Médaillée de bronze, il y a quelques jours, pour la première fois dans une grande compétition individuelle – lors des championnats d’Europe à Plovdiv – l’épéiste lyonnaise de 29 ans, pensionnaire de l’Insep, avoue qu’elle espère ne pas s’arrêter là, notamment dans la perspective des JO de Paris 2024. « J’en veux encore plus », clame la jeune maman. Confidences.
« Avec quelques jours de recul, comment avez-vous accueilli cette médaille ?
C’est assez bizarre. Cela faisait longtemps que j’attendais de remporter une médaille dans une grande compétition. Dans le même temps, je ne l’ai pas tant savourée que ça. Je suis déjà focalisée sur les championnats d’Europe par équipes (NDLR : la semaine prochaine à Cracovie à l’occasion des Jeux européens, l’épreuve par équipes comptera au classement pour Paris 2024) et sur les championnats du monde dans un mois (à Milan). Je suis contente de cette médaille et de ne pas être rentrée de Bulgarie les mains vides mais je suis déjà sur les échéances à venir. Je pense que j’en profiterai en vacances en août, en me disant : « Bon, tu as quand même réalisé une bonne saison ! » (rires.) C’était très bien mais j’en veux encore plus, il faut donc que je reste concentrée.
Vos ambitions ont-elles été renforcées par ce résultat ?
C’est sûr que cela me montre que je suis sur le bon chemin. Je suis dans le vrai. Je sais que je peux aller aux JO et y être performante à la fois individuellement et collectivement. Faire des médailles l’année d’avant, c’est positif. Après, la route est encore longue. Un an, c’est court mais c’est quand même long. Il faut prendre les étapes les unes après les autres et ne pas se projeter trop loin même si depuis ma grossesse, j’ai le Grand Palais (où vont se dérouler les épreuves d’escrime) en ligne de mire avec mon fils dans les gradins. C’est là bien en moi. C’est pour ça que je m’entraîne tous les jours. Mais il y a des choses à faire avant et si je peux aller chercher des breloques aux Mondiaux par exemple, je vais aller les chercher.
Vous avez forcément ressenti du soulagement en glanant enfin cette première médaille individuelle ?
C’est sûr qu’elle fait du bien, surtout que c’était mal embarqué. En quart de finale, j’étais menée 7-2 par la Hongroise n°4 mondiale que je connais bien (Anna Kun). À ce moment-là, je n’étais pas en super posture pour une médaille ! Après coup, elle fait plaisir. C’est pris et ce n’est plus à prendre ! Les Mondiaux, c’est encore une étape au-dessus. Je n’ai pas envie de revenir de Milan les mains vides. C’est objectif Cracovie d’abord, et Milan après.
« J’ai acquis une certaine maturité »
Ce retournement effectué face à Kun peut-il vous servir mentalement pour aller plus loin ?
Oui, j’ai montré que je ne lâche jamais, que tant que le temps n’est pas écoulé, personne n’a gagné, qu’on peut retourner des situations qui paraissent un peu insurmontables. Dans notre sport, il y a tellement de cas de figure de ce genre, c’est beau. Aujourd’hui, j’ai acquis une certaine maturité et je sais de quoi je suis capable. Et réussir à le réaliser dans un grand championnat, c’est une belle victoire.
Comment arrivez-vous à combiner cette nouvelle carrière sportive, votre vie de maman et votre profession de kiné ?
Depuis début janvier, j’ai arrêté de travailler grâce à l’apport de sponsors – je fais partie de la team Carrefour pour les Jeux – à mon club et à l’ANS (Agence nationale du sport). Au niveau de la récupération et de l’organisation, c’est beaucoup plus facile. Quand je rentre de compet’, je peux profiter de mon fils – Mathis qui aura 2 ans dans un mois – plutôt qu’aller bosser le lendemain. C’est quand même chouette. J’ai mis ma vie pro de côté mais c’est une petite parenthèse. Je reviendrai à la kiné après. J’ai déjà plein de projets et d’envie de formations. Pour l’instant, c’est focus sur l’escrime et ma vie de famille.
Racontez-nous vos débuts en escrime…
Quand j’avais 7 ans, ma mère cherchait un sport pour mon petit frère autour de ma maison. Il y avait l’escrime au club du Masque de Fer. Elle m’a proposé d’essayer. Je lui ai répondu que je ne voulais pas faire un sport de garçons ! J’ai essayé à l’école l’année d’après… et ça m’a tout de suite plu ! Donc je me suis inscrite. On était 2 Mallo au club. L’année d’après, mon autre petit frère a voulu en faire aussi donc on était trois. Par la suite, il y a eu des petits soucis internes entre épéistes et fleurettistes, les épéistes sont partis et on a créé un club interne, le Lyon Épée Métropole, où j’ai fait toutes mes armes avant de changer il y a quelques années pour le club de Saint-Gratien. C’était plus pratique pour moi étant rentrée à l’Insep depuis 2012 et parce que mon entraîneur-formateur à Lyon (Rémy Delhomme) a déménagé en région parisienne.
Quels sont vos liens avec Lyon ?
Déjà, je suis née à l’Hôtel Dieu donc on ne peut pas faire plus Lyonnaise ! J’ai grandi à Lyon et y ai fait toute ma scolarité (école Créqui, collège Vendôme, lycée Edouard Herriot), je suis une vraie de vrai. Mes parents y habitent encore, un de mes frères y est revenu. On a comme projet avec mon mari (le hockeyeur professionnel Jules Breton, qui évolue à Neuilly-sur-Marne en D1), à la fin de nos carrières sportives respectives, d’y retourner. Et puis, je voulais être liée à la ville d’une certaine manière, à travers mon partenariat avec 6e Sens immobilier. C’est ma petite touche lyonnaise sur ma tenue. Moi qui suis allée vers l’escrime à reculons, je suis la seule à y être encore puisque mes frères ont arrêté. C’est un sport où on est dans le jeu tout le temps. Ce que j’avais d’ailleurs oublié un peu lors de ma pause maternité. Durant cette pause, l’escrime m’a manqué, le jeu aussi et j’ai vraiment retrouvé du plaisir en revenant. C’est ce qui fait la différence aujourd’hui. Je vois vraiment l’escrime comme un plaisir même si ça fait partie intégrante de ma vie. J’ai aussi pris du recul grâce à mon fils. Et c’est aussi pour ça qu’aujourd’hui je suis plus forte et j’assume de l’être. »