Il est sans conteste l’un des plus grands sprinteurs français de l’histoire. À 28 ans, Christophe Lemaitre semble en pleine maturité et prêt à aller au bout de ses objectifs. Entretien avec l’actuel détenteur du record de France du 200m…
Christophe, vous avez connu une saison 2017 parfois difficile à cause des blessures. Comment vous sentez-vous à l’aube des grands rendez-vous de la saison ?
Je vais de mieux en mieux. J’ai bien récupéré après ma blessure aux adducteurs quelques jours avant la finale des interclubs. J’ai retrouvé une bonne aisance et de la fluidité dans ma course. Je suis en forme, c’est encourageant.
Vous êtes sur le circuit depuis maintenant plusieurs années. Quel bilan pouvez-vous tirer de ce parcours ?
J’en suis plutôt satisfait, même si je pense qu’il aurait pu être encore meilleur, et notamment au plan des titres et des médailles. Malheureusement, j’ai connu des blessures qui m’ont empêché d’être plus performant. Je pense par exemple aux Championnats du monde de Pékin en 2015 ou aux Championnats d’Europe d’Amsterdam l’année suivante. Avec du recul, si je n’avais pas eu tous ces pépins physiques, j’aurais peut-être pu accrocher plus de médailles. Je ne vais pas dire que je suis déçu, car j’ai déjà accompli de belles choses, mais c’est clair que j’aurais peut-être pu faire encore mieux.
Malgré un physique parfois fragile, vos qualités mentales ont toujours été l’une de vos grandes forces depuis vos débuts…
C’est vrai. De ce côté-là, je pense que j’ai toujours été performant. Avec mes blessures, c’est vrai qu’il y a des moments où j’ai un peu craqué. Mais je me suis toujours remis assez vite sur les bons rails. Malgré les quelques moments de doute que j’ai pu connaître, j’ai toujours fait en sorte d’être prêt le jour J, tout du moins sur ce plan mental. Je serai toujours prêt mentalement à me battre au plus haut niveau dans un contexte de championnat. Car on peut être le plus fort ou le plus prêt physiquement, si le mental ne tient pas le jour J et que tu craques à cause de la pression ou d’un autre facteur, ça ne sert à rien. L’histoire de l’athlétisme nous l’a déjà montré, par exemple avec Asafa Powell. Il aurait pu être plusieurs fois médaillé ou titré dans un championnat du monde ou aux Jeux olympiques, mais il avait du mal à répondre présent mentalement. C’est important d’être prêt, au moins pour résister à la pression de l’enjeu, et notamment dans un contexte de grand championnat.
Vous avez 28 ans depuis le 11 juin dernier. Comment voyez-vous la suite de votre parcours ?
Je vais faire comme depuis le début de ma carrière, à savoir prendre année après année. Il va y avoir de grosses échéances, il faudra bien travailler pour faire du mieux possible dans les grands championnats ou aux Jeux olympiques. L’objectif, ce sera de continuer à courir et à être performant sur les deux distances (100 et 200m, NDLR).
Avec Paris 2024 en ligne de mire ?
Bien sûr, j’en ai vraiment envie et je me dis que c’est totalement faisable. Quand je vois un Kim Collins qui a dû aller jusqu’à 40 ans tout en continuant à battre ses records, je me dis que tout est possible (Christophe Lemaître aura 34 ans en 2024, NDLR). Churandy Martina a également réussi à performer à la trentaine passée en terminant à un centième du podium à Rio et en décrochant l’or à Amsterdam la même année. Quand tu vois ça, tu te dis que c’est possible. Si je gère bien mon corps et que je fais bien attention, je pense que je peux encore durer.
Disputer une olympiade dans son pays doit être un véritable accomplissement pour un sportif de haut niveau…
Totalement. N’importe quel athlète a envie de participer à des Jeux olympiques. Donc, quand ils se déroulent à la maison, tout est plus fort. Courir devant un stade plein, devant son public, ce doit être magnifique, même si je pense que ce genre d’émotion peut également être à double tranchant. Soit ça peut galvaniser, soit ça peut impressionner et crisper. De mon côté, je suis convaincu que ça va m’encourager, que ça va me pousser à faire, et c’est possible, une belle performance.
Un mot également sur l’athlétisme tricolore. Que manque-t-il pour que la France fasse partie des toutes meilleures nations au monde ?
La densité. Nous ne sommes pas performants dans toutes les épreuves. Au lancer par exemple, à part Mélina Robert-Michon ou Alexandra Tavernier, nous n’avons pas de très bons lanceurs de niveau mondial. C’est compliqué, il faut être capable d’être fort dans toutes les disciplines, si on souhaite que la France soit reconnue comme l’une des puissances mondiales dans le domaine de l’athlétisme. Je pense que c’est ça qui manque à notre nation, on manque de densité dans toutes les épreuves. Si on arrive à changer cela, je pense déjà que nous aurons réussi à amener l’athlétisme français à un autre niveau.
Les résultats de ce travail ne se verront que sur le long terme…
C’est vrai. De toute manière, on ne sort pas de grands athlètes en un claquement de doigts. Cela peut prendre du temps dans les clubs. Il faut former les jeunes, les accompagner, les faire progresser. C’est un travail de longue haleine.
Vous pourriez y participer à la fin de votre carrière ?
Pourquoi pas ? Il faudra voir. J’adore mon sport, j’adore ce que je fais. J’aime quand les athlètes, et plus globalement les sportifs français, réussissent de grandes performances. Si je peux aider à développer l’athlétisme français, de quelque manière que ce soit, pourquoi pas ?
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