Denis Masseglia : « Le sport participe à la renaissance de notre pays »

Denis Masseglia president of CNOSF during the French National Olympic Committee ceremony for wishes of New Year on January 10, 2018 in Paris, France. (Photo by Anthony Dibon/Icon Sport)

Le Comité national olympique et sportif français a développé un plan de reprise du sport en quatre phases à la suite de la crise liée au Covid-19. Inquiétudes des clubs, évolution des attentes des pratiquants, soutien de l’État… autant de thématiques abordées par Denis Masseglia, président du CNOSF.

 
Selon vous, en quoi le sport va-t-il évoluer à la suite de cette crise liée au Covid-19 ?
Il y aura un avant et un après, c’est certain. Par contre, la différence sera-t-elle aussi marquée que beaucoup l’annoncent ? Nul ne le sait. Cette phase de deux mois d’arrêt a permis de mettre en lumière le fait que l’activité physique et sportive fait partie du quotidien de beaucoup de Français. C’est un aspect très important à souligner. Cette crise et cette période de confinement ont aussi montré que l’événementiel sportif doit faire l’analyse de ce qu’il s’est passé et en tirer les leçons. Durant une longue période, le visage de nos événements, y compris les plus grands, pourrait être modifié. Ce que je souhaite par-dessus tout, c’est que cette période nous permette d’avoir un sport plus solidaire, plus ancré dans ses valeurs de base, à savoir un sport au service de la population, et notamment des jeunes. À mon sens, c’est dans cette direction que doit se diriger le sport de « l’après Covid-19 ».
 
Si une évolution est nécessaire, le modèle actuel du sport français est-il dans l’erreur ?
Je ne le pense pas, je ne pense pas que ce soit une question de modèle à revoir, mais plutôt de conception des choses concernant la place du sport dans notre société. Quel que soit le modèle, le sport doit être considéré à la juste place qui doit être la sienne pour tout ce qu’il apporte à l’équilibre sociétal.
 

« De nombreux clubs sont inquiets concernant l’avenir »

 
À vos yeux, comment le sport français doit-il rebondir après cette crise ?
Le CNOSF a mené une enquête à laquelle 22 000 clubs ont répondu en l’espace de quatre jours. Cela nous permet d’avoir une idée assez précise des attentes et des besoins. De nombreux clubs sont inquiets concernant l’avenir et leur situation financière, il va donc falloir les aider. Les clubs attendent également le déploiement d’une grande campagne de promotion lors de la rentrée afin de promouvoir tout ce que la pratique en club permet de proposer. Par les temps qui courent, la pratique en club offre d’ailleurs l’avantage du respect de la règle et donc des contraintes sanitaires. Elle donne un maximum de garanties à celles et ceux qui vont pratiquer.
Cette mise en avant des garanties qu’offre la pratique en club est nécessaire afin d’entamer la reprise à la suite de la période de confinement. La population doit prendre conscience que pratiquer en club offre une sécurité que la pratique libre ne propose pas. Il s’agit de la première phase. Le CNOSF a initié la deuxième phase de la reprise durant le mois de mai avec le lancement de la plateforme « Soutiens ton club ». Il s’agit d’une opération lancée avec tous les partenaires institutionnels du sport et qui permet de faire savoir à tous ceux qui aiment leur club qu’ils peuvent faire un don défiscalisé au club de leur choix. Une part de chaque don sera destinée à un fonds de solidarité destiné aux clubs les moins chanceux. Le CNOSF participe à ce fonds de solidarité à hauteur de 100 000 euros. J’espère, à terme, que nous aurons quelques millions d’euros à distribuer aux clubs les plus nécessiteux.
Cela va permettre de donner un bel élan avant la troisième phase de reprise. Le 29 juin, à l’occasion de l’Assemblée générale du CNOSF, nous allons lancer la plateforme « Mon club près de chez moi ». Cette dernière va permettre à tous les Français de savoir exactement quels sont les clubs autour de chez eux. Toutes les fédérations ont été incitées à lister leurs clubs sur cette plateforme. Nous invitons ensuite chaque club à remplir la fiche qui le concerne.
Dernière phase, de juillet jusqu’à octobre, nous allons mener une campagne de promotion, pour laquelle nous investissons 700 000 euros, et qui va nous permettre de faire savoir à tous les Français, ce que l’ensemble de nos clubs peut leur proposer, en particulier à destination des jeunes. Nous avons d’ailleurs développé la « Carte passerelle » pour les élèves de CM1 et CM2. De la rentrée jusqu’aux vacances de la Toussaint, ces jeunes pourront s’essayer gratuitement au sport de leur choix dans le club de leur choix. La prise en charge est faite par le CNOSF.
 

