Dans le cadre du Festival des Arts Martiaux, qui aura lieu à l’Adidas Arena (Paris) le 22 mars, de nombreuses disciplines seront mises à l’honneur. Parmi elles, le béhourd, sport de combat en armure dont les spectateurs pourront découvrir quelques facettes. Thomas Chariot, entraîneur des équipes de béhourd et béhourd léger SAEA (Salle d’Armes École Ancienne), présente à SPORTMAG les spécificités de cette discipline, ainsi que les enjeux pour son développement en France.
Qu’est-ce exactement que le béhourd ?
Le béhourd, c’est du combat sportif en armure qui se décline en plusieurs disciplines, dont le béhourd léger et le béhourd lourd. Le béhourd léger se pratique avec des armures modernes et des protections modernes en plastique. On y utilise des armes constituées d’un noyau en PVC avec de la mousse autour. L’objectif de cette discipline est de rendre le béhourd accessible à tous les publics. Le béhourd lourd, lui, se pratique avec des armures à base d’acier, de titane, de cuir, de tissu… Ce sont ainsi des armures proches de celles utilisées entre le XIVe siècle et le début du XVIe. Il y a donc un attachement plus prononcé à l’histoire par rapport au béhourd léger.
Parmi les disciplines du béhourd, entre le lourd et le léger, il y a aussi le combat en mêlée : il se pratique en 5 contre 5 contre, 10 contre 10, 30 contre 30… L’objectif est de mettre au sol les combattants de l’équipe adverse pour remporter des points, c’est un exercice de lutte avec percussion.
Le béhourd comporte aussi plusieurs catégories de duels. Il y a d’une part le duel pur, où il faut frapper uniquement avec l’arme sur l’armure de l’adversaire pour marquer des points, un peu comme au karaté mais en combat continu comme dans la boxe. Et d’autre part le profight, dont on fera la démonstration au Festival des Arts Martiaux. Là, c’est plutôt du MMA en armure, où on peut frapper avec tout le corps, avec l’arme offensive (l’épée ou le fauchon), l’arme défensive (le bouclier), et avec la tête. On peut amener au sol, frapper au sol, seuls les clés articulaires et les étranglements sont interdits.
Quelles sont les origines de la discipline ?
On a retrouvé des sources datant du XVe siècle, dans le livre du roi René, qui évoquent une forme de combat à cheval qui pourrait correspondre. D’autres sources remontant aux XIIe et XIIIe siècles font également écho de combats à cheval, où on cherchait à capturer l’équipe adverse, mais toutes ces pistes restent assez floues. La forme sportive du béhourd qu’on connaît aujourd’hui vient de la fin des années 90 en Europe de l’Est.
Quelles qualités physiques sont requises pour exceller dans le béhourd ?
Cela dépend des disciplines. En mêlée, il faut être très bon lutteur, être capable de faire des départs arrêtés en charge. C’est aussi la spécificité des disciplines du béhourd : c’est un sport de combat en charge. Concrètement, en béhourd lourd, l’armure fait entre 20 et 30kg, voire 40 kg pour les plus lourdes. Il n’y a aucun sport, à ma connaissance, qui amène ce type de contrainte supplémentaire dans un sport de combat.
Cela requiert donc des compétences très spécifiques mais, de par la nature de l’activité et de par la nature de la surcharge dans laquelle on se retrouve, il n’y a pas besoin d’être extrêmement bon dans une discipline, comme en athlétisme où il faut être très explosif par exemple. Là, il faut plutôt être moyen dans plein de compétences différentes, et l’objectif est d’essayer de remonter cette moyenne le plus haut possible.
Durant le Festival des Arts Martiaux, prévoyez-vous des initiations pour les spectateurs, afin de mieux faire connaître la discipline ?
Non, ce n’est pas l’objectif, ce sera uniquement un format de démonstration. On dispose d’un créneau de 8 minutes, entrée et sortie comprises. Il y aura donc une démonstration de 2 rounds de 2 minutes de béhourd lourd dans notre espace de combat, qu’on a fabriqué nous-mêmes et qu’on va emmener à l’Adidas Arena. Pendant les 2 minutes de pause entre les 2 rounds de lourd, il y aura une démonstration de profight en léger sur le tatami central. L’objectif est de montrer la diversité de la discipline, tout en exposant sa difficulté, puisque tenir 2 minutes en armure demande une préparation importante. Pour être performant en béhourd, il faut aux alentours de 10 à 15 heures d’entraînement hebdomadaire. En termes de quantité d’entraînement, ça correspond à du semi-pro.
