En doublette avec Alexandra Jupiter avec laquelle elle a terminé 9e des derniers championnats d’Europe, la beach volleyeuse de 24 ans se voit offrir une nouvelle opportunité énorme de participer aux olympiades de Tokyo. Basée au pôle séniors au Creps de Toulouse mais de passage à Lyon dont elle est originaire, elle nous dévoile ses envies et ses ambitions.
Quel bilan tirez-vous des championnats d’Europe ?
C’est très bien d’avoir fini dans le Top 10. Cela confirme notre place atteinte l’année dernière. On consolide notre rang en Europe. Après, je suis assez déçue de ne pas avoir poursuivi notre parcours un ou deux tours plus loin. On a énormément progressé, dans le jeu c’est beaucoup mieux et on aurait voulu que cela se reflète dans le résultat même si on sait qu’un tournoi à élimination directe n’est pas forcément représentatif de notre niveau actuel. Donc on sort un peu frustrées de ces Europe par rapport à notre travail et à nos ambitions. Je pense qu’on « mérite » une meilleure place et on a hâte de démontrer nos progrès lors des prochaines compétitions.
Comment l’association avec Alexandra Jupiter fonctionne-t-elle ? Votre doublette a été formée en 2018 en vue des JO 2020…
On a énormément progressé sur la compréhension du jeu, l’adaptation et toute la synchronisation avec sa partenaire. Quand on s’est mise ensemble il y a deux ans, « Jupi » a dû apprendre un nouveau poste en défense puisque nous étions toutes les deux bloqueuses. On a dû trouver des combinaisons pour bouger au même moment et s’accorder, plein de petites choses qui prennent du temps. On dit qu’en général il faut trois ans à une équipe pour se connaître par cœur et arriver à jouer ensemble. On est à deux ans, on sent que tout est plus naturel, il y a plus d’automatismes. On a d’énormes qualités individuelles, on se cherchait un peu au début pour les faire fonctionner ensemble. On le savait que c’était un pari, on est deux grandes (1,84 m et 1,90 m) du même poste avec les mêmes caractéristiques et que ça allait prendre du temps. Ça commence vraiment à prendre forme.
Qu’est-ce qui vous manque pour être au niveau des meilleures paires ?
Il nous manque de la confiance en nous, tout simplement. On est toujours dans une période de travail, on n’a pas eu de matches cette saison pour consolider nos efforts et nos progrès. Face à nous, nos adversaires ne savent pas trop sur qui jouer, entre Alexandra et moi. Avant, c’était souvent moi qui étais visée, on était rodée sur ce schéma. Maintenant, c’est soit l’une, soit l’autre. Donc ce sont sans cesse des adaptations. Il faut qu’on réagisse plus vite à ce changement.
Comment s’organise une semaine de travail à Toulouse, où est basé le pôle France de beach volley ?
On s’entraîne avec Alexia Richard et Lézana Placette qui forment la deuxième équipe seniors filles. Elles ne sont pas loin de nous au classement donc on se tire un peu la bourre, cela nous fait évoluer. On s’entraîne deux à trois fois par jour, on a en plus deux séances de muscu par semaine et deux séances de physique dans le sable. Le mercredi après-midi est consacré à la récupération avec les kinés. Cela fait donc des grosses semaines mais on se rend compte que c’est comme ça qu’on progresse.
Que permet le report d’un an des JO ?
Une nouvelle chance, une nouvelle opportunité ! En mars, pour nous, c’était mort, nous n’étions pas qualifiées, on pensait que le classement d’alors allait être repris pour la qualification et nous on y n’était pas. On était top 30 alors que sont retenues les 15 premières plus les équipes qualifiées via la Continental Cup et les équipes hosts, cela décale aux 19 premières. On réalise qu’on a raté notre objectif. Quelques semaines après, on apprend que les JO sont reportés donc les cartes sont complètement redistribuées : cela nous donne un gros coup de boost car on se dit que c’est une opportunité, une chance à attraper. C’est carrément égoïste et en même temps hyper déstabilisant car on ne sait pas comment ça va se passer, si on va avoir assez de tournois pour gagner assez de points. On se prépare et on espère que ça arrive vite et qu’il y ait assez de tournois pour se qualifier via le ranking. On n’a pas la main dessus non plus donc ce report nous a fait prendre du recul car déjà il y a des choses plus graves que notre qualif au JO et puis on n’a pas le contrôle. On se prépare mais on ne sait pas pour quand. Ça nous a fait gagner en maturité.
Quel est votre état d’esprit ?
On se dit que tout est possible ! Toutes les cartes sont redistribuées, même pour les équipes du top 3. Donc je vois une opportunité énorme et je ne peux pas ne pas me prendre la tête sur les dates des prochains tournois. Je suis hyper focalisée là-dessus, j’ai retrouvé énormément d’enthousiasme à me fixer cet objectif-là. On a envie d’y aller et on donnerait notre vie pour y aller. Émotionnellement, c’est très riche mais en même temps c’est incroyable à vivre. Quand on s’est toutes retrouvées aux championnats d’Europe, il y avait une énorme excitation. On a toutes retrouvé le plaisir du terrain et du ballon. Malgré l’énorme enjeu, on a retrouvé l’essence de notre sport ce qui peut donner des ailes au bon moment.
Que représenterait une participation à Tokyo 2021 ?
Les Jeux, ça représente le Graal ultime pour le beach volley. Cela permet déjà de faire partie de l’histoire : la dernière participation d’une équipe féminine française, c’était en 1996, l’année de ma naissance ! Quelque part, il est temps ! C’est super excitant d’aller chercher ça. Tout le monde avait oublié le beach volley français au haut niveau donc ce serait le rêve. La deuxième chose, ce sont les JO à Paris en 2024. L’idée, c’est d’exposer notre passion, notre quotidien aux Français. En plus, ça se passe au pied de la Tour d’Eiffel, c’est le truc de fou ! Et que l’on va partager avec les gens. En France, le beach n’est pas développé, toute notre activité n’est pas affichée : soit on est à huis clos au Creps de Toulouse, soit on est à l’international dans des pays où le beach est plus reconnu et où il y a tout un engouement qui n’existe pas en France parce qu’il n’y a pas de tournois. Même si on partage notre expérience à travers les réseaux sociaux, on ne vit pas pleinement cette expérience avec tous les gens. C’est ça que j’attends des Jeux de Paris, c’est le partage avec les Français. Après, juste de passer à la télé, c’est énorme : on a eu un retour sur l’Euro, c’était génial. Les gens ouvrent les yeux et se disent : « ah mais vous faites ça ! ». Ils savent que je m’entraîne mais ça en reste là. « Elle s’entraîne pour quoi en fait ? ». Ils ne me voient pas en match. C’est ça qui manque à notre quotidien. On encourage énormément la fédération et les clubs à organiser des tournois. C’est le plus important. Il y a un objectif personnel mais la grande motivation, c’est de partager ce que j’aime. Ce partage est très fort avec ma partenaire et mes coaches, c’est eux mon quotidien, mon noyau. Mais pour ma famille, c’est autre chose. Elle m’a vu partir à 14 ans de chez moi pour vivre mes rêves à fond, d’abord pour la salle, puis en 2015 pour le beach. On fait le tour du monde, on vit des trucs incroyables, des émotions, il ne manque plus qu’à les partager avec les autres.