Arthur Bauchet : « Ces Jeux ont été magiques »

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Nous avons pu échanger avec Arthur Bauchet, fraîchement quadruple médaillé paralympique (trois en or, une en bronze). Ses médailles, sa gestion de la pression, sa famille, Cortina 2026, ses objectifs et l’évolution de son statut ont été au coeur des échanges.

Comment considérez-vous ces Jeux à titre personnel ?

Je les considère plus que réussis. Alors oui, j’arrivais en favori sur ces Jeux, on ne va pas se le cacher. Mais entre arriver favori et réussir ces Jeux, c’est différent. Là clairement, ils étaient totalement réussis donc c’est parfait.

Y-a-t-il une médaille que vous avez plus savourée que les autres ?

C’est difficile. Il n’y en a pas forcément une que je préfère parce qu’elles ont toutes une saveur particulière. En y réfléchissant, je dirais ma première médaille d’or parce que c’était tellement un soulagement de tout. Ça récompense tellement tous les sacrifices qu’il y a eu, encore plus avec le Covid-19. Depuis le 27 décembre dernier, je n’avais pas vu ma famille, mes amis. Je portais tout le temps le FFP2, même aux entraînements. C’était très long, je tournais vraiment en rond dans l’appartement. Quand je suis arrivé en bas, j’étais dans les premiers dossards, plus exactement deuxième. J’ai dû attendre chaque dossard arrivé, chaque participant. Je vibrais encore plus à chaque fois et je me disais « c’est bon, ils passent derrière moi ». C’étaient des émotions de malade, un stress que je n’avais jamais ressenti aussi fort. Le bac à côté, ce n’était vraiment pas de stress (rire). La deuxième plus belle médaille à mes yeux est celle en bronze parce que j’ai tellement repoussé mes limites pour aller la chercher. J’étais sixième de la première manche et je termine troisième. La satisfaction était grande.

Après avoir décroché quatre médailles d’argent en 2018, vous décrochez quatre médailles, dont trois en or et une en bronze. Quel est le sentiment que vous éprouvez ?

Après 2018, on m’a pas mal parlé de cette médaille d’or que je n’avais pas réussi à aller chercher. J’avais à coeur d’aller la chercher. Après, quand on est quarante au départ d’une manche, on est quarante à vouloir la même chose (la médaille d’or). En plus de se dépasser, il faut reproduire le ski en course qu’on fait déjà à l’entraînement. Je suis satisfait, car j’ai sorti un bon ski. Bon, au fur et à mesure, mon ski se dégradait parce que physiquement c’était dur, mais je suis content du ski que j’ai réussi à faire, de la manière dont j’ai géré ces Jeux et de la façon dont j’ai géré la pression. Ces Jeux se sont révélés magiques.

Comment avez-vous su gérer la pression ?

Étonnamment, je n’ai pas ressenti tant de pression que ça durant les Jeux. Excepté le premier jour, où j’ai eu l’impression que mon estomac était noué. Quand j’ai assisté à la cérémonie d’ouverture, la pression a été dure à gérer, j’ai même rencontré des difficultés à dormir. Dès le lendemain, la descente s’est super bien passée, ce qui m’a mis en confiance et permis ensuite d’accomplir ces Jeux. Au départ, je ne me mets pas forcément dans ma bulle avant quelques dossards. Je suis plutôt détendu et je ne pense pas changer ma méthode, car pour elle me porte chance.

Après le géant, vous avez été pris d’une violente crise. Comment avez-vous su la gérer pour les prochaines épreuves ?

