Footballeur de 21 ans, Bryan Soumaré évolue actuellement en Ligue 2, au FC Sochaux. Prometteur balle au pied, le natif de Saint-Quentin a fait parler de lui durant l’automne en lançant une démarche solidaire en cette période de crise sanitaire, symbole d’une personnalité qui détonne dans le monde du football professionnel.
Un cadeau de Noël légèrement en avance. Fin décembre, Bryan Soumaré a enfin réussi à faire trembler les filets. Le jeune milieu de terrain aura attendu son 31e match professionnel pour débloquer son compteur, lui dont le parcours a été linéaire, mais semé d’embûches. « J’ai commencé le football dès l’âge de trois ans et demi », raconte le natif de Saint-Quentin. « Je ne pouvais pas jouer car j’étais trop jeune, je me contentais donc des entraînements. Je suis progressivement passé par toutes les catégories et j’ai effectué plusieurs essais dans des centres de formation, notamment à Marseille et au Havre. Mais ils m’ont dit que j’étais trop timide pour intégrer un centre de formation dès le plus jeune âge. Il est vrai que j’étais un peu trop réservé, malheureusement j’ai échoué à cause de ça. » Première embûche, mais pas la plus importante. « En U14, j’ai été victime d’une blessure qui m’a écarté des terrains durant deux ans. Les médecins m’ont dit que si je continuais à jouer blessé, je risquais de finir en chaise roulante. Je me suis donc arrêté pendant deux ans. » Deux ans de pause, une période interminable, mais pas synonyme de fin pour Bryan Soumaré. « Heureusement, mon genou s’est solidifié et j’ai pu recommencer à jouer. Être professionnel, j’avais complètement lâché l’affaire. Je jouais simplement parce que j’adore le foot. Finalement, grâce à mes performances avec Saint-Quentin, notamment en Coupe de France, Dijon s’est manifesté. J’ai sauté sur l’occasion. J’avais aussi des propositions d’autres clubs à l’étranger, mais j’ai tranché en faveur de Dijon car j’ai vu que c’était un club familial. C’était une notion très importante à mes yeux. »
Un parcours semé d’embûches
Le club dijonnais l’accueille à l’orée de la saison 2019-2020. Le jeune gaucher ne tarde pas à se faire remarquer par l’envie qu’il affiche sur le terrain. « Je suis insouciant. Je me dis que je n’ai rien à perdre dans ma carrière car j’étais déjà en bas. Je prends les matches au fur et à mesure, dès que je suis sur le terrain je vis le moment à fond car je sais que j’ai une chance énorme d’être passé professionnel », assure Bryan Soumaré. « Je vois mon parcours comme une chance. Passer d’amateur à professionnel sans passer par un centre de formation, c’est exceptionnel. Tout le monde n’a pas la chance d’y arriver. Je prends cela comme une force. » Malgré ce parcours atypique et couronné de succès avec ce passage chez les professionnels, pas question de prendre la grosse tête. « Mon entourage m’a incité à garder la tête sur les épaules. De toute façon, ce n’est pas mon genre de prendre la grosse tête. Je sais d’où je viens et ce que j’ai connu. » D’autant que tout n’est pas rose chez les professionnels. La saison passée, il joue de moins en moins avec Dijon. « J’ai un peu moins enchaîné les matches. J’avais peut-être un peu trop de charge de travail et le recrutement effectué par Dijon a été bon, notamment avec la venue de Yassine Benzia. Le coach m’a donc un peu écarté du groupe. Mais ce n’est pas pour cela que j’ai baissé les bras. J’ai continué à travailler. » Malgré tout, Dijon ne compte pas vraiment sur lui à l’entame de l’exercice 2020-2021. Le DFCO décide de le prêter et c’est Sochaux, pensionnaire de Ligue 2, qui remporte la mise. « Cela fait plusieurs mois que je suis ici et j’ai déjà beaucoup progressé tactiquement et techniquement. Mon but n’est pas d’être en Ligue 2 et de cirer le banc. Je n’ai eu aucun problème à descendre d’un échelon pour avoir du temps de jeu et progresser. »
Un tweet qui change tout
C’est justement en pleine période de progression et de bons matches avec Sochaux que Bryan Soumaré jette un œil sur les réseaux sociaux, un jour de novembre 2020. En pleine période de crise sanitaire, le jeune milieu se fend d’un tweet venu du fond du cœur. « Si dans la situation où nous vivons tu ne peux pas travailler et que tu n’as pas à manger, n’hésite pas et n’aie pas honte de m’écrire en privé. Pâtes, riz, œufs, lait ou quelque chose comme ça, je peux te l’offrir. » Les mots sont simples, la proposition sincère. « En l’espace d’une trentaine de minutes, j’avais plus de 2 000 partages et je ne sais plus combien de J’aime. Jamais je n’aurais imaginé qu’il y aurait autant de retombées. Mais je me suis dit : tant mieux si cela m’arrive. Plus il y a de partages, plus je peux aider. » L’ancien joueur de l’Olympique Saint-Quentin crée alors une cagnotte sur le site Leetchi et récolte près de 8000 euros au moment de la clôture de cette cagnotte, peu avant les fêtes de Noël. « Le but de cet argent est de contacter des associations qui viennent en aide aux personnes les plus démunies. Je réfléchis avec des proches qui m’entourent dans ce projet, dont ma maman. » Un geste qui a suscité l’admiration et le respect sur les réseaux sociaux. A une époque où les footballeurs sont sans cesse renvoyés à leur salaire et leur individualisme, Bryan Soumaré détonne. Mais pour lui, il n’est aucunement question de faire le buzz ou de donner une bonne image. « Mon souhait, c’est d’aider les gens. »
Le cœur sur la main à Saint-Quentin
Les aider, notamment à Saint-Quentin, sa ville d’origine. Profitant d’une période sans match peu avant la fin de l’année, Bryan Soumaré met le cap sur les terres de ses premières performances balle au pied. Aidé du maire et du Centre communal d’action sociale (CCAS) de la cité de l’Aisne, le joueur du FC Sochaux se rend dans un supermarché et achète pour 3000 euros de pâtes, riz et autres produits de première nécessité. Des vivres qui ont fait le bonheur de plusieurs familles dans le besoin, notamment en cette période de crise sanitaire. « Franchement, s’il faut y mettre un salaire, je m’en fous. Moi, si je peux payer mes factures, le reste, c’est du plus », confie le joueur, plus que jamais sincère dans sa démarche, d’autant qu’il est passé par là. « Quand j’étais plus jeune, que nous étions six à la maison, il y avait des moments où on ne savait pas ce qu’on allait pouvoir manger à la fin du mois. C’est la réalité. Ma mère a essayé de nous le cacher, mais je savais qu’on ne roulait pas sur l’or, qu’il y avait des difficultés. J’ai vécu des moments compliqués et je n’ai pas honte de le dire. » Tendre la main est pour lui une manière d’éviter à des jeunes de connaître les mêmes galères. Une solidarité dans laquelle Bryan Soumaré entend continuer de s’engager, tout en poursuivant sa carrière professionnelle. Mais n’allez surtout pas lui dire que cette démarche sincère envers les autres fait de lui un footballeur « original » ou au-dessus des autres. « Je ne suis pas un joueur au-dessus ou en-dessous du lot. Je suis un joueur comme tout le monde. »