Saint-Quentin dans l’Aisne accueille, du 3 au 5 février, le tournoi de présélection olympique en vue des Jeux de Paris 2024. Les lauréats décrocheront leur ticket pour les Jeux Européens de Cracovie cet été où seront distribués les premiers quotas. Mehdi Nichane, le directeur technique national, dresse la feuille de route olympique des Bleus.
Mehdi Nichane, comment est née l’idée de ce tournoi de présélection olympique ?
Mehdi Nichane : C’est une compétition inédite. On a mis en place une organisation permettant de regrouper tous les athlètes disposant du meilleur potentiel pour se qualifier aux Jeux puis y performer. La complexité, pour sélectionner les athlètes, résidait dans le fait que, depuis 2016, les pros sont autorisés à concourir aux Jeux Olympiques. On devait prendre en compte la possibilité, pour les pros, de travailler avec nous mais il fallait les évaluer. Aucune compétition, hormis les Jeux, ne regroupe les amateurs et les professionnels. On a fait le choix d’ouvrir le tournoi de présélection à certains boxeurs pros répondant aux critères. On n’a pas pris en compte les performances chez les pros mais leurs résultats chez les amateurs, notamment sur la scène internationale.
Quelle sera la formule de ce tournoi de présélection ?
MN : On a préféré un tournoi sur le mode “Round Robin” où tous les combattants s’affrontent plutôt qu’une formule à élimination directe. Ce brassage permettra de faire notre choix par rapport aux meilleurs profils.
« Le champion de France était retenu d’office »
N’êtes-vous pas frustré que certaines catégories n’aient pas fait le plein ?
MN : Seuls ont été retenus les gens éligibles, c’est-à-dire qui remplissaient l’ensemble des critères. Le champion de France 2022/2023 de chaque catégorie olympique était retenu d’office pour ce tournoi interne. Cela sous-entendait que le boxeur démarrant au premier tour de son championnat départemental en octobre était susceptible, s’il remontait l’ensemble du tableau et devenait champion de France, de participer à ce tournoi de présélection. On a ouvert au plus large concernant les amateurs. Ensuite, il restait trois places à combler. Il fallait répondre à certains critères comme avoir été athlète de haut niveau, finaliste des championnats de France amateurs et, surtout, avoir participé à des compétitions internationales de référence. S’il y avait concurrence, on prenait en compte les palmarès.
Les boxeurs français en lice aux Jeux de Paris 2024 seront donc obligatoirement passés par Saint-Quentin…
MN : En grande majorité, oui. Le parcours établi concerne la première épreuve qualificative, en l’occurrence les Jeux Européens de Cracovie (Pologne). Ensuite, il y aura deux tournois mondiaux de qualification organisés sur les quatre à cinq premiers mois de 2024. On n’a pas encore les dates et les lieux. Je ne veux pas complètement fermer la porte, notamment en cas de blessure. Que quelqu’un se révèle dans les six prochains mois et soit passé entre les mailles du filet me paraît compliqué. En revanche, chez les moins de 57 kilos, j’ai deux profils intéressants dont notre numéro un, Samuel Kistohurry, troisième des derniers championnats du monde. Il était aux Jeux de Tokyo en 2021 mais avait malheureusement perdu, de manière étriquée, au 1er tour. Il s’est blessé lors de sa demi-finale victorieuse aux championnats de France. Comme cela nécessitait une opération, il ne peut pas prendre part au tournoi interne. Les critères sont rigoureux. La personne qui ne prend pas part au tournoi interne et n’est pas numéro un ne sera pas du voyage pour Cracovie.
« La personne qui décrochera le quota (aux Jeux Européens) sera qualifiée pour les Jeux 2024 »
Quel sera le sort des lauréats de ce tournoi interne ?