Je suis « un peu habitué » à ces crises (Arthur Bauchet est atteint de paraparésie spastique, un trouble de la moelle épinière) étant donné que j’en fais de plus en plus. Celle-ci était d’une violence extrême, je n’en avais encore jamais connu de cette manière. Je devais tout simplement récupérer. Je me suis dit « maintenant, il faut vraiment que tu te poses ces deux jours, tu ne fais rien d’autre. Tu dors, tu reposes tes jambes un maximum ». Je savais que le côté technique était là. Le seul côté qui pouvait pêcher était au niveau physique. J’ai essayé de marcher le moins possible aussi. Je ne suis pas allé voir Marie (Bochet), les nordiques alors qu’ils se déroulaient durant mes deux jours de repos, j’aurais bien aimé assister aux deux épreuves. J’ai fait ce pari de me reposer et cela s’est avéré payant à la fin. C’étaient des sacrifices à faire, mais le jeu en valait la chandelle. J’ai mis toutes mes chances sur le physique et j’ai réussi à maintenir mon état de forme jusqu’à la fin. C’était un bon soulagement quand j’ai réussi à arriver en bas debout.

Quel sentiment vous a animé à l’issue de ces Jeux ?

Le sentiment qui m’a le plus animé a été de repousser encore plus loin mes limites, d’être à Pékin pour ne pas rentrer en France sans regret. Je connaissais mes capacités, mais il fallait que j’arrive à le faire. Ce que j’ai réussi à faire. Ça s’est concrétisé dès le premier jour, puis le troisième, le cinquième et le septième jour.

Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez appris que vous seriez le porte-drapeau de la France pour la cérémonie de clôture ?

C’est une immense fierté de porter les couleurs de la France. On dit qu’on porte les couleurs de la France, mais là porter le drapeau, c’est vraiment au sens propre. Quand on se rend aux Jeux, on représente son pays, on représente ses départements. Pour ma part, ce sont les Hautes-Alpes, le Var et le Sud de façon générale. C’est aussi une grande fierté de pouvoir faire passer tous ces messages.

Sentez-vous que votre statut a changé grâce à Pékin ?

Pour le moment, je ne le ressens pas tellement parce que je suis encore dans une sorte de bulle. Je constaterai cela quand je vais rentrer chez moi et me rendre compte de l’impact que mes victoires ont eu. Mes parents m’ont dit que c’était fou. Déjà en 2018, c’était fou. Alors là, je n’imagine même pas.

Des vidéos de votre famille célébrant vos victoires sont présentes sur les réseaux sociaux de France Télévisions. Qu’est-ce que cela vous a fait ressentir ?

De la joie. Ils m’ont fait pleurer. À chaque vidéo que je recevais d’eux, je pleurais. C’était donnant-donnant parce que je crois que je les ai fait pas mal pleurer en retour. C’était une grosse émotion effectivement, car ils étaient présents en 2018 pour partager ça avec moi lors des Jeux de Pyongyang. Cette année, leur absence était une de mes plus grosses déceptions des Jeux, car ils n’ont pas pu fêter ces titres à mes côtés. Le dernier jour, avec le changement de programme, ma famille s’est rendue dans la salle qui porte mon nom à Grimaud (Var). Mes grands-parents étaient aussi présents. C’était fou de voir l’émotion que j’ai pu apporter à ma famille avec ces victoires.

Dans quel état d’esprit abordez-vous les championnats de France ?

Les championnats de France sont en général une bonne fête aussi, car on se retrouve tous, on recroise des personnes qu’on ne voit pas forcément le reste de l’année. C’est un bel évènement sportif et un bel évènement tout court, car on profite vraiment. J’ai prévu de concourir en ski, mais aussi en ski cross le dernier jour. Ce rassemblement montre que c’est plus une fête qu’une compétition en elle-même. Après les France, notre saison est finie. On y va pour partager tout ça avec les skieurs qu’on n’a pas pu croiser dans la saison.

Après avoir quasiment tout remporté, avez-vous déjà les Jeux de Cortina dans un coin de la tête ?

Bien sûr. Sportivement, mon esprit est déjà tourné vers Cortina. Ça me l’avait déjà fait après Pyongyang où je me projetais vers Pékin. Cette stratégie avait bien marché. Je vais vite me tourner vers les Jeux de 2026. En plus, je suis jeune donc je me vois déjà à Cortina et même peut-être après. J’ai bien hâte d’y être. Bien que j’ai remporté trois médailles d’or cette année, les compteurs sont remis à zéro à chaque Jeux. C’est une phrase qu’on m’avait souvent répétée après 2018. Je vais me préparer comme si je n’étais pas favori.

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