 

« Chacun s’est rendu compte de la puissance de l’outil digital »

 
Les fédérations et les clubs vont-ils forcément devoir se réinventer à l’occasion de cette reprise ?
Je pense surtout que cette reprise va avoir un effet accélérateur pour une dynamique qui avait déjà été engagée sur certains sujets, comme le sport santé. Là où les fédérations et les clubs devront évoluer, c’est plutôt dans le digital. Lors du confinement, chacun s’est rendu compte de la puissance de l’outil digital pour s’adresser aux pratiquants. En ce sens, la plateforme « Mon club près de chez moi » tombe bien. C’est par le digital que va se faire la relation de demain entre le club et ses membres.
 
L’État accompagne-t-il suffisamment le sport français dans cette phase de reprise ?
J’ai regretté que le budget accordé au sport par l’État en 2020 ne soit pas à la hauteur du rôle que l’on attend des clubs. Or, le rôle social des clubs est aujourd’hui fondamental pour notre société dans cette période post-confinement. Le sport participe à la renaissance de notre pays. J’espère sincèrement que nous aurons cette traduction de l’importance du sport à l’occasion du budget 2021. Ce budget sera discuté dès le mois de septembre prochain. Je souhaite qu’il soit à la hauteur de ce que nous avons toujours demandé, avec une hausse de 100 millions d’euros du budget de l’Agence nationale du sport. Cette somme, grâce à l’ANS, irait directement aux clubs. Mais aujourd’hui, nous n’avons aucune garantie venant de l’État.
 

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« Le sport joue un rôle sociétal essentiel »

 
Le financement du sport français est-il totalement à revoir aujourd’hui ?
Forcément, il peut toujours y avoir des améliorations. Mais je tiens à souligner l’appui des collectivités, qui sont aujourd’hui le premier financeur du sport français. Ce n’est pas une aide gratuite, c’est une aide en reconnaissance de ce que le sport peut apporter en matière de lien social, d’éducation ou de santé. Tous ceux qui sont passés par un club savent ce que celui-ci leur a apporté. Avec les collectivités, c’est donc du donnant-donnant, car le sport joue un rôle essentiel dans notre société. C’est aussi le cas du sport professionnel. Il rapporte aujourd’hui beaucoup plus à l’État que ce que celui-ci lui donne en retour. Le sport joue un rôle sociétal essentiel et draine beaucoup d’argent au niveau professionnel. Il doit donc continuer d’être soutenu et accompagné.
 
Votre mandat arrive à échéance en 2021. Estimez-vous avoir paré au mieux aux exigences du futur du sport français ?
Tout d’abord, je voudrais souligner que j’ai milité pour une limitation d’âge au CNOSF et qu’il était donc logique que je me l’applique à moi-même. Il y a beaucoup de fierté dans le fait d’avoir pu mettre en place un dispositif qui, au niveau du CNOSF, permet à la roue de tourner et peut-être d’enclencher une période un peu plus favorable au sport. Aujourd’hui, ce dont j’ai envie dans les années qui viennent, c’est que l’on se rende compte de tout ce que peut apporter le sport à notre société. Nous œuvrons pour cela au quotidien.
 

Par Olivier Navarranne
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