Le skipper breton se prépare pour l’Arkea Ultim Challenge, qui aura lieu dans un an. Après une Route du Rhum marquée par une avarie, Armel Le Cléac’h se veut confiant pour la suite.
Avez-vous compris l’origine de l’avarie sur la Route du Rhum ?
Armel Le Cléac’h : On a malheureusement cassé notre dérive 24 heures après le départ. Ce n’est pas un choc avec un objet flottant. On a pu analyser. La pièce avait pourtant été testée et on la pensait solide. La structure, la géométrie de la pièce est aujourd’hui remise en cause.
Comment jaugez-vous le niveau du Maxi Banque Populaire XI par rapport aux autres bateaux de la classe ?
ALC : Au départ de la Route du Rhum, on pensait avoir un bateau pour la gagner. On avait vu sur les 24h Ultim et sur le Finistère – Atlantique qu’on a alterné en tête avec Gitana pendant toute l’épreuve. C’était hyper serré. Notre bateau fait partie des meilleurs bateaux de la flotte. C’est un des derniers à avoir été mis à l’eau. Il a les technologies les plus récentes. C’est aussi un bateau sur lequel on arrive encore à progresser par rapport à Gitana, qui a un haut niveau de performance, mais qui atteint un plafond.
Est-ce plutôt sur la fiabilité du bateau que les évolutions vont arriver ?
ALC : Mis à part la dérive, on a déjà près de 45 000 miles au compteur. Donc le bateau a prouvé sa fiabilité. Mais on sait que l’Arkea Ultim Challenge va se jouer sur la fiabilité de l’ensemble des systèmes. Il faut qu’on arrive à utiliser le plus longtemps possible les bateaux à 100%. Pour travailler sur tous ces systèmes, cela va des appendices, comme les foils, à l’électronique, l’hydraulique et la mécanique. C’est là-dessus qu’il faut qu’on soit au point pour le marathon qu’est le tour du monde.
« C’est ce challenge-là qui me passionne »
Quelles sont les qualités de skipper à avoir pour l’Arkea Ultim Challenge ?
ALC : La complexité de mener un Ultim n’est pas à la portée de tous. Faire un Vendée Globe, c’est plus accessible. L’IMOCA reste un monocoque, un grand bateau, mais ce n’est pas un bateau de 32 mètres qui va très vite avec le risque de chavirage. Cela se voit dans les profils des skippers engagés. Au Vendée Globe, on a plusieurs profils, avec des compétiteurs et des aventuriers qui n’ont pas la même expérience. Sur l’Arkea Ultim Challenge, avec la complexité, l’aventure sera présente, mais pas aussi accessible.
Après avoir tant gagné sur IMOCA, que vous apporte la classe Ultim ?
ALC : Je ressens un niveau d’engagement encore plus important, un niveau de concentration, de préparation supérieure. Ce sont des machines difficiles à mener, mais qui sont fabuleuses à gérer. Quand on navigue à 20, 40 nœuds de vitesse, c’est fort en sensations. C’est ce challenge-là qui me passionne. Je n’ai pas encore réussi à gagner comme ce fut le cas en IMOCA. La possibilité de faire un tour du monde à la voile en moins de 50 jours, c’est quelque chose que je n’ai jamais fait.
Lorsque vous décollez avec les foils, est-ce une adrénaline supplémentaire ?
ALC : Ce sont des sensations très fortes, on ne s’en lasse pas. C’est toujours grisant d’aller jusqu’à deux fois la vitesse du vent. Ce sont les seules machines au large capables de le faire. Quand on a navigué sur ces bateaux-là, on n’a pas les mêmes sensations. Pour moi, c’est toujours un plaisir de naviguer en Ultim. Encore plus en solitaire parce que c’est un challenge plus fort. En équipage, de temps en temps, cela permet de tirer plus sur le bateau.
Cela fait plus de 10 ans que vous naviguez avec Banque Populaire, la confiance entre vous est importante ?
ALC : C’est très important. C’est une histoire qu’on écrit ensemble. Le Vendée Globe est une partie importante avec deux participations et la victoire en 2017. Il y a eu la Solitaire du Figaro qui leur a permis de la gagner pour la première fois. Avec les Ultim il y a eu des moments plus compliqués, les Routes du Rhum qui se sont mal passées. Il faut qu’il y ait cette confiance, car la réussite se fait sur le long terme. Il faut accepter malheureusement la casse. Mais c’est une autre histoire qu’on a pu raconter.
Où en est votre préparation pour l’Arkea Ultim Challenge ?
ALC : Le bateau est actuellement en chantier. Jusqu’à fin avril, on va pouvoir travailler sur la fiabilité des systèmes et faire progresser la machine. Des pistes de travail sont mises en application. On travaille techniquement à terre et moi physiquement avec du foncier pour pouvoir mener ce bateau. On naviguera à partir de mai. Il y a une envie d’enchaîner de longues périodes de navigation avec deux fois 15 jours d’affilée pour tester comment tous les systèmes tiennent sur les deux tiers d’un tour du monde. Il est fort probable qu’on parte naviguer sur l’Atlantique, voire le sud de l’Atlantique pour préparer le tour du monde.