La skieuse iséroise a vécu un week-end dernier contrasté à Kranjska Gora (Slovénie) en géant. Après une 6e place samedi (le meilleur résultat de sa carrière en Coupe du monde), elle a heurté le lendemain une porte avec sa main droite et a craint une blessure. Les examens ont été rassurants, elle pourra poursuivre sa progression cette saison. Et rêver d’un coup aux Mondiaux de Courchevel-Méribel (du 6 au 19 février).
Racontez-nous votre journée de samedi conclue par votre meilleur résultat en Coupe du monde…
J’avais à cœur d’aller chercher devant, j’ai eu des infos par Tessa (Worley) que les conditions étaient bonnes, que la piste était bien lisse : ça changeait des conditions qu’on a connues à Sestrières où ça tapait beaucoup et à Semmering, où il y avait des bosses. Là, j’ai pu me lâcher. En plus, j’avais un dossard à 8, je me suis sentie plutôt bien dans la première manche que je termine à la 7e place. C’était prometteur car généralement, les 7 meilleurs de la course sont dans les 7 premières à l’issue de la première manche. Moi, j’étais à 6-7 dixièmes de la première, je savais que je pouvais prendre plus de risques lors de la 2e manche.
Et du coup ?
C’est ce que je me suis attelée à faire, je n’étais pas trop stressée, je suis restée concentrée sur moi, sans imaginer le résultat. Et ça a payé puisque je suis allée chercher mon meilleur résultat en Coupe du monde. J’étais même première en bas à l’arrivée, c’est la première fois que ça m’arrive cette année : ça fait plaisir de voir du vert en franchissant la ligne. Même si je n’avais que 5 centièmes d’avance et que j’ai rapidement été supplantée, je suis contente de mon résultat et de ma manière de skier.
D’autant que vous étiez en bonne compagnie à la 6e place, ex-aequo avec Mikaela Shiffrin !
Oui, alors Shiffrin a dit qu’elle avait complètement loupé sa course ! Vu qu’elle a gagné le lendemain, elle était quand même en bonne forme. Mais oui, je finis ex-aequo avec Shiffrin, devant Sara Hector, des filles qui ont un super niveau en géant, elles sont hyper constantes, donc c’est cool. Maintenant, si je veux aller chercher devant, je dois prendre plus de risques, accélérer sur quelques portes, j’ai des passages que je peux améliorer.
Ça c’était le samedi. La course du lendemain a été moins heureuse…
Oui dans la mesure où j’ai fini avec un seul bâton. Au début du 2e intermédiaire, au bout de 20 secondes de course, ma main droite a tapé dans une porte. Sur le coup, ce n’était pas douloureux, j’ai eu mal en arrivant en bas. Malgré ça, je suis passée pas loin de la qualification pour la 2e manche mais en fait j’étais presque soulagée de pas être dans les 30 premières car ça m’aurait fait forcer sur ma main. Dans les minutes qui ont suivi, j’ai craint un peu une grave blessure, j’avais mal au cœur, envie de vomir, ce n’est généralement pas bon signe. Mais je suis étudiante en kiné (NDLR : elle est en 2e année à l’école de kiné de Grenoble), je connais 2-3 gestes pour tester s’il y a une fracture du scaphoïde, par exemple. J’ai été rassurée rapidement. En rentrant chez moi à Chambéry, j’ai passé des radios qui ont confirmé ce diagnostic : il y a juste des contusions, les tissus sont un peu écrasés et ça va de mieux en mieux. Je serai ce vendredi et samedi à Orcières-Merlette à l’entraînement avec l’équipe de France avant d’aller lundi et mardi prochains à Kronplatz où aura lieu la prochaine course le mardi 24. Ce sera la dernière course avant les Championnats du monde pour lesquels je m’aligne aussi sur le parallèle individuel et par équipe.
Est-ce que cette 6e place peut changer vos ambitions ?
Cela renforce clairement l’objectif que je m’étais fixée en début de saison de réaliser un podium en individuel. Cela fait du bien de s’en rapprocher un peu et je travaille dans le bon sens pour l’atteindre. Je dois pour cela avoir encore plus d’exigences techniques pour réussir mes enchaînements de portes tout au long de la course, du haut en bas de la piste, sans perte de vitesse sur les portes difficiles à négocier. C’est ce que réussissent à faire les meilleures filles. J’ai encore trop tendance à perdre du temps sur une porte ou deux. Je dois être plus constante, surtout au niveau technique.