MN : A 99,9%, ils participeront aux Jeux Européens. C’est comme cela qu’on le vend mais ensuite, il faut que les gens suivent le programme établi par les entraîneurs nationaux. Si un boxeur professionnel termine premier mais souhaite continuer à boxer en pro et ne pas participer à telle ou telle action, cela ne marchera pas. On n’est également pas à l’abri d’une blessure ou d’une suspension. Au niveau du suivi antidopage, s’il y a trois no-shows il y aura sanction, à l’image de ce qui était arrivé à Tony Yoka il y a quelques années. Ces petits cas de figure font qu’on n’est pas sur du 100%.
Quel résultat faudra-t-il obtenir aux Jeux Européens pour valider son ticket pour Paris 2024 ?
MN : Il y aura 22 quotas nominatifs délivrés pour les femmes et autant pour les hommes à Cracovie, sachant qu’il y a six catégories de poids chez les femmes et sept chez les hommes. En fonction des catégories, il y aura entre deux et quatre quotas attribués. La personne qui décrochera le quota sera qualifiée pour les Jeux 2024. Ensuite, les deux tournois mondiaux permettront d’avoir des solutions de repli pour se qualifier.
Ce mode de qualification est-il plus limpide que par le passé ?
MN : Le CIO (comité international olympique), à l’instar de ce qui s’était passé pour les Jeux de Tokyo, a repris la main sur le processus de qualification au détriment de la Fédération internationale, à la suite de divergences politiques. Désormais, c’est clair et il n’y a qu’un mode de sélection possible. En 2012, il y avait possibilité de se qualifier par la voie de la boxe semi-professionnelle et ensuite par la voie des amateurs. En 2016, on pouvait se qualifier via la boxe semi-pro, la boxe pro et le système amateur… Pour 2021, c’était exclusivement via la voie des amateurs. Il n’y avait pas de tournois dédiés aux pros. Ils devaient se mêler aux amateurs. La contrainte a été le Covid et le fait d’avoir un seul tournoi de qualification pour tous les continents.
« Saint-Quentin va dessiner la hiérarchie dans chaque catégorie »
Quelle est la proportion d’athlètes en lice aux Jeux de Tokyo qui tentent leur chance pour Paris 2024 ?
MN : Il n’y a pas de femmes. Maïva Hamadouche, un temps revenue chez les amateurs, a décidé de ne pas se positionner sur ce tournoi. Cela hypothèque forcément ses chances. Sur les quatre hommes à Tokyo, deux se sont positionnés : Sofiane Oumiha et Billal Bennama. Ils ont d’ailleurs tous les deux performé après Tokyo sur les championnats d’Europe ou du monde. Le troisième, c’était Samuel Kistohurry mais il est blessé depuis mi-décembre.
A un an et demi de Paris 2024, que seraient, selon vous, des Jeux réussis pour l’équipe de France ?
MN : L’idéal, ce serait quatre médailles avec deux titres. C’est l’objectif fixé en interne mais on y verra plus clair à l’issue du tournoi de Saint-Quentin qui aura dessiné la hiérarchie dans chaque catégorie. On part dans l’inconnu avec des profils sortis du système amateur depuis longtemps. Est-ce qu’ils auront la capacité de reproduire leurs performances d’avant ? Certains ont entamé une carrière professionnelle depuis un certain temps comme Estelle Mossely, Souleymane Cissokho ou Mathieu Bauderlique. Ils ont tous été médaillés olympiques mais sont passés ou retournés chez les pros depuis 2016. Entre temps, l’eau a coulé sous les ponts, la boxe a évolué et la concurrence est différente. Il faudra voir s’ils arrivent à se démarquer de la concurrence nationale et surtout, comment ils répondront face à la concurrence internationale. On sera rapidement dans le vif du sujet. Les championnats du monde féminins ont lieu dès mars en Inde et pour les hommes, c’est en mai en Ouzbékistan. Avant les Jeux Européens, notre objectif sportif de l’année, ces Mondiaux permettront de nous situer face à la concurrence internationale.
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Propos recueillis par Stéphane Magnoux