Cap Optimist, une expédition hors norme

©️ Cap Optimist

Arrivées le 25 mars dernier à Moorea après presque trois mois de traversée, les waterwomen de l’expédition Cap Optimist ont pris le temps de revenir sur cette aventure.

Quelles ont été les émotions qui vous ont traversé lorsque vous êtes arrivées à Moorea avec vos proches présents ?

Stéphanie Barneix : C’était indescriptible. J’ai ressenti beaucoup bonheur, d’excitation à l’idée de revoir mon fils, mon mari, ma belle-fille et toute ma famille qui était présente et les amis.  Beaucoup de bonheur à la fin. De la délivrance aussi d’avoir réussi et d’être arrivée à bon port. On attendait tellement ce moment que ça a été un moment très, très fort en émotions. J’avais le cœur qui battait. Lorsque j’étais sur la planche, j’essayais de voir  sur le sable où ils étaient.

Emmanuelle Bescheron : Mes émotions se sont décuplées lors de notre arrivée. Ça faisait quelques semaines  qu’on commençait à imaginer ce qui est arrivé, qu’on espérait  revoir nos familles, nos proches qui ont fait le déplacement.  Il y a  beaucoup de choses mélangées, mais la fin d’une aventure aussi, qui a été très forte en émotions. C’était vraiment très intense et toutes les écoles qui étaient là. On avait les associations, notamment l’association Amazone avec les femmes en rémission cancer, on avait des dizaines de pirogues qui sont venues nous accueillir.

Alexandra Lux : L’arrivée sur la plage de Témaé a été vraiment exceptionnelle. On a eu un accueil incroyable de la part des Polynésiens. Rien que le passage de la passe avec l’arrivée des pirogues, on a eu la chance d’avoir des dauphins également,  qui sont venus nous accueillir et nous guider vers la plage. Il y a ensuite les retrouvailles, évidemment, avec les enfants, nos familles. Ça a été un moment très fort émotionnellement.

Margot Calvet : Cela a été un grand moment, beaucoup d’émotions. Un grand soulagement que cette  expédition  se termine  parce que c’était vraiment dur  et  ça faisait longtemps qu’on avait quitté nos proches.

Marie Goyenneche : Plein d’émotions différentes.  J’étais excitée à l’idée de les retrouver,  mais aussi un peu effrayée parce que mes repères avaient changé pendant trois mois.  Ma routine était différente et c’est sûr qu’on ne s’habitue jamais à vivre sans ses proches. J’avais peur d’avoir trop changé mais au final, les retrouvailles avec ma famille ont été plus que belles.

Comment s’est passé votre défi de rallier Lima à Moorea en prone paddle board ?

S.B : Le défi s’est plutôt bien passé, même s’il y a eu des hauts et des bas. C’est un défi qui a été long. 80 jours en mer, c’est quand même assez  particulier, mais on a toujours trouvé des solutions. On a beaucoup échangé avec les rameuses. Il y avait une très forte cohésion entre nous.

E.B : Il y  a eu plein de hauts et de bas sur 80 jours d’expédition.

A.L : Ça a été difficile physiquement et surtout psychologiquement. Les grosses difficultés pour ma part ont été lors du départ car j’ai vraiment le mal de mer  donc il me faut quand même plusieurs jours pour pouvoir m’amariner. Les relais de nuit ont été extrêmement éprouvants puisque  quand tout le corps commence à s’amariner malheureusement la nuit avec  l’obscurité, ça rend à nouveau malade. Cela entretenait mon mal de mer et ça m’a  vraiment épuisée physiquement pour la journée suivante.

M.C : Eh bien, dans l’ensemble, ça s’est très, très bien passé. Tout s’est déroulé comme on l’avait prévu, comme on l’avait espéré,  arriver à onze  en entier.  C’était notre objectif,  le finir également qu’on  est très ravis  d’avoir terminé  cette expédition dans ces conditions.

M.G : Plutôt bien dans l’ensemble. Nous avons été chanceuses malgré quelques complications et nous avons su rebondir. Humainement parlant, ça a été aussi compliqué parce que  onze personnes sur un bateau  en petit comité pendant trois mois,  les émotions sont décuplées. On n’est pas susceptibles de la même façon.

Des moments difficiles

Quels ont été les moments les plus durs que vous avez connus sur cette traversée ?

