Dans un entretien exclusif (partie 2/3), la ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques évoque ses ambitions pour faire briller la France lors des JOP 2024 à Paris.
A moins de deux ans de ces Jeux olympiques et paralympiques de Paris, la France est-elle dans les temps concernant l’organisation ?
Nous sommes vraiment dans les temps de passage, pour reprendre la métaphore sportive, car les équipes ont beaucoup avancé lors des cinq dernières années. Il nous reste encore beaucoup à accomplir, mais nous sommes là où nous devrions être au moment de cette rentrée 2022. Le comité d’organisation des Jeux a sécurisé une part importante du niveau attendu de recettes liées aux contrats de sponsoring des partenaires, et les choses avancent de manière satisfaisante sur la préparation sportive des athlètes, mais aussi sur l’hébergement, la logistique, les transports et l’alimentation.
Il faut maintenant que l’on puisse accélérer sur un certain nombre de chantiers. Un des enjeux est ce qu’on appelle l’Event Delivery Model, à savoir définir le bon modèle de livraison des Jeux sur le plan sportif et des prestations associées, sur chacun des sites. Il faut clarifier le modèle retenu sur certains sites (gestion en direct par le COJO ou recours à un prestataire) et avancer plus rapidement dans la conclusion des contrats avec les partenaires externes.
Le COJO doit poursuivre ses efforts de recherche de sponsors. Aujourd’hui, il a atteint environ 70% des recettes attendues de sponsoring. L’objectif est d’atteindre 80% à la fin de l’année, avant de trouver les 20% manquants au cours du premier semestre 2023.
Le chantier suivant, tout à fait capital, est celui de la préparation de la révision budgétaire. Ce sera la troisième révision pluriannuelle dans le parcours du COJO de Paris 2024, c’est donc un point de passage tout à fait anticipé. Mais on fait face à de nouveaux enjeux, notamment les problématiques d’inflation. Le budget du COJO de Paris 2024 a été imaginé sur une hypothèse d’inflation à 1,4%. Aujourd’hui, l’inflation est plutôt autour de 6%. On doit tenir compte de cet impact important sur l’ensemble des marchés restant à conclure, et anticiper. Il est impératif de bien regarder l’ensemble des postes de dépenses (marchés concernant la restauration, le transport, la logistique, l’hébergement ; le modèle opérationnel de chacun des sites, les cahiers des charges, les recettes reversées à différents acteurs) pour essayer de se dégager une marge de manœuvre qui viendrait améliorer notre équation économique. Il faut avoir en tête que ce qui compte, c’est l’équilibre entre les recettes et les dépenses. C’est cet équilibre dont l’État est le garant.
Nous avons aussi des investissements importants liés à la finalisation de la construction des ouvrages olympiques. Il y en a au total plus d’une soixantaine, et ils sont portés par la Solideo, un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). La Solideo est dans les temps pour la construction et le financement de ces ouvrages, mais, là aussi, il faudra ajuster à la marge le budget en raison de l’inflation. Elle sera estimée de manière fine au cours de l’automne, et la charge devra être répartie entre l’État et les autres collectivités contributrices au budget de la Solideo.
Concernant la sécurité, faut-il s’inquiéter du rapport assez alarmiste de la Cour des comptes et des déclarations du nouveau préfet de Paris, Laurent Nuñez, sur la cérémonie d’ouverture ?
Non, nous serons au rendez-vous aussi sur cette dimension, avec Gérald Darmanin qui en a la responsabilité comme l’a souhaité le Président de la République. Pour cela, nous allons continuer à élever notre niveau de jeu sur la sécurité, pour le mettre à hauteur de notre ambition importante pour cette cérémonie d’ouverture. Les propos de Laurent Nuñez concordent avec nos discussions lors de la réunion du 25 juillet, souhaitée par le Président de la République et la Première ministre. On avait évoqué ce besoin de retravailler la jauge, et c’est en cours. On aura en principe à peu près 100 000 personnes sur les quais bas, avec des billets payants, et entre 400 et 500 000 personnes sur les quais hauts. Le chiffre exact sera entériné à la rentrée, sous l’autorité du préfet de police.
Pour la cérémonie d’ouverture, nous aurons le concours des forces armées. La Ville de Paris apportera aussi le concours de ses forces de police municipale, et nous aurons également un besoin important – qui est en train d’être chiffré – d’agents de sécurité privée.
« On aura en principe à peu près 100 000 personnes sur les quais bas »
Nous finaliserons à la rentrée le concept artistique de la cérémonie d’ouverture, sous la houlette d’un directeur artistique et d’un scénographe. Une fois ce concept arrêté, nous aurons l’ensemble des paramètres pour finaliser la programmation des capacités opérationnelles dont on aura besoin.
Dans le même temps, le préfet de la région Île-de-France travaille sur l’organisation de la dimension fluviale du spectacle, avec la sélection des 160 bateaux qui navigueront pendant cette cérémonie, pour véhiculer les athlètes des délégations olympiques. Un très bon travail collaboratif se fait dans la clarté des rôles et des responsabilités. Mais on n’a pas fini le travail, et on est pleinement conscients des enjeux sécuritaires, qui vont évidemment mobiliser le ministère de l’Intérieur sur les composantes de la lutte antiterroriste, de la prévention des risques liés à l’usage des drones et du risque cyber notamment.
Concernant les Jeux paralympiques, Londres est régulièrement citée en exemple, notamment pour tous les aménagements qui ont été faits dans la ville et dans les transports pour les personnes à mobilité réduite. A Paris, cela ne semble pas être le cas. Ne risque-t-on pas de manquer ce virage, et de ne pas laisser d’héritage de ces Jeux paralympiques ?
C’est un enjeu dont nous sommes pleinement conscients. Vous avez raison de dire que Londres a eu de bons résultats sur cette dimension. Aujourd’hui, nous travaillons dans différentes directions. Concernant la RATP, les travaux menés jusqu’à Saint-Denis Pleyel (au nord) et Orly (au sud) sur la ligne 14, avec une desserte vraiment bien conçue pour les personnes en situation de handicap, seront un acquis majeur.
Nous travaillons également avec les taxis pour développer une offre de taxis accessibles beaucoup plus forte. L’objectif de 1000 taxis accessibles, et des dispositifs incitatifs ont été mis en place pour cela. Nous avons fait une première partie du chemin.
Nous serons vigilants à ce que les parcours depuis les gares jusqu’aux différents sites puissent être le plus accessible possible. C’est une dimension très importante pour nous.