Début avril, Cécile Hernandez-Cervellon a décroché son 11e Globe de Cristal dans la discipline du parasnowboard. Touchée par la sclérose en plaques depuis 2002, la native de Perpignan se bat au quotidien face à l’avancée de la maladie, avec un objectif en tête : le titre paralympique à Pékin en 2022.
« Quelle année ! » Au moment de revenir sur sa saison, Cécile Hernandez-Cervellon se remémore les différents obstacles qui l’ont ralentie vers le succès. « La saison a été compliquée en raison du contexte sanitaire. De notre côté, nous avons eu de la chance avec des stations qui ont été ouvertes et qui ont permis de nous entraîner. J’ai tout de même été moins sur la neige de ma station, j’ai été plutôt en salle de musculation. Physiquement, on est déjà dans la préparation des Jeux. Ce nouveau Globe de Cristal, c’est avant tout un aboutissement. Je travaille pour ça tout au long de l’année », confie la native de Perpignan. Mais la Covid-19 n’a pas été le seul obstacle pour la championne de 46 ans. « En Italie, lors de la dernière compétition de la saison, j’étais prête à tout arracher, je misais beaucoup sur cette fin de saison. Quand est arrivé le jour J, j’étais fin prête. Il a fallu que je compose avec mon handicap, qui est évolutif. Sur la première course, ça se passe très bien. Je suis une personne de confrontation, quand je suis face aux autres concurrentes, ça me booste. Le deuxième jour a été beaucoup plus compliqué, ma maladie s’est rappelée à mon bon souvenir… Mais j’ai serré les dents, j’ai gagné les qualifications. Comme aux Jeux de 2018, j’ai mal à la jambe, mais je gagne les qualifs. Je remporte la demi-finale puis la finale pour l’or. Pour moi, c’était vraiment une revanche par rapport à Sotchi. » En 2014, elle avait décroché l’argent dans la cité russe, lors des Jeux Paralympiques. Quatre ans plus tard, à PyeongChang, Cécile Hernandez-Cervellon se pare d’argent et de bronze. Il ne manque donc plus que l’or à celle qui domine sa discipline depuis tant d’années.
« Je ne pense qu’à Pékin »
« Aujourd’hui, je mange, je dors, je rêve et je m’entraîne en pensant à Pékin. Je ne pense qu’à ça », confie d’ailleurs la parasnowboardeuse tricolore. « C’est aussi pour cela que ce nouveau Globe de Cristal a une valeur particulière. Toutes les adversaires des Jeux étaient là, hormis les Chinoises, qui se cachent un peu. C’est aussi un succès spécial, car j’ai eu plusieurs adversaires cette année : ma motivation, ma maladie et la Covid. Ce Globe représente vraiment toute cette adversité et tout le travail mis en place face à cette situation inconnue. Ça met plus de pression pour les Jeux l’année prochaine, mais ça m’a aussi donné un boost incroyable. » L’adversité, un mot qui revient régulièrement dans la bouche de Cécile Hernandez-Cervellon. Un jour d’automne 2002, alors âgée de 28 ans, la Perpignanaise se réveille paralysée. Une poussée de sclérose en plaques foudroyante la cloue à son lit. Paralysée durant plusieurs mois, celle qui pratique le BMX abandonne alors le sport… avant d’y revenir quelques années plus tard, grâce au parasnowboard. « J’ai coutume de dire que pour avoir un arc-en-ciel, il faut avoir des orages. J’en ai eu plein dans ma vie : me réveiller paralysée, perdre des êtres chers, avoir le handicap qui se rappelle à mon bon souvenir tous les jours… C’est compliqué, mais j’essaye toujours de dire que de toute façon on sort plus fort des épreuves. C’est mon handicap qui m’a permis de renouer avec le sport de haut niveau et de vivre, aujourd’hui, cette très belle carrière sportive. » Une carrière dans laquelle Cécile Hernandez-Cervellon s’épanouit totalement. Et lorsque l’on évoque son âge, elle coupe : « L’âge est soit une excuse, soit un prétexte pour faire ou ne pas faire des choses. »
« Je célèbre chaque kilo que je prends »
Si l’âge n’est pas un facteur déterminant aux yeux de Cécile Hernandez-Cervellon, c’est aussi parce que la parasnowboardeuse catalane ne cesse de progresser. Y compris cet hiver, de façon spectaculaire. « J’ai fait énormément de progrès. J’ai enfin travaillé sur ce qu’il faut mettre en place quand mon corps à un bug. J’ai ainsi travaillé sur tous les mécanismes de compensation. Tout le monde me le dit et tout le monde l’a vu, j’ai aussi progressé sur mon engagement dans les virages. Jusque-là, c’était mon point faible. Autant je suis technique sur les sauts, autant dans les virages c’était compliqué. Aujourd’hui, je dirais que c’est presque devenu mon point fort ! » Une progression dont l’un des facteurs est également la prise de quelques kilos en plus. « J’ai pris 5kg durant l’hiver… Depuis Sotchi, j’ai pris un total de 12kg. Mais c’est totalement voulu ! Plus je suis lourde, plus je descends vite. Cela me permet aussi d’être sur des planches qui sont beaucoup plus longues et exigeantes. Avant, je n’arrivais pas à exploiter mon potentiel de la meilleure des façons. Désormais, je me sens plus solide et cela participe à ma progression. Mes coéquipiers me taquinent encore, car ils sont devant moi au test de glisse, j’ai encore du poids à prendre (rires). Mais c’est à double tranchant : plus je prends de masse musculaire, plus mon handicap revient fort. Cela augmente le risque d’avoir des crises de raideur musculaire. Il va donc falloir composer avec ça en travaillant encore en récupération et en kiné, d’autant que je compte encore prendre 4kg. Alors que toutes les femmes veulent un corps parfait pour l’été, moi je célèbre chaque kilo que je prends (rires). »
« Le BMX, c’est mon grand amour »
Sur les pistes, Cécile Hernandez-Cervellon affiche ainsi une remarquable polyvalence. Championne de parasnowboard, la Catalane s’est également épanouie dans l’écriture, le journalisme, et le BMX. Le sport de ses débuts, qu’elle a retrouvé avec plaisir. « Le BMX, c’est mon grand amour. C’est ce sport qui m’a amené au snow. Je continue à pratiquer. Je suis maman, c’est donc quelque chose que j’ai transmis à ma fille. La pratique du BMX est très complémentaire à celle du snowboard. Ce sport m’a énormément apporté, la communauté BMX également lorsque je suis tombée malade. Elle m’a soutenue et a continué à me suivre tout au long de ma carrière en snowboard. » Une carrière qui passera donc inévitablement par Pékin l’an prochain, à l’occasion des Jeux Paralympiques. « C’est un rendez-vous que j’attends impatiemment, mais que j’appréhende un peu aussi. Dans quel état sera mon corps dans un an ? Où en sera la maladie ? Je ne peux pas répondre à ses questions », lâche Cécile Hernandez-Cervellon. « Ce qui est sûr, c’est que je ne pense pas à l’après-Pékin. J’avais une grosse marge de progression et je sais que j’ai encore des choses à travailler. J’ai marqué les esprits et il faut désormais que je m’entraîne encore plus pour aller chercher cette médaille d’or olympique. Ça m’a bien fait chaud au cœur d’entendre cette Marseillaise en fin de saison, j’ai donc très envie de l’entendre à nouveau à Pékin… même si je suis encore incapable de la chanter sans fondre en larmes (rires). » Des larmes de joie qui pourraient, l’hiver prochain, symboliser le fameux arc-en-ciel qui vient après les orages.