Des dirigeants qui ne manquent pas d’idées

Tatsuya FUKUZAWA of Paris Volley during the French Ligue A Volley ball match between Paris and Nice at Stade Charlety on March 7, 2020 in Paris, France. (Photo by Baptiste Fernandez/Icon Sport) - Tatsuya FUKUZAWA - Stade Charlety - Paris (France)

Diffusion TV mais aussi développement du digital, les dirigeants s’organisent pour trouver la meilleure formule. Focus sur ceux qui se battent au quotidien pour la reconnaissance de leur club.

 
Arnaud Gandais, directeur général du Paris Volley : « Ne pas jeter la pierre à la Ligue »
« Ce qui est prévu pour l’instant, c’est une diffusion sur LNV TV plus quelques matchs sur Sport en France. On ne peut pas dire que ça me convient, en tant que responsable d’un club comme le Paris Volley, on a envie de pouvoir accéder au plus grand nombre. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, mais il ne faut pas jeter la pierre à la Ligue. C’est un phénomène global, si les annonceurs n’ont pas envie de diffuser du volley aujourd’hui, c’est qu’il y a une raison. Il faut que les clubs, la Ligue et la Fédération s’accordent pour construire un spectacle qui donne envie d’être diffusé.
Je pense que les diffuseurs ont vu, grâce au dispositif mis en place par L’Equipe TV, qu’on pouvait jouer au volley dans des salles vides, avec une ambiance un peu absente. Le jour où on aura des salles pleines, avec une vraie ambiance sur et en dehors du terrain, une vraie émotion, et du coup une audience qui sera plus importante, on intéressera les chaînes. Il faut arrêter de dire que c’est la faute des chaînes. Elles ont leurs propres besoins, elles veulent un retour sur investissement. Les chaînes se disent que ça coûte 20 000 euros de production à chaque match, on leur demande d’en diffuser 25, ça fait 500 000 euros. Et le retour sur un investissement de cet ordre, il n’existe pas pour l’instant. C’est un sujet qui nécessite de travailler intelligemment avec les diffuseurs, en comprenant leurs attentes, et il faut entrer dans le détail pour que tout le monde soit satisfait.
Il y a un phénomène de rareté de l’offre. Si on regarde le handball, sport que je connais bien, l’an dernier tous les matchs étaient diffusés sur BeIn Sports. Ils ont fait machine arrière. Pourquoi ? Parce qu’avoir 8 matchs diffusés le mercredi et le jeudi simultanément, ça n’amène pas plus de spectateurs, au contraire, ils se répartissaient dans les différents canaux. Et surtout, ils se retrouvaient avec des matchs qui avaient peu d’intérêt, et qui donnaient une mauvaise image du handball. Parfois, c’est mieux d’avoir deux matchs télévisés par mois que d’en avoir 3 par semaine.
Je pense qu’il faudrait avoir une chaîne ouverte, gratuite, sur le volley. Ce serait la meilleure solution, en travaillant avec les annonceurs. En rassemblant 200 ou 300 000 personnes sur cette chaîne, on crée une véritable audience qui peut les intéresser. Entre avoir quelques milliers de spectateurs sur une chaîne privée et 200 000 personnes sur une chaîne gratuite, le message à tes partenaires privés n’est pas du tout le même. »
 

 
Steeve Baron, président du C’Chartres Métropole handball : « A nous de nous réinventer »
« David Tebib (président de la LNH) a bien finalisé la négociation avec BeIn, en récupérant les droits des matchs qui n’étaient pas dans la catégorie premium. Les clubs vont donc pouvoir diffuser les matchs en live, notamment sur internet, ce qui nous permettra de générer un peu d’abonnements. C’est sûr que l’on aurait préféré une retransmission à 100% des matchs, comme l’année dernière, mais on va avoir des solutions pour diffuser du handball sur nos propres médias. C’est forcément un coût supplémentaire, il faut compter environ 4000 euros pour une captation de qualité. C’est obligatoire, nous sommes en première division, j’ai besoin d’une visibilité nationale. Je ne suis pas le PSG, Nantes, Nîmes ou Toulouse, il faut que je trouve des solutions pour que mes abonnés, mes partenaires, mes fans puissent suivre les matchs du club.
On n’a pas les audiences de BeIn Sports l’année dernière, je ne sais pas si c’est 100 personnes ou 50 000. Je pense qu’il n’y avait pas des audiences de folie. Le championnat intéresse les gens quand vous jouez les quatre premiers du championnat. Le problème, pour le hand ou le basket, c’est que ça ne se vend pas. Que ce soit BeIn, RMC ou L’Equipe, si en face il n’y a pas de téléspectateurs, on n’a rien. Le foot a su capitaliser sur les joueurs, les marques, les histoires. Nous, dans le hand, à part Karabatic… On n’a pas su capitaliser sur les résultats sportifs de la France.
C’est à nous de nous réinventer. En Angleterre, il y a très peu de chaînes payantes maintenant, tout est en streaming sur des plateformes OTT. C’est un autre modèle économique. Le président de la LNH l’a dit lors de la conférence de rentrée, c’est à nous d’inventer le futur. Moi, je veux être diffusé, je veux vendre de l’abonnement pour que Chartres puisse passer sur les plateformes OTT. Je veux de la qualité, des commentateurs, de l’habillage, des ralentis. Nous sommes capables de le faire et il faut le faire ! Le spectateur a besoin de voir son équipe, les abonnés veulent voir leur équipe lors des déplacements.
Ici à Chartres, ça fait 8 ans qu’on a une chaîne numérique, Chartres.Live. Tous les matchs sont diffusés, avec 6 ou 7 caméras, en HD, avec des ralentis, de la postproduction… La ville de Chartres a énormément investi. C’est de très, très bonne qualité, et nous n’avons rien à envier à BeIn Sports. Tous les sports sont diffusés, on a l’outil, le service, nous sommes prêts à partir sur la diffusion de nos matchs. Nous pouvons même aider la LNH si elle fait appel à nous. »
 

