Anouck Jaubert fera partie des premières grimpeuses à participer à l’épreuve olympique d’escalade à Tokyo en 2021. À moins de huit mois de la compétition, la représentante du pôle France de Voiron se confie sur son amour pour l’épreuve de vitesse, sa qualification compliquée pour les Jeux et son futur.
Comment en êtes-vous venue à l’escalade dans son format olympique ?
C’est venu très naturellement. Petite, j’aimais bien le sport, j’ai pratiqué la danse, le judo et aussi l’escalade. J’ai eu la chance d’avoir un beau mur dans mon collège et mon lycée de Saint-Étienne. J’ai commencé à me mettre sérieusement à l’escalade en entrant à l’UNSS en 4e, puis j’ai rejoint le club local Escapilade, où je suis toujours licenciée. Pendant un moment, je jonglais entre la gymnastique et l’escalade, mais finalement je me suis consacrée uniquement à ce sport. Comme j’aime la compétition et que je suis déterminée, j’ai gravi les échelons, du niveau départemental au niveau régional, jusqu’au niveau national. Depuis septembre 2010, je suis au Pôle France à Voiron, dans l’Isère, et j’ai intégré l’équipe de France l’année d’après. C’est à Voiron que j’ai réellement accédé au haut niveau, où j’ai eu des entraînements dignes de ce nom avec une volonté de performance importante. Les infrastructures sont de qualité et il existe une bonne émulation entre athlètes. Je me suis spécialisée dans la discipline de vitesse et ça a marché.
Comment avez-vous réagi en découvrant que l’escalade serait au programme des Jeux Olympiques de Tokyo ?
C’est un grand pas vers la reconnaissance d’arriver dans cette compétition phare, celle qui est une référence pour tous les sportifs. Voir l’escalade y entrer représente une grande fierté. On va vivre un moment historique. Il faut savoir que l’escalade n’est pas au programme définitif des Jeux Olympiques. C’est le comité d’organisation japonais qui l’a ajoutée. Pour Paris 2024, c’est plutôt bien parti. Par la suite, on voudrait que le format évolue pour avoir des podiums dans les trois disciplines. Déjà pour Paris, on parle d’une nouvelle formule. La présence de l’escalade aux JO et son format dépendront de ce qu’il va se passer à Tokyo. À nous, grimpeurs, de montrer ce qu’on sait faire pour donner envie aux décideurs de garder notre sport dans le programme.
Qu’avez-vous changé pour aller chercher votre qualification ?
À l’été 2017, nous avons appris que l’escalade serait une épreuve olympique pour la première fois, mais dans un format de combiné des trois épreuves : vitesse, difficulté et bloc. Étant une spécialiste de la vitesse, je n’étais pas forcément partie sur ce projet-là. Mais je n’ai pas eu à réfléchir longtemps car les Jeux Olympiques sont la compétition dont tous sportifs rêvent. Je voulais tenter d’y participer. J’ai réappris la technique des deux autres disciplines, ça a pris beaucoup de temps.
« J’ai appris la nouvelle en plein confinement »
Vous avez obtenu votre billet pour Tokyo au dernier moment. Racontez-nous.
2019 était l’année qualificative pour les Jeux Olympiques. J’ai participé à beaucoup de compétitions, dont les Championnats du monde qui se déroulaient déjà à Tokyo. J’ai terminé 11e alors que les dix premières gagnaient leur place pour l’épreuve olympique. C’était un gros coup dur. Le Tournoi de qualification olympique (TQO) de Tournefeuille (près de Toulouse, ndlr) en fin d’année s’est mal passé. C’était compliqué, au début, je ne devais pas y participer, mais j’y suis allée au dernier moment. Avec le recul, je me rends compte que je n’étais pas prête. Les nations ne pouvant envoyer que deux athlètes féminins et deux athlètes masculins à l’épreuve olympique d’escalade et Julia Chanourdie ayant pris une place après le TQO, il restait un ticket chez les femmes. On pouvait encore se qualifier lors des Championnats d’Europe 2020 à Moscou. Je m’étais préparée à fond pour aller chercher ma place. Nous étions à une semaine du départ pour la Russie quand la compétition a été annulée à cause de la pandémie de Covid-19 et du confinement. En avril, la commission tripartite du Comité international olympique (CIO) a décidé d’attribuer un quota à la première athlète féminine non qualifiée après les Championnats du monde et c’était moi ! J’ai appris la nouvelle alors que j’étais en plein confinement, pas du tout en mode compétition. C’était assez étrange, mais j’ai réalisé assez tôt. C’était un vrai soulagement parce que les Jeux étaient mon seul objectif et je me suis toujours entraînée pour y participer. J’espère maintenant qu’on n’aura pas de mauvaises nouvelles et qu’ils auront bien lieu.