Vous vous révélez à 30-31 ans, avez-vous le sentiment d’avoir passé des paliers ?
« Oui, j’ai progressé ces dernières années, j’ai réussi à accrocher le top 15 du classement général de géant l’an dernier (11e), je vais chercher devant. Petit à petit, je progresse techniquement. Je reste assez grande sur ses jambes pour résister à la force centrifuge. J’ai bossé là-dessus, ça demande de l’engagement mental et physique. Mentalement justement, j’ai aussi bien évolué. Par rapport à mes débuts en Coupe du monde il y a 10 ans, je me sens plus à ma place avec les meilleures : je suis capable de les battre, j’ai moins de doutes sur mes capacités à performer sur toutes les courses et sur tous les types de neige. Jusqu’à maintenant, j’étais plus une skieuse de fin de saison (2 Top 10 en fin de saison dernière), j’arrivais mieux à rivaliser quand il y a plus de lumière en février-mars. Là, je me sens mieux depuis le début de saison, c’est encourageant. Il faut que je continue, ce serait beau de monter sur la boîte.
Et que dire si c’était aux Championnats du monde (du 6 au 19 février à Courchevel-Méribel) ?
Ah oui, évidemment, ce serait encore plus beau de monter sur la boîte aux Championnats du monde. Ou partager le podium avec Tessa par exemple, ça décuplerait les émotions. J’ai de très bons souvenirs de mes Mondiaux (Are 2019, Cortina 2021) avec à chaque fois ma meilleure course de la saison. J’ai eu plus de mal à digérer mes Mondiaux de Saint-Moritz 2017. Mais je garde en tête aussi les Mondiaux à Val-d’Isère en 2009, j’avais 17 ans et j’avais ouvert la piste avant la course du Super-G. C’est un souvenir incroyable.
Vivre un tel événement à la maison, cela marque forcément…
Participer à des Mondiaux en France, c’est clairement des beaux moments à vivre. On a eu la chance de disputer les finales de la Coupe du monde en mars dernier au même endroit et j’ai passé des superbes journées. Le public nous porte, le ski est mis en valeur en France pendant cette période. J’avais vraiment envie de préparer cet événement de la meilleure des manières, et cela passait par des entraînements de qualité cet été, et un début de saison avec de bons résultats. Je suis dans une pente ascendante, je vais tout faire pour la conserver et arriver en bonne forme physique technique et mentale pour ces Mondiaux. Je suis fière et heureuse de faire partie de cette belle équipe de France. Et pour la France, pour le ski, pour nos proches, nos entraîneurs et pour nous-mêmes, on va se battre pour que ces Championnats soient réussis.
Quel est l’un des derniers paliers à atteindre pour vous ?
Même si j’ai pris confiance, j’ai encore des démons à combattre : skier à l’entraînement ! Moi ce qui me fait vibrer, c’est la course. Et à l’entraînement, j’ai encore un peu de mal à tout donner pour me hisser à mon meilleur niveau, à m’engager complètement. Mais ça va venir !
Vos parents, qui vous ont mise toute petite sur des skis sur les pistes de Chamrousse, sont-ils fiers de votre parcours ?
Oui, bien sûr. Mais surtout, mes parents, ils se sentent moins coupables aujourd’hui. À mes débuts difficiles jalonnés de nombreuses blessures, ils se sentaient en effet coupables de m’avoir amenée au ski. Ils se posaient pas mal de question quand ils voyaient leur fille le genou cassé sur le canapé (trois rupture des ligaments en 2008, en 2013 puis en 2018, 3 semaines avant les JO). Ils profitent plus entre guillemets, ils savent que c’est ça que je veux faire de ma vie, ce n’est plus à cause d’eux que je fais ça (rires). Mes parents n’ont jamais fait de ski de compétition, donc ils ne sont pas très exigeants envers moi, ils veulent simplement m’aider et aujourd’hui ils sont contents, c’est sûr. D’ailleurs, ils me suivent un peu plus sur le circuit depuis l’année dernière et évidemment ils seront là lors des Championnats du monde. »
Propos recueillis par Sylvain Lartaud