« El Loco », la France vous regrettera…

Lille coach Marcelo Bielsa during the Ligue 1 match between Angers SCO and Lille OSC at Stade Raymond Kopa on August 27, 2017 in Angers, . (Photo by Dave Winter/Icon Sport)

Si les paradoxes sont nombreux chez Marcelo Bielsa, il n’en demeure pas moins que cet entraîneur fascine, intrigue et déchaîne les passions. Reconnu par les plus grands comme étant le plus grand, le désormais ancien technicien du LOSC ne fait pas l’unanimité en France, loin de là. Régulièrement critiqué, parfois au-delà de l’entendement, l’Argentin paye au prix fort sa différence. Le caractère et la personnalité d’El Loco sont-ils incompatibles avec le football français ? Peut-être bien…

 
« Pour moi, c’est le meilleur coach du monde. Parce qu’il a fait progresser tous les joueurs qu’il a eus sous ses ordres. C’est quelqu’un qui m’a beaucoup aidé, qui me donne des bons conseils à chaque fois que j’ai l’occasion de lui parler. Quand on parle des entraîneurs, on se concentre souvent sur leur palmarès, alors que ce qui est important, c’est leur influence ». Ces propos, dont on devine l’admiration de son auteur pour Marcelo Bielsa, ont tout simplement été prononcés par l’immense Pep Guardiola. Comme Diego Simeone, Mauricio Pochettino ou encore Claudio Ranieri, les plus grands entraîneurs de la planète football voient en « El Loco » un esthète du ballon rond, un professeur. Là, sont toute la complexité et le paradoxe de l’ancien entraîneur de l’Olympique de Marseille. Adulé par les plus grands, mais malmené par bon nombre d’acteurs et d’observateurs. Il faut dire que Marcelo Bielsa est bel et bien un être à part, fascinant mais également très clivant.
C’est en 2014 que la France du football a appris à découvrir ce personnage et sa complexité. Souvent critiqué pour sa froideur, et même raillé à propos de sa fameuse glacière, « El Loco » n’a jamais eu droit à un traitement normal. Sur les bords de la Méditerranée, là où son aventure française a commencé, Marcelo Bielsa a rapidement subi les foudres de nombreux consultants et même de collègues de profession. Comment oublier le discours de Pascal Dupraz, accusant l’entraîneur de l’Olympique de Marseille de se « moquer du football » ? Malgré ses bons résultats et la passion qu’il est parvenu à transmettre à tout un peuple, certains pensent encore que ce qu’a fait Bielsa à l’OM est tout à fait banal, normal. Les mêmes qui ne voient le football que par le résultat, et non par l’émotion et le plaisir. Ces détracteurs se font d’ailleurs un malin plaisir de dire qu’il n’a aucun palmarès, oubliant par la même occasion ses trois titres de Champion d’Argentine, ou encore sa médaille d’or à la tête de la sélection de l’Albiceleste aux JO de 2004. Ce problème est culturel, quand d’autres nations du football accordent une grande importance aux émotions, le football français s’est construit sur la culture du résultat. Depuis qu’il est en France, « El Loco » n’a cessé de déranger. Sa différence est trop importante pour qu’il ne soit accepté. Il n’y a qu’à voir les premiers commentaires lors de son arrivée à Lille pour se rendre compte de la défiance, et parfois de la haine que certains lui portent.
Ces quelques lignes n’ont pas pour ambition de dire que Marcelo Bielsa est parfait, il a même énormément de défauts. Ses principes, sa personnalité ou encore son incapacité à évoluer sont clairement des freins à sa réussite en tant qu’entraîneur. Mais il le sait, il en est conscient et prend toujours la responsabilité des défaites. Son humilité est un exemple, son amour profond du football est un modèle. La critique est toujours constructive, à condition qu’elle soit respectueuse et dictée par de vrais principes, et non par une haine irréversible d’un caractère et d’un personnage. Avec la décision du LOSC de se séparer de son entraîneur, le football français va perdre un professeur de football, une icône pour toute une génération d’entraîneurs. Aimer Marcelo Bielsa, c’est d’abord le comprendre et respecter ce qu’il est. En France, certains ont voulu le tromper et doivent se délecter de la situation actuelle. Son échec est leur réussite, celle de tous ceux qui n’ont jamais accepté ce personnage clivant et différent, bien loin du conformisme qu’ils aimeraient voir sur les bancs de Ligue 1. Mais qu’importe, en seulement une saison et trois mois, « El Loco » a apporté ses principes, son amour du football, sa vision du jeu. Depuis 2014, la Ligue 1 a progressé, elle a retrouvé de l’allant. Si les adeptes du corporatisme vont attribuer cette évolution à d’autres facteurs, nombreux sont ceux qui sont persuadés que Marcelo Bielsa a joué un rôle pour faire changer les mentalités, la manière même de voir et d’appréhender le football. Cet immense entraîneur n’est pas fait pour le football français, il ne sera jamais accepté. Mais l’essentiel est ailleurs, ce qui compte, c’est l’héritage qu’il aura laissé et toutes les émotions qu’il aura procurées. Le football, ce n’est que du partage, des rires, des larmes, des victoires et parfois des défaites. Au fond, le football, ce n’est qu’un reflet de la vie. Et ça, Bielsa l’a parfaitement compris. « El Loco », au revoir, et merci…

Bérenger Tournier

 

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