse Retornaz embarque sur un 470 juste après avoir obtenu le bac. En intégrant le Pôle France Brest Voile Olympique en 2011, plutôt que celui de Marseille ou de la Rochelle, Aloïse Retornaz demeure dans la ville où elle est née, entourée par sa famille. Cependant, son club est un peu plus loin, aux Sables- d’Olonne en Vendée : « J’ai aussi de la famille dans cette région et j’allais souvent passer des étés là-bas. J’ai bien accroché avec les gens du club des Sports nautiques sablais et apprécié la bonne ambiance alors j’ai pris ma licence au club. »

« Les Jeux Olympiques, c’est le graal »

Sa belle année 2019, avec une médaille de bronze lors des championnats du monde et un titre de championne d’Europe, c’est avec Camille Lecointre, de neuf ans son aînée, qu’Aloïse Retornaz l’a vécue. « Je l’ai connue quand j’avais 12 ans ! », relate- t-elle. « Quand j’étais au collège et que je naviguais sur Optimist, Camille faisait une formation pour devenir monitrice et aider son club. Elle entraînait le groupe dont je faisais partie. » Elles se sont perdues de vue, puis les deux navigatrices se sont retrouvées sur le circuit international de 470. Après sa médaille de bronze aux Jeux Olympiques de Rio en 2016, « Camille voulait repartir pour ceux de 2020. On s’est contacté, on savait qu’ensemble on avait les meilleures chances de faire quelque chose à Tokyo », explique la Bretonne. Avec l’entraîneur national, Gildas Philippe, elles se sont lancées dans leur projet où chacune amène sa complémentarité. « Camille sortait de grossesse, mais les automatismes sont vite revenus et même la première année s’est bien passée », se souvient Aloïse Retornaz. Le mois de septembre 2019 a été marqué par leur qualification pour Tokyo, une grande avancée dans leur quête de médaille. « Les Jeux Olympiques, c’est le graal, la compétition la plus importante dans la voile », déclare la championne. La victoire sur le Test Event d’Enoshima, le plan d’eau où se disputera l’épreuve olympique japonaise, l’été dernier, puis le titre de marin de l’année 2019 avaient donné un coup de boost au duo à quelques mois du départ vers le Japon. Entre temps, la pandémie de Covid-19 s’est déclarée et la compétition a été reportée d’un an. « On aurait préféré disputer les JO cette année. On avait notre programme jusqu’à août et on se sentait prêtes », reconnaît Aloïse Retornaz. « On est surtout contentes que les JO n’aient pas tout simplement été annulés. L’objectif reste le même, la médaille. On fera tout pour bien se préparer. Ça sera plus long pour s’adapter et on espère garder la même fraîcheur. » Les deux voileuses ont repris l’entraînement ensemble sur 470 mi-juin, en attendant la prochaine compétition internationale, le championnat d’Europe à Hyères (Var), du 12 au 19 septembre. Aloïse Retornaz, uniquement remplaçante lors de Rio 2016, peut compter sur l’expérience de sa partenaire et sur celle de son entraîneur Gildas Philippe pour appréhender au mieux la compétition planétaire l’an prochain. « Ils parlent d’un événement assez atypique. Les JO représentent une grosse mise en lumière et ils me préparent à la pression médiatique. Il y aura aussi tout un protocole. Ils m’expliquent que la pression sera plus grande sur l’eau. Le jour-J, tout le monde est plus stressé et il y a des «craquages» psychologiques. Je travaille avec la préparatrice mentale pour être prête. »
 

« Créer un nouvel équipage dans un temps réduit »

Après Tokyo, Aloïse Retornaz ne compte pas s’arrêter et mettra le cap sur les Jeux Olympiques de Paris. En 2024, elle aura 30 ans. L’âge de raison ? « Je ne pense pas qu’il y ait de bon âge. Ce qui compte, c’est d’être là au bon moment », réplique Aloïse Retornaz. « J’aurai la maturité en plus d’avoir déjà connu les JO, ça sera un gros point positif, mais je ne pense pas que je serai plus prête dans quatre ans. Actuellement, Camille et moi avons toutes les clefs pour faire un résultat à Tokyo. » Si la Brestoise a bien la volonté de représenter la France sur le plan d’eau de Marseille, ses choix de support et de coéquipier ne sont pas arrêtés : « Les séries de 470 seront mixtes pour les JO 2024. Je ne suis pas encore sûr du support, si je vais rester en 470 avec un homme, choisir de partir en catamaran là aussi avec un homme, ou me mettre au skiff 49er FX avec une femme. Je peux aussi arrêter le double et passer en laser. Personne ne se voit prendre une décision avant les JO de Tokyo. On ne sait pas encore quelles seront les opportunités. J’ai quelques idées, mais je garde les portes ouvertes. » C’est tout un plan à repenser et un an de moins pour l’appliquer avec le report des Jeux de Tokyo. « Le projet sera forcément accéléré et il faudra créer un nouvel équipage dans un temps réduit », reconnaît la voileuse avant de tempérer : « Avec Camille, le projet a duré deux ans et demi. Je sais que c’est faisable. » Quant au plan d’eau du Roucas Blanc, Aloïse Retornaz le connaît déjà ; elle y a même gagné l’étape de Coupe du monde 2019 avec Camille Lecointre. « C’est un plan d’eau complet, technique avec beaucoup de vagues. Je n’y ai jamais navigué fin juillet, début août, à la période des JO, mais en trois ans, j’aurai le temps. Le grand avantage de recevoir est qu’on a plus de temps pour s’y entraîner régulièrement. Au Japon, on n’y allait qu’une fois par an et c’est un plan d’eau spécifique. Si on n’y va pas à la bonne période de l’année on n’a pas les mêmes conditions. La Fédération de voile est implantée à Marseille et monte une base de données pour mieux appréhender le terrain. » Mais avant de penser à la compétition dans quatre ans du côté de Marseille, de changer de partenaire et peut-être de support, c’est en 470, avec Camille Lecointre et à Tokyo qu’Aloïse Retornaz compte bien obtenir sa première médaille olympique dans moins d’un an.

Leslie Mucret
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