À quelques semaines du début du Marathon des Sables The Legendary dans le désert du Sahara, l’organisateur, Cyril Gauthier, est revenu sur l’évènement et sur la particularité de cette 38e édition, qui s’annonce d’ores-et-déjà historique.
Pour commencer, pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas le Marathon des Sables, pouvez-vous expliquer ce que c’est ?
Le Marathon des Sables est bien plus qu’un simple marathon. En effet, il y a le Marathon des Sables qu’on appelle le Marathon Sable Pays, anciennement les Half Marathons des Sables, qui sont des formules basées sur l’ADN du Marathon des Sables The Legendary. C’est une course dans le désert en autonomie alimentaire. Ça veut dire que l’on a un petit sac à dos qui fait entre 6 et demi et 12 kilos, en fonction de ce que l’on veut emporter, on a toute son alimentation lyophilisée, son sac de couchage, et la seule chose que fournit l’organisation aux concurrents, c’est une tente le soir et de l’eau pour pouvoir réaliser la course.
La course est divisée en 6 étapes pour un total de 252 km, sur la trente-huitième édition à venir. Puis, sur un Marathon des Sables Pays, comme en Jordanie ou à Fuerteventura, on est sur des distances qui vont de 70 à 120 km. C’est à dire qu’on a l’option sur la grande étape qui se trouve au milieu, parce que nous n’avons plus six étapes, mais 3, on peut faire 60, 40 ou 20 km, selon ce que l’on met en place. Ainsi, on est vraiment sur la même chose au niveau de l’autonomie alimentaire. Néanmoins, une différence existe, sur les Marathon des Sables Pays le Bivouac est fixe à la différence du Marathon des Sables The Legendary où le bivouac est mobile en fonction de la traversée du désert qu’on réalise.
Récemment, le Half Marathon des Sables (HDMS) et le Marathon des Sables ont fusionné afin de former la famille du Marathon des Sables. Qu’apporte cette fusion ?
Partout où le Half (le Half Marathon des Sables), s’était installé, il était appelé Marathon des Sables. Une clarification était donc nécessaire. La clarification est pratique avec la même marque. On fait une énorme différence sur le Marathon des Sables ancestral au Maroc, qui va donc attaquer sa trente-huitième édition en l’appelant « The Legendary ». Et c’est l’ADN de cette course qui a fait le développement du Half, et comme ce développement a été décidé, lorsque j’ai codirigé le Marathon des Sables Legendary de 2012 à 2017, on a repris finalement le même ADN, mais à un niveau d’accès plus simple pour un concurrent moins expérimenté, afin qu’il découvre le désert, et l’autonomie alimentaire sur une difficulté et des distances moindres.
Aujourd’hui, cela donne de la tonicité. Effectivement, on se rend compte que sur cette 38e édition par exemple, il y a plus de 100 coureurs qui sont passés par les Marathon des Sables Pays, anciennement HDMS. Néanmoins, c’est aussi vrai dans l’autre sens, puisque des élites comme Rachim El Morabithi, qui a gagné 9 fois le Marathon des Sables The Legendary vient sur les Marathons des Sables Pays pour s’entraîner. Et ça a été également le cas pour Matthieu Blanchard qui est venu sur le Legendary et ceux pas pays. Cela donne une vraie logique de marque et une facilité de passer d’une course à l’autre.
« Est-ce que sur 252 km on va avoir une des plus belles éditions en termes de paysage ? »
Cette année, du 12 au 22 avril ce sera la 38e édition du Marathon des Sables the Legendary. Pourquoi cette édition est déjà annoncée comme historique ?
Elle va être historique, c’est évident. Première des choses, on est revenu sur 6 étapes en compétition. Le marathon des sables, depuis quelques années, avait dédié sa dernière étape à une étape de solidarité. C’était une étape que les coureurs étaient obligés de faire, mais qui ne faisait plus partie de la compétition parce qu’ils avaient été finishers la veille. Aujourd’hui cette 6e étape fera 21 km, ce sera un semi-marathon. Et, ça change pas mal les choses, puisque ça augmente les kilomètres pour un total de 252 km. Elle est unique en son genre puisque c’est le record de distance depuis la création de l’événement. Ensuite, j’espère qu’on aura la confirmation qu’elle va être exceptionnelle par sa beauté.
