Vice-championne olympique avec Laura Tarantola à Tokyo en juillet dernier, Claire Bové a encore du mal à se rendre compte de son exploit. La médaille a changé sa vie, mais aussi son approche des Jeux Paris 2024. A 23 ans, elle est déjà relancée vers la prochaine olympiade en France, pour la dernière aux Jeux de sa catégorie des poids-légers.
On est à plus de six mois après votre médaille d’argent à Tokyo, vous avez maintenant plus de recul. Quel souvenir en gardez-vous ?
C’était vraiment de supers moments. Mais maintenant que tout est redescendu, je me demande parfois si c’est vraiment arrivé ! Depuis, la vie a repris son cours, j’ai rangé la médaille et repris l’entraînement. Tout est revenu à la normale. C’est encore dur de réaliser. Je pense que je n’y arriverais pas vraiment tant que je ne serais pas retourné sur le circuit international. Les souvenirs sont là mais quand je revois des photos, ça me paraît tellement loin !
Il y a quand même des choses qui ont changé dans votre vie, non ? Le statut, la popularité, les sollicitations médiatiques…
Déjà, j’ai énormément de personnes qui m’envoient des messages, ça c’est une grande nouveauté ! On cherche à me contacter pratiquement tout le temps maintenant ! En revanche avec ma famille et à l’entraînement, je ne sens pas de changement non… A part quelques petits regards, qu’on retrouve aussi sur les compétitions. Forcément, en tant que médaillé olympique, on n’a plus le même statut dans l’aviron. Mais ma vie n’a pas été totalement bouleversé pour autant.
« On ne peut pas être déçues de notre médaille d’argent »
En octobre, nous avions interviewé votre binôme sur le bateau, Laura Tarantola. Elle nous disait que cette course aux JO était tellement serrée qu’il n’y avait aucun regret à décrocher l’argent, même si vous passez à 14 centièmes de l’or. Vous partagez ce sentiment ?
Complètement. On est proches de la victoire c’est vrai, mais on aurait très bien pu finir sans médaille. C’était une lutte entre quatre bateaux, et on a seulement 30 centièmes d’avance sur la 4e place. On ne peut pas être déçues. Même si on est passées tout près du titre et qu’il faudra attendre encore trois ans pour le jouer de nouveau ! Je suis vraiment super contente de la médaille, mais surtout de notre course. Je me rappelle que ça glissait exactement comme on pouvait l’espérer au mieux. C’était vraiment parfait.
Après l’arrivée, le résultat de la course est venu seulement au terme d’une longue attente. Quelles étaient vos premières émotions à l’annonce du verdict ?
Cette attente, c’était interminable ! Je me souviens qu’on était toutes les filles des six bateaux à patienter sur le ponton. On ne savait pas du tout ce qui allait s’afficher. On attendait, on attendait… J’étais super heureuse du résultat, mais c’est en arrivant sur le podium que j’étais le plus émue. Il n’y avait pas de public, alors c’était très drôle ! Seulement quelques photographes et un monsieur avec une pancarte pour nous dire si on devait enlever ou remettre nos masques. Avec Laura ça nous a fait rire ! C’était très différent des ambiances habituelles, avec une foule en délire, les supporters en feu… Mais on se disait que les gens devaient être pareils mais derrière leur télé. On s’en est bien rendu compte en rentrant en France, surtout en allant sur le Trocadéro. C’était dingue cette ferveur !
« Moi, je ne voulais pas faire d’aviron ! »
Avec Laura Tarantola, vous êtes ensemble sur le bateau depuis 2017. Qu’est-ce qui fonctionne dans votre duo ?
Ce qui fonctionne bien, et on s’en est surtout rendu compte au fil du temps à ramer ensemble, c’est la communication. C’est vrai qu’au début, on avait pas du tout les mêmes centres d’intérêts, Laura a dû vous le dire ! Mais finalement, quand on exprime clairement ce qu’on veut, ce qui ne va pas, ça va mieux et je pense que c’est notre plus grande force.
Côté purement sportif, on remarque aussi que vous n’êtes pas forcément les plus puissantes, mais que vous vous retrouvez sur la technique et la cohésion. Vous partagez ce constat ?
Je suis complètement d’accord avec ça. En indoor, mes temps comparés au niveau international ne sont pas fous. On n’est pas les plus puissantes c’est clair, mais on sait bien écouter la glisse du bateau. On se retrouve bien là-dedans. Et chacun correspond bien à son rôle. Laura est comme un moteur et s’adapte à moi. Et moi je reste concentrée pour trouver la bonne sensation avec l’eau, et choisir le bon rythme à adopter. Sans que cela soit trop énergivore pour nous deux et qu’on garde un maximum de vitesse et de régularité.
L’aviron dans votre famille, c’est quelque chose de vraiment important. Avec votre père et votre mère qui en ont fait à haut niveau, votre frère aussi est dans l’aviron de mer… Vous y étiez prédestinée ?
Pourtant moi je ne voulais pas faire d’aviron ! Pourquoi ? Je ne sais pas, par pur esprit de contradiction je pense (rires). J’ai fait plusieurs sports, de l’équitation, de la danse, du triathlon… mais je me refusais à l’aviron. Je crois que ça remonte à une compétition à laquelle mes parents m’avaient emmené quand j’étais petite. Je n’avais pas du tout aimé l’ambiance, il faisait gris, il pleuvait… Il y avait plein de gens qui criaient et ça m’avait fait une peur terrible ! Je n’avais pas du tout envie de faire ça. Mais finalement, c’est une amie qui m’a convaincu d’aller faire de l’aviron avec elle. Et c’est le début d’une belle histoire !
« Je ne regarde pas la montagne »
Maintenant, vous êtes pleinement tournées vers votre objectif des JO à Paris en 2024 ? J’imagine qu’on vous en parlait déjà juste après la médaille…
Oui c’est clair ! Au début on répondait « écoutez, on n’en sait rien ». Mais moi je visais même déjà 2024 avant Tokyo. Je me disais que je serais peut-être encore jeune en 2020-21. Maintenant qu’on a repris l’entraînement, on sait qu’on s’entraîne pour ça. Mais attention, les places sont remises en jeu à chaque fois et elles sont très chères. Rien n’est acquis.
Paris 2024 sera aussi particulier pour votre discipline, puisque ce sera la dernière des poids légers dans l’aviron. Vous y pensez ?
Honnêtement, je préfère ne pas y penser. Surtout que la dernière devait déjà être à Tokyo, et ça a été repoussé d’une olympiade. Je m’étais dit « ah fini les régimes ! ». Sinon je ne sais pas, peut-être que je passerais en « toutes catégories ». 2028, ça paraît très loin. Après, si on a encore une médaille à Paris et que c’est la dernière des poids légers, ça veut dire que ce serait nous les dernières médaillées. Dis comme ça, c’est sûr que ça fait rêver !
Quels sont vos prochains objectifs ? On imagine qu’en ligne de mire vous avez les Mondiaux 2023, là où se joueront les qualifications pour les JO ?
Ça paraît encore loin. Comme on dit, je ne regarde pas la montagne, je préfère regarder les cailloux. On ne peut pas commencer déjà à stresser pour cette course. Pour l’instant je m’entraîne, puis je ferais confiance à mes entraînements quand l’échéance arrivera. On a encore beaucoup de choses à faire d’ici là !
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