Championne de France juniors en simple et en double pour la seconde fois consécutive, Charlotte Lutz (16 ans) fait sensation. Membre de l’équipe de France et de cette génération montante du tennis de table tricolore, l’Alsacienne continue sa progression, et rêve déjà des Jeux olympiques.
Pour commencer, comment avez-vous débuté le tennis de table ?
Ma mère jouait au tennis de table, et elle y a attiré aussi ma sœur, Camille. Petit à petit, elles m’ont transmis cette envie de jouer, à force de les suivre sur les compétitions et de les regarder. Très vite, j’en ai eu marre d’être seulement spectatrice ! C’est vraiment grâce à elles que j’ai commencé. Je me suis lancée à l’âge de 5 ans, pour ne jamais arrêter. Je n’ai jamais vraiment fait d’autres sports, ça a toujours été le tennis de table uniquement.
Quel est votre parcours, à travers les différentes structures chez les jeunes ?
Avant d’entrer en Pôle, j’avais déjà été dans une autre structure particulière, en Alsace, où les enfants peuvent entrer à partir de 9 ans. Déjà, à ce moment-là, j’avais des horaires aménagés pour les entraînements et quelques compétitions. Ensuite, je suis passée par le Pôle espoirs de Strasbourg, au CREPS, avant d’entrer au Pôle France de Nancy en 2019. Puis ce pôle a fermé et je suis retournée à Strasbourg, au moment de mon entrée au lycée. Il y a là-bas une nouvelle salle et de bonnes infrastructures, c’est vraiment un avantage. Désormais, c’est au CREPS que je m’entraîne régulièrement, c’est mon camp de base et j’ai tout ce qu’il me faut là-bas.
« Jouer avec les seniors, en Pro, une grande expérience pour moi »
Cette saison a été très riche en performances, à commencer par le championnat et ce maintien en Pro avec le SU Schiltigheim…
C’était une année très chargée. En championnat, le début de saison était très compliqué. Avec mon club, tout juste promu, on n’a pas pu recruter pendant l’intersaison. Beaucoup disaient alors que notre équipe était trop faible pour la Pro dames. Comme je n’avais jamais joué à ce niveau, la pression n’était pas tellement sur moi, mais surtout sur mes coéquipières, même si je voulais vraiment aller chercher des résultats et aider le club. J’ai mis longtemps avant de décrocher mes premières victoires. Puis le déclic est venu en fin de saison, et j’ai réussi à gagner quatre matchs avant les play-downs. Toute l’équipe a super bien joué pour éviter la descente, et on a réussi à se sauver.
À titre personnel, qu’est-ce que cela vous a apporté de vous confronter si tôt aux seniors, à seulement 16 ans ?
Je suis fière de ce que j’ai pu faire cette saison, surtout sur la fin. Ce n’était pas évident pour une première, mais j’ai quand même réussi à m’adapter pour ramener de belles victoires. J’ai pu prouver que j’étais capable de battre des filles fortes. C’était une grande expérience pour moi. Avec les seniors, beaucoup de choses sont différentes des jeunes : le niveau, les conditions, la formule de la compétition… Il y a plus de public et de pression. J’ai énormément appris, notamment sur le plan mental. Les joueuses expérimentées ont une grande stabilité, une vraie sérénité. Plusieurs fois, j’ai mené des matchs, mais j’ai laissé échapper la victoire en perdant le fil. C’est sur ce point que j’ai le plus progressé, cela m’a aidé à gagner en fin de saison.
« C’est une certaine pression de prouver qu’on mérite cette attention »
Début mai, vous avez aussi décroché le doublé (simple et double) aux championnats de France juniors. Cette fois-ci, vous êtes arrivée avec le statut de tenante du titre et de numéro 1 : comment avez-vous géré les attentes ?
Je sentais bien que toutes les filles qui jouaient contre moi n’avaient qu’une envie : me battre et me sortir du tournoi. J’avais de la pression, d’autant que je m’étais bougé un nerf du dos quelques jours auparavant. Finalement, j’ai eu de moins en moins mal et j’ai réussi à gérer mon énergie. Il fallait aussi faire avec la fatigue du transport, comme on a traversé la France depuis Strasbourg. Le matin, j’ai commencé en double et ça m’a parfaitement lancée vers le simple. Très vite, j’ai trouvé mon rythme et j’étais qualifiée très tôt pour les demies. Quand je suis allée chercher les deux titres, j’étais vraiment soulagée et fière de moi. Je n’étais pas à mon meilleur niveau, mais j’ai été rigoureuse et régulière, pour bien gérer ma fatigue. C’était vraiment un soulagement de garder mes coupes à la maison !
Toute la saison, vous avez participé à plusieurs compétitions à l’international, avec les meilleurs jeunes Français. C’est une pression de faire partie de cette génération incarnant le futur tricolore ?
Cette année, je suis allée en Tunisie, au Qatar, pour des compétitions de haut niveau chez les jeunes… Sur ces tournois, on rencontre des joueurs de notre âge, vraiment très forts au niveau mondial. On a conscience qu’il faut montrer qu’on est présent et qu’on est à notre place. La Fédération Française donne l’opportunité à plusieurs d’entre nous d’aller sur ce genre de compétitions, et il faut saisir cette chance. Alors oui, c’est une certaine pression de prouver qu’on mérite cette attention.
« Les JO, c’est la compétition ultime »
Quels sont vos points forts, et à l’inverse ce que vous voulez encore améliorer ?
J’ai un bon service du revers, que peu de joueuses ont de nos jours, qui me fait déjà gagner quelques points. J’ai cette capacité à jouer très vite et à bouger rapidement sur mes appuis. C’est mon point fort : j’aime forcer mon adversaire à jouer vite, pour m’amener à finir le point sur un coup droit. Là où je cherche le plus à progresser, c’est dans la tête. Je dois arriver à mieux poser mon jeu, sans me perdre ou sortir du match. En particulier avec les seniors, qui ont souvent plus de moyens pour me faire craquer.
Comment vous projetez-vous sur la suite, sportivement et scolairement ?
Au niveau des études, je continue ma formation à distance avec le CNED, avec le bac qui arrive l’année prochaine. Après ça, je compte continuer un cursus, même si je ne sais pas encore quoi ! Je ne pense pas me destiner à de longues études, mais je veux avoir un bagage et garder un pied dedans. Sportivement, le grand objectif, ce sont les Jeux olympiques, bien sûr. D’ici les sélections, ce sera à moi de montrer ce dont je suis capable, et de prouver que j’ai ce qu’il faut pour mériter d’aller aux Jeux dès 2024. Si c’est possible, je ne me mets pas de limites ! Les JO, c’est la compétition ultime pour tous les sportifs. Tout le monde rêve d’être là-bas, d’autant plus que c’est dans notre pays. D’ici là, il y a encore du chemin, et je compte bien continuer à progresser.