Grâce à l’utilisation de nos ordinateurs magiques, on a pris les tracés des 15 dernières années et on a regardé quels étaient les plus beaux points sur ces 15 itinéraires et on a fait le pré tracé de ce qui a donné le projet de la 38e avec le patron des pisteurs. C’est lui qui a toujours tracé le Marathon des Sables et il a affirmé que cette édition serait sublime. Ça va être la surprise : Est-ce que sur 252 km on va avoir une des plus belles éditions en termes de paysage ? Après il va y avoir en plus des surprises gardées secrètes jusqu’à ce jour pour les coureurs, sur les étapes et sur la façon de fonctionner. Cette 38e édition va être légendaire ! Enfin ce qui est aussi impressionnant, c’est qu’on va réussir à baisser notre impact carbone sur cette édition de plus de 40%. Ce qui nous a demandé énormément de temps, pour étudier tous les chemins logistiques pour nos équipes, pour justement avoir moins de véhicules, moins de camions, moins de consommation carbone.
En plus d’être une course qui s’annonce historique, cette nouvelle édition semble intéressante à tous les niveaux. Serait-il envisageable de revoir ce même tracé pour l’édition 2025 ?
Pour être honnête, je ne sais pas encore ! (rire). Après chaque édition, on envoie une enquête d’opinion ouverte à 70% des coureurs avec 53 questions et ce sont eux qui décident. Notre avis est mis de côté, mais les coureurs témoigneront afin de savoir si cette édition leur a permis de prendre leur pied, ou au contraire si c’était trop dur ou trop long. Notre travail c’est de nous adapter à leurs exigences. Toutefois, au-delà du plaisir du coureur, il y a aussi l’aspect écologique. Quoiqu’on fasse, on pense en fonction de l’impact écologique qu’on va avoir. C’est pourquoi on apporte des changements radicaux comme l’éclairage des checkpoints qui se fait uniquement à l’énergie solaire ou bien le fait que 100% des bouteilles d’eau vont être recyclées, on n’a plus la gestion de nos déchets.
En parlant des coureurs, comment expliquez-vous l’engouement en termes de participation avec plus de 25 000 coureurs attendus ?
Il y a plusieurs raisons expliquant cet engouement. Tout d’abord, le désert est un endroit qu’on peut comparer à aucun autre. Quand on commence à marcher dans le désert ou à courir dans le désert, on commence à comprendre tout ce qui peut s’y passer et tout le chemin qu’on va être capable de faire dans sa tête dans ce milieu incroyable. Toute personne qui a couru la course quand elle rentre, elle a beau avoir des ampoules aux pieds, elle a beau avoir eu du mal quand elle en parle à ses amis, elle va générer de l’envie et de l’admiration. Et ça pousse énormément de personnes à se dire, et si moi un jour j’essayais. Ensuite, Il y a le plaisir de se dire en toute sécurité, j’ai une organisation qui me propose de voir, d’atteindre ou de dépasser mes limites, parce que la magie du Marathon des Sables, c’est qu’il y a une organisation qui est là pour vous permettre de pousser votre machine et de vous dire si jamais il y a un problème, il y aura toujours quelqu’un pour me filer un coup de main. Effectivement, sur place on a 60 personnes, des hélicoptères, des 4×4, des buggys, des vélos électriques, et même des médecins dans la course. C’est l’endroit où l’on peut devenir un aventurier, ce qui peut expliquer le succès des éditions.
« On doit respecter une seule règle : la sécurité »
Dans les précédentes éditions, quelques participants étaient des vétérans, notamment des personnes de plus de 80 ans, comment gérez-vous les potentiels problèmes de santé ?