 
Didier Nourault, président d’Orléans Loiret Basket : « La LNB a un véritable projet »
« Le club a la tête haute face à la crise. Nous restons positifs, le taux d’abonnements est plutôt positif, nous n’avons pas de mauvais signaux. Même si nous sommes comme tout le monde, nous ne savons pas exactement où l’on va. Il faudra être réactif, agile, prévoyant et prudent en fonction des informations que nous aurons.
Avant l’annonce de la diffusion sur La Chaîne l’Equipe, je n’étais pas inquiet pour les droits TV. Globalement, pour Orléans, même si c’est une somme qui n’est pas négligeable, les redistributions des droits ne sont pas énormes. C’est évidemment malheureux pour le club, mais ce n’est pas une perte de 2 ou 3 millions d’euros, ou de 20% du budget. La fin de la diffusion sur RMC Sport, c’était une perte de 120 000 euros, soit 2 ou 3% du budget. C’est dommage, mais ce n’est pas une catastrophe.
De plus, il y a un véritable projet de la Ligue et du basket français. Pour moi, c’est très important, on sait qu’il faut qu’il y ait une évolution de l’aura du basket français auprès des médias et du public. Ce sport a de réelles qualités citoyennes, de solidarité, et cela a été assez mal vendu depuis les années 2000. Je suis très optimiste pour l’avenir, avec un plan stratégique qui est en train de se mettre en place avec la LNB. La petite crise de cet été n’est pas la faute de la Ligue, mais plutôt de la crise sanitaire et de l’organisation des médias. Donc oui, la perte des droits TV était un peu embêtante, mais je sais que l’on va vers des jours meilleurs, avec une diffusion en clair.
Il faut que le basket soit partout. Il y a des choses nouvelles à faire dans la digitalisation, le streaming, l’OTT. C’est l’avenir, et il ne faut pas s’enlever des possibilités. Le basket doit se créer une reconnaissance. Beaucoup de gens suivent la NBA, peu le basket français. Il y a une place à prendre, il faut travailler et aller la chercher. Ça ne sert à rien de se lamenter sur son sort. »
 
Alain Poncet, président du Chambéry Savoie Mont Blanc Handball : « Montrer ce qu’il y a de plus beau dans notre sport »
« On peut essayer d’augmenter la visibilité du handball, mais je n’étais pas un inconditionnel de la diffusion de tous les matchs, parce que je pense que c’est bien de montrer ce qu’il y a de mieux dans le handball français. Comme dans tous les sports, il y a des bons matchs et des mauvais matchs. La diffusion doit être une vitrine. En mettant les moyens sur le premium, avec une belle communication, une belle diffusion, je pense que c’est mieux. C’est bien de montrer ce qu’il y a de plus beau dans notre sport.
Toutes les lignes du budget sont importantes. Les droits TV, ce n’est pas vital, car c’est une petite somme, ça ne met pas en jeu l’économie d’un club, mais dans une conjoncture difficile comme en ce moment avec la crise sanitaire, si vous supprimez les droits TV, ça fait du mal.
Il faut réfléchir à l’avenir. Pour l’instant la Ligue est encore liée à BeIn et ça se passe très bien. Mais il faut préparer l’avenir, en sachant que dans le monde de la télévision, ça bouge très vite, dans un sens comme dans l’autre. Mettons-nous en position d’être séduisants, augmentons nos audiences, si nous avons la possibilité d’avoir des images en clair, il faut saisir l’opportunité. Il faut y aller étape par étape.
Aujourd’hui, le digital est essentiel. Il faut réussir à faire des « stories », à raconter le handball à toute la population, aussi bien les jeunes que les plus âgés. Certains ont besoin de voir les matchs dans leur ensemble, d’autres juste les meilleurs moments. Il faut réussir à s’adapter à la population qui s’intéresse au sport de haut niveau, et au handball en particulier. Après, ça peut aussi être sur des télés locales. Il faut multiplier les canaux, car notre public est multiple. »
 

Simon Bardet
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