Le béhourd est encore assez méconnu du grand public. Le but de cette participation au Festival est de le mettre en lumière ?
Oui absolument ! Le but est de montrer qu’on fait partie de la famille du sport. Même si d’un point de vue légal, on n’est pas rattachés à une fédération délégataire, et le ministère des Sports n’a pas validé l’activité en tant que sport. Mais on souhaite s’inscrire dans le mouvement sportif. Est-ce qu’on sera un jour aux Jeux Olympiques ? J’ai un gros doute, peut-être en béhourd léger, et encore. Il y a des questions de normalisation sur lesquelles on commence à se pencher. Mais l’objectif est vraiment de montrer qu’on fait partie de la grande famille des arts martiaux, même si je préfère le terme “sport de combat” à “art martial”.
On fait partie de cet ensemble d’activités physiques d’opposition qui sont riches, diversifiés, et qui s’ouvrent à tous les publics. Le béhourd, ce ne sont pas uniquement des gros bœufs qui se tapent dessus en armure dans des champs. À titre d’exemple, en Ukraine, le béhourd est utilisé à des fins de décompression pour les soldats qui reviennent du front, ainsi que pour gérer leurs syndromes post-traumatiques.
Dans la mesure où le ministère des Sports n’a pas validé le béhourd en tant que sport, y a-t-il une fédération officielle et une structuration de la discipline en clubs ?
Il y a une Fédération Française de Béhourd. En France, on peut pratiquer n’importe quelle activité sans formation, sans diplôme et sans être reconnu par l’État. La problématique arrive au moment de payer l’intervenant. Afin d’être payé pour enseigner le béhourd, il faut que le béhourd soit reconnu par l’État, schématiquement. En France, la fédération organise le béhourd au niveau national, et est en lien avec les fédérations internationales qui, elles, régissent le béhourd au niveau international. En France, on compte une soixantaine de clubs de béhourd qui regroupent aux alentours de 700 membres. Ce n’est pas monstrueux, mais c’est un sport qui se développe. On peut retrouver toutes les informations sur le site de la fédération, qui est intégré à celui du site combatmedieval.com. Sinon, en tapant “béhourd” et la ville dans laquelle on se situe, on trouve généralement un club à proximité. À Paris, il y en a notamment un à la SAEA (Salle d’Armes École Ancienne).
Quels sont les objectifs pour le développement du béhourd en France dans les prochaines années ?
L’enjeu clé est la normalisation de la sécurité. On a eu quelques accidents, heureusement sans trop de gravité, mais il faut prendre conscience que, si on veut que le béhourd devienne un sport, il faut sortir de la reconstitution médiévale. Même s’il vient de là. La reconstitution médiévale consiste à essayer de retrouver le geste historique ou la forme de matériel le plus proche possible de l’histoire. Et ça ne correspond pas aux nécessités de sécurité qu’on a aujourd’hui. On se retrouve donc dans une dichotomie entre la volonté de faire ressembler les armures à des armures de guerre et le fait que les nécessités de la guerre ne sont pas les nécessités sportives d’aujourd’hui.
Selon moi, l’avenir du béhourd passe par là. Il faut prendre conscience que le béhourd ne se résume pas qu’à des brutes en armure qui se tapent dessus. Ça peut être aussi des enfants. Pour pousser le béhourd en dehors de la reconstitution historique, on doit mettre beaucoup plus l’accent sur la sécurité du matériel. Dans cette optique, on est en train de commander des cages de MMA en Chine. Cela permettra d’intégrer le béhourd dans un espace sécurisé qui permet, dans l’imaginaire collectif, de parler de combat sans avoir besoin de montrer quoi que ce soit. En voyant un octogone du MMA, on sait que ça va se taper dessus. Et au niveau de la sécurité, c’est beaucoup mieux que les structures en bois qu’on utilise actuellement. Pour les pratiquants, mais aussi pour les caméramans. Donc, en termes de diffusion, on pourra aller plus loin dans la diffusion des évènements, puisqu’on pourra mettre la caméra très proche et amener le spectateur au cœur de l’image. L’avenir du béhourd à court et moyen terme, c’est tout ce développement et toute cette sportivisation.