C’est assez simple, souvent le plus jeune a généralement 16 ans, et les plus âgés 80 ans. Effectivement, il y a de nombreux quinquagénaires, sexagénaires et septuagénaires. Tout d’abord, ils ne courent plus. Il faut savoir que sur un Marathon des Sables The Legendary, il y a quand même 50% des gens qui marchent. Ces personnes qui participent sont fréquemment des personnes qui ont marché toute leur vie. Par exemple, on a eu une certaine Paulette, âgée de 82 ans, qui est venue lors d’un Marathon des Sables avec sa fille de 60 ans. Cette dernière n’arrivait pas à suivre sa mère. Pour revenir à la partie sur la santé, aujourd’hui le coût le plus important pour l’organisateur, c’est le coût de la logique de la médicalisation de l’évènement, puisqu’il faut des médecins, des infirmiers, du matériel de dingue qui doit être transporté sur des vélos électriques, des spécialistes de l’ultra, des secouristes qui font toute l’étape, mais aussi des véhicules d’intervention rapide, des 4×4 médicalisés et un hélicoptère. L’ensemble de cette masse technologique, elle permet l’assurance des personnes âgées. C’est certes un coût important, cependant c’est la condition d’existence de nos courses pour que les gens deviennent des aventuriers, il n’est pas question de les mettre en danger.
En novembre dernier, il y a eu l’annulation du HMDS en Égypte. Qu’attendez-vous de cette 38e édition du Marathon des Sables The Legendary ?
On sait qu’on doit respecter une seule règle : la sécurité. Il faut bien savoir qu’une semaine avant notre marathon en Egypte, nous en avions eu un en Jordanie. Ce dernier s’est parfaitement déroulé. Les concurrents nous font une confiance telle, qu’on a senti qu’en Égypte c’était pas du tout la même chose. Par conséquent, on a préféré annuler même si cela revenait à perdre un demi-million d’euros. C’est très désagréable. Mais on ne travaille pas sur une année, sur une édition, on travaille sur des dizaines d’années. Ainsi, la décision de l’Égypte, même si elle est difficile pour nous économiquement, elle est totalement dans la logique d’un développement.
Ensuite, ce qu’on attend de cette 38e édition, j’ai envie de vous dire, j’espère un peu de chance avec les conditions climatiques parce que c’est ce qui fait tout changer. C’est-à-dire que si on a 35°, ce n’est pas du tout la même chose que 50. En 2023 on est monté à 56°. Ca veut dire qu’on fait souffrir les concurrents. Je déteste ça parce que moi je ne suis pas là pour qu’ils souffrent, je suis là pour qu’ils aient un maximum de plaisir parce que dans l’ultra, c’est un concept qui a été développé et qui a été créé pour amener un plaisir énorme et pas juste de la souffrance du test de soi. Ce que je dis souvent aux concurrents et aux concurrentes, c’est chaque jour quand vous rentrez au bivouac, vous devez avoir eu des moments d’extase ! Vous devez avoir eu des moments de plaisir ! Alors pour la 38e, on espère le moins de tempête de sable possible, des températures logiques par rapport au désert et un réchauffement climatique pas trop violent. Et là je serai le plus heureux des hommes.
Est-ce qu’on peut compter sur vous pour participer à cette édition 2024 du Marathon des Sables The Legendary ?
J’ai fait tellement d’ultra dans ma vie que le jour où je pourrais faire un de nos marathons, l’assurance sera parfaitement huilée ! (rire) Plus sérieusement, à aucun moment je veux quelqu’un qui pourra me dire que je ne suis pas responsable et que ma participation mette en danger l’organisation. Alors, loin de moi l’idée d’être irremplaçable. J’adorerais faire la course en étant ravi que tout fonctionne, malheureusement on n’en est pas là. Mais mon associé, par exemple, a déjà couru quatre fois les Marathons des Sables Pays pour les tester de l’intérieur et je pense que ça m’arrivera bientôt. Ca fait maintenant 5 ans, que la priorité n’est pas sur mon entraînement, je cours de façon régulière mais pas du tout intensive. Mon rêve ce serait de me dire, je me prépare pour une bonne raison, celle de pouvoir le recourir de l’intérieur. Et là je dois avouer que ce serait un très grand plaisir. Mais j’estime ça ne sera pas possible avant 3 ou 4 ans donc j’ai encore un peu de temps.