Avez-vous pu continuer à vous entraîner pendant cette période de confinement ?
Le Pôle France d’escalade de Voiron est resté accessible, contrairement au confinement du printemps. J’ai pu poursuivre mes entraînements sur les structures presque comme d’habitude.
Vous préparez-vous déjà en vue des Jeux Olympiques 2021 ?
C’est l’échéance principale, l’objectif phare, même si la compétition a été décalée d’un an. La préparation, c’est tout un ensemble. Je travaille la technique pour améliorer la grimpe, mon physique pour gagner en force et en explosivité, ainsi que mon mental pour exploiter mon potentiel au maximum. C’est aussi, au quotidien, faire attention à ce que je mange et à la manière dont je dors.
Allez-vous alterner la vitesse avec le bloc et la difficulté lors des prochaines compétitions ?
Même si je me suis remise au bloc et à la difficulté en vue des Jeux, la vitesse reste ma discipline de cœur. Je suis entrée au Pôle France pour m’améliorer dans cette discipline. J’ai fait beaucoup d’efforts et réalisé des performances dans cette catégorie. La vitesse est une épreuve hyper explosive et très intense sur un temps très court. On sent la rivalité avec son adversaire. Dans les autres catégories, la compétition est indirecte avec les autres grimpeurs, on se bat d’abord contre le bloc et le mur. En vitesse, on est côte à côte, c’est ce que j’aime et ce qui me correspond le plus. De plus, c’est cette partie de l’épreuve qui sera mon ticket potentiel vers une finale, voire un podium. Il faut absolument que je fasse une bonne partie vitesse en qualifications et en phase finale pour bien me placer, puis ça suivra en bloc et en difficulté.
« J’ai vraiment envie de passer à autre chose »
Côtoyez-vous Julia Chanourdie, Bassa et Mickael Mawem, les trois autres grimpeurs qui représenteront la France à Tokyo ?
Je m’entraîne à 100% à Voiron et eux ail-leurs. De plus, nous n’avons pas le même profil. Julie Chanourdie est spécialiste de la difficulté et moi de la vitesse, donc on n’a pas les mêmes besoins. Cependant, c’est toujours sympa de faire des entraînements en commun et d’échanger lors des regroupements ponctuels avec l’équipe de France.
Envisagez-vous de participer aux Jeux Olympiques de Paris en 2024 ?
Non, parce que je vais arrêter le haut niveau après les Jeux de Tokyo. J’estime que j’ai assez profité de cette carrière. Peut-être que je changerais d’avis plus tard, mais mon état d’esprit actuel est de me donner à fond dans l’escalade jusqu’aux Jeux, puis de changer de vie. Je compte débuter ma carrière de kinésithérapeute. Pendant mes études, l’escalade prenait de plus en plus de temps. C’était compliqué, mais j’ai réussi à trouver un équilibre global entre le sport et mes études à Grenoble. En travaillant, l’organisation va être plus compliquée. Mais, ce n’est pas la seule raison, j’ai vraiment envie de passer à autre chose. Je vais peut-être continuer à faire de l’escalade, mais en loisirs.
Les épreuves féminines et masculines se déroulent lors de la même compétition en escalade. Pensez-vous que c’est un plus pour la visibilité du sport féminin ?
J’ai toujours connu cette façon de faire, donc c’est difficile de comparer. Si j’avais connu une manière de faire différente, je me rendrais peut-être plus compte de la chance que j’ai. Je pense que c’est toujours bien qu’une discipline soit mixte. C’est une richesse d’avoir les compétitions hommes et femmes qui se déroulent en même temps.