S.B : Le départ. On était très fatiguées parce qu’on a eu pas mal de choses à régler à Lima. La séparation avec notre famille a été compliquée. Pour ma part, aux environs de fin février début mars, j’ai été fréquemment exposée aux piqûres de méduses, j’ai fait des malaises et des réactions allergiques. J’ai vécu des moments compliqués avec pas mal de stress.

E.B : Le premier mois a été dur physiquement me concernant, le temps que mon corps encaisse le rythme des cycles de sommeil saccadés. Le deuxième mois, c’est la séparation  avec ma famille, et ma fille qui était  que j’ai laissé alors qu’elle avait à peine neuf mois et au retour qui a presque un an, qui a été compliqué. C’était un peu dur de rater ces moments de vie, même si je les ai acceptés. Et puis, le troisième mois, ce qui était le plus difficile, c’est, je pense, la vie à bord, avec la fatigue nerveuse qui s’accumule pour chacun et le fait de vivre dans un endroit exigu à onze, c’est pas si évident.

A.L : À mi-parcours, j’ai traversé une petite baisse de moral,  avec la distance et l’absence de ma famille qui m’ont un peu pesé. Sur la fin, ça aura été plutôt  la vie à bord du bateau. La promiscuité (onze sur un catamaran de 60 pieds), c’est pas évident tous les jours avec la fatigue physique et morale.

M.C : Il y a des moments où c’était dur d’aller dans l’eau parce qu’on était fatiguées, parce qu’il faisait froid ou qu’il y a beaucoup de vagues. Ces passages ont été difficiles mais on pensait forcément à nos familles,  à tous les enfants qu’on a rencontrés et à toutes les personnes qui nous ont écrit pendant la traversée. On ne pouvait pas les décevoir eux et l’association  qui nous a fait confiance et qui a signé pour qu’on reparte, donc il fallait se remotiver avec tout ça.

M.G : Pour ma part, le moment le plus dur a été la rame de nuit les premiers jours. Me lever avec cette appréhension de la nuit noire, trouver mon rythme, ça a été le plus compliqué. L’éloignement de la famille aussi. Le plus dur, ç’a été l’escale technique pour faire de l’essence. Pour moi, l’aventure a pris un autre tournant parce qu’on vivait comme si on était déjà arrivés alors que c’était loin d’être le cas.  Et on a dû très peu de temps après fixer la date d’arrivée pour des raisons de logistique. Ralentir la cadence en sachant que l’on arriverait dans 10 jours, alors que l’on pouvait le faire en cinq, ça a été difficile.

Avez-vous fait des rencontres insolites ?

S.B : Oui, beaucoup. Je me rappelle avoir ramé dans le phytoplancton et avoir sous mes mains une lumière bleue fluo qui s’est créée avec le phytoplancton. Et ça, c’était magique. C’est la première fois que ça m’arrive. On a vu des dauphins aussi, On a vu des requins, beaucoup de poissons volants, alors ça, je vous avoue que ça a été compliqué pour nous parce qu’on s’est pris plein de poissons volants dans la figure.

E.B : Il y en a eu beaucoup la première semaine avec les dauphins, les tortues, les requins, les lions de mer. L’arrivée magique à Moorea m’a marqué lorsqu’on a franchi la passe  avec ces bancs de dauphins, parce qu’on a vu très peu de dauphins en finale durant notre traversée  et avoir des dauphins à l’arrivée  de cette expédition, c’était juste incroyable et ça voulait dire beaucoup pour nous.

A.L : On a pu  rencontrer  des animaux, surtout au début et plutôt à la fin, et notamment quand Jérémie, notre photographe, a voulu réaliser des images subaquatiques. Il est tombé nez à nez avec un requin  face à face sous l’eau, ce qui nous a causé une petite frayeur mais fort heureusement, tout s’est bien passé.

M.C : Effectivement, nous avons fait quelques rencontres avec quelques animaux marins  comme des lions de mer au départ du Pérou,  leur cri est d’ailleurs très impressionnant. Nous avons aussi croisé quelques requins sur les premiers 1000 kilomètres et un autre  arrivé dans les eaux polynésiennes, qui n’était pas curieux et pas intéressé par nous. On a aussi rencontré beaucoup de poissons volants. On est tombés nez à nez avec des dauphins et même une baleine au loin.

