Axel Carion : du désert aux sommets, la planète à vélo

Crédit photo : David Styv - BikingMan

Aventurier renommé de l’ultracyclisme et des expéditions extrêmes, Axel Carion parcourt depuis 2011 les régions les plus isolées du globe à vélo, à la rencontre des peuples et des paysages méconnus. Avec des records établis dans certains des environnements les plus hostiles de la planète, en particulier en Amérique du Sud, il incarne l’audace et l’esprit d’exploration moderne. Avant de partir le mois prochain pour une nouvelle expédition en Colombie, Axel partage avec SPORTMAG ses nombreuses expériences aux quatre coins du globe, ainsi que sa passion pour l’ultracyclisme.

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans l’ultracyclisme et l’exploration à vélo ?

Tout d’abord, j’ai commencé le vélo et l’ultracyclisme à une époque où le terme ultracyclisme n’existait pas encore ! Ma première sortie, en 2011, a été un voyage assez particulier, puisque j’ai fait 1200 km avec un vélo de voyage dans les Carpates en Europe de l’Est, en autonomie et sans assistance. On était trois, puisque j’ai tenté cette expérience avec deux autres compères. Ce qui m’a tenté et motivé, ce sont les conseils de plusieurs amis qui m’ont assuré que j’allais vivre une expérience extraordinaire. J’étais curieux, donc je me suis lancé. Et je me suis ainsi retrouvé à faire ce voyage de 1200 km en dix jours, alors que je n’avais jamais fait de vélo sur une grande distance. C’était donc déjà de l’ultracyclisme pour moi à l’époque, et ça a été mon voyage initiatique.

Lors de vos aventures suivantes, êtes-vous aussi parti accompagné, ou avez-vous choisi de les vivre seul ?

Ça dépend. La plus grande expédition solitaire que j’ai réalisée était aux États-Unis en août dernier, où j’ai parcouru 5800 km de la Côte Est à la Côte Ouest en 25 jours. Mais j’aime partager ce type d’expérience, ces longs voyages et ces grandes expéditions. J’amène souvent, quand j’ai la possibilité de le faire, des gens qui n’ont pas mon bagage et mon histoire, pour justement leur montrer que réaliser ce type de performance est possible. Je les pousse à se dépasser, un peu comme un coach.

“Des tours du monde, il en existe autant qu’il existe de pistes et de routes, et il faudrait plus d’une vie pour tout achever”

Vous avez parcouru l’équivalent de trois fois le tour de la Terre. Après tant de kilomètres, qu’est-ce qui vous motive encore à partir ?

Je suis un éternel curieux !  Ce ne sont pas les chiffres et les distances qui m’intéressent, mais le fait d’aller explorer des zones qui sont parfois inaccessibles, comme le Vénézuela par exemple. J’aime aller dans des endroits qui sont peu explorés à vélo, pour aller découvrir des pépites de territoires, de cultures, de rencontres.

Et dans cette optique, je pense qu’il n’y a qu’une personne blasée et lassée qui pourrait se dire “j’ai fait le tour du monde, je n’ai plus besoin de repartir”. D’ailleurs généralement, on ne fait pas le tour du monde, mais un tour du monde. Des tours du monde, il en existe autant qu’il existe de pistes et de routes, et il faudrait plus d’une vie pour tout achever. Prétendre avoir vraiment fait le tour du monde reviendrait à avoir épuisé toutes les possibilités offertes à vélo, en termes d’axes routiers, et de pistes accessibles sur tous les pays du monde. C’est un travail sans fin, puisque les humains n’arrêtent jamais d’aménager. 

Par exemple, aux États-Unis, j’ai suivi d’anciennes voies de chemin de fer, qui étaient des axes commerciaux et qui sont devenues aujourd’hui des axes touristiques pour le vélo. Des aménagements tels que celui-ci, il y en aura toujours plus. Donc je ne prétends pas avoir fait le tour du monde, parce qu’il existe une infinité d’axes. C’est une quête sans fin, et heureusement !

Parmi toutes vos expéditions, laquelle a été la plus difficile ?

Je peux en citer deux, qui se trouvent en Amérique du Sud. La première est le Chemin Royal des Incas, que j’ai traversé de Cusco, ancienne capitale impériale de l’Empire Inca, jusqu’à la Cordillère Blanche (massif appartenant à la Cordillère des Andes), au centre du Pérou. Cela représentait 1800 km de pistes en très haute altitude, puisque c’est un parcours qui se fait à plus de 4000 mètres. Il y avait donc de grosses difficultés liées au manque d’oxygène, et au tracé très isolé.

La deuxième se trouve aussi dans la Cordillère des Andes, mais plus au sud, en Bolivie. J’ai réalisé l’ascension de l’Uturuncu, un volcan à 5800 mètres d’altitude dans le Sud Lípez, une région au sud-ouest du pays. Ce volcan a la particularité, en plus de l’altitude du col à franchir, d’héberger une ancienne mine de soufre, et il y a encore des émanations. C’est donc irrespirable, à cause de l’altitude et de ces émanations de soufre au sommet. À la réflexion, c’est je pense la chose la plus difficile que j’aie jamais réalisée à vélo.

“J’aime beaucoup pédaler sur les cimes, parce qu’elles permettent de porter un regard sur le monde avec de la hauteur”

Vous considérez donc les tracés en altitude comme les plus extrêmes ? Davantage que le désert par exemple ? (il a notamment établi le record du monde de la traversée du “Jordan Bike Trail”, dans le désert du Wadi Rum en Jordanie)

Je me garderais bien d’utiliser des superlatifs, parce que ça dépend de l’état de forme, des accès au ravitaillement, et des paramètres extérieurs. Plutôt qu’opposer désert et haute altitude, je dirais que c’est au moins aussi dangereux, puisqu’ils partagent souvent un dénominateur commun qui est l’isolement. Le fait d’être isolé de toute source de ravitaillement, d’hydratation et de réparation constitue une grosse prise de risques.

Dans le désert, on peut se retrouver avec des températures supérieures à 50 degrés, donc il y a des risques d’hyperthermie corporelle. En altitude, on peut manquer d’oxygène, ce qui peut amener des problématiques d’œdème, à cause aussi du risque du mal aigu des montagnes. Ce sont donc deux opposés en termes de spectre, parce qu’on ne retrouvera jamais de températures à 50 degrés en haute altitude, et inversement, on ne manquera jamais d’oxygène dans le désert. En résumé, ce sont deux univers qui mettent en péril le fonctionnement normal du corps humain, et le poussent dans ses limites en termes de résistance à la souffrance, chacun de façon différente.

Vous partez en février en expédition en Colombie. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet ?

J’ai une fascination par rapport à l’altitude. J’aime beaucoup pédaler sur les cimes, parce qu’elles permettent de porter un regard sur le monde avec de la hauteur. Ça permet de se rendre dans des endroits qui sont inaccessibles pour la majorité des gens, même s’il y a parfois des habitants. Pour cette expédition colombienne, je pars avec Grégory, un pratiquant qui commence maintenant à avoir un peu d’expérience, puisque je l’ai déjà emmené en Bolivie. On va tenter, sur ce parcours qui fait 1000 km de long, d’aller gravir le col le plus haut de Colombie, qui culmine à plus de 4000 mètres. Le tout dans un objectif de 5 à 6 jours, donc on devra faire environ 200 à 250 km par jour.

À suivre dans une deuxième partie…

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