M.G : On en a fait énormément au début, On a ramé les premières nuits avec des lions de mer.  Ensuite,  un requin était présent sur nos relais mais ne se montrait pas agressif, ce qui nous a énormément rassurés.  Énormément de poissons volants tout au long de  la traversée et des méduses étaient présents. Elles ont fini par  faire partie du décor  et c’est sûr qu’on a ramé souvent  par moments, avec l’appréhension d’en croiser. Mais au final, on était triste de voir absolument rien.  Le caméraman a pu une fois voir un requin avec la caméra subaquatique. On a eu la chance de terminer avec un banc de dauphins lors de notre arrivée sur la passe de Moorea.

« La dimension mentale a été très importante »

On avait parlé de la dimension mentale avant votre défi. A quel point l’aspect mental a-t-il été important dans ce défi ?

S.B : Cela a été important sur beaucoup de points, notamment sur la gestion des émotions et des risques. On a eu les images ressources aussi qu’on a pu utiliser. C’était compliqué.

E.B : Il y a eu beaucoup de préparation en amont, tant sur les appréhensions que j’avais sur la rame de nuit aussi pour accepter cette séparation avec ma fille et enlever cette culpabilité de maman. Donc ça a été des préparations en amont de la traversée. Sur le moment, on a mis en place à chaque fois des exercices pour justement rester concentrées sur notre mission. On effectuait des briefs hebdomadaires pour apporter des axes d’améliorations et noter le positif.

A.L : L’aspect mental a effectivement été important sur la réussite pour tenir la distance et enchaîner les kilomètres. Donc heureusement, on avait fait une très bonne préparation mentale et c’est vrai qu’on s’est accroché sur notre objectif qui était de ramer pour les enfants malades. On avait des coups de mou, des difficultés, des douleurs  physiques. Mais ce n’est rien comparé aux enfants qui ont ramé.  Donc c’est vrai que  on a mis en place des petits exercices de visualisation d’images positives  et surtout de se rappeler pourquoi on ramait et pourquoi on était là.

M.C : Quand le physique est difficile, le mental prend le dessus. C’est lui qui est présent. Quand  il faut  trouver la motivation, c’est lui qui est présent  et donc toute la préparation mentale que nous avons fait avec nos coachs nous a beaucoup apporté pour trouver les images ressources comme on les appelle pour se souvenir d’où on vient, pour qui on le fait, pour ne jamais oublier les gens qui croient en nous.

M.G : Je pense que l’aspect mental est très important pour tenir  sur le plan physique et pour gérer ses émotions. Et  je pense que  moi, personnellement, c’est ma psychologue qui m’a aidé  sur le plan mental  et elle a très bien réussi son travail. J’ai réussi à ne pas avoir envie de tuer quelqu’un et à ce que personne n’ait envie de me tuer également. Je pense qu’on est parti en ayant travaillé, mais ça a été un travail aussi tout au long de la traversée.

Les derniers efforts physiques étaient-ils les plus intenses ?

S.B : Je pense que le dernier mois était compliqué puisqu’on était un peu en avance et  on avait aussi hâte d’arriver. Je trouve que chaque période a été intense  par rapport aux émotions qu’on a vécues : le départ, le milieu, l’arrivée.

E.B : Le corps a été un petit peu bousculé parce qu’on a changé nos rythmes de rame lors d’une escale technique à Hao. Pour des raisons de sécurité, on a arrêté de ramer au coucher et lever de soleil  par rapport aux requins. La dernière semaine, lorsqu’on a eu la date d’arrivée actée, on a arrêté de ramer la nuit et là, notre corps a commencé à décompresser un peu. Les douleurs sont alors apparues. Le corps qui commençait à être un peu plus feignant parce qu’il était en train de lâcher prise et il fallait rester concentré jusqu’au bout.

M.C : Il y a l’excitation qui rentre en jeu  dans  le corps.  On ressent plutôt maintenant la fatigue et le contre-coup de cette expédition.

M.G : Je dirai que oui. Une fois qu’on a passé Hao, mentalement, ce n’était plus la même énergie. Tourner les bras alors  que l’on pouvait arriver dans la seconde, c’était  parfois difficile, mais  il fallait rester mobilisées. Ce n’était pas parce qu’on voyait les belles îles se rapprocher  et nos familles prendre l’avion pour nous rejoindre, qu’il fallait baisser les bras. C’est vrai que là, il a fallu trouver la force physique.

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