Eloi Relange : « Je voulais que les enfants jouent aux échecs »

ELoi Relange. © FFE

Le président de la Fédération Française des Echecs (FFE) se réjouit du succès rencontré par le programme Class’échecs, qui va permettre à des jeunes de s’initier à cette discipline dès la rentrée scolaire.

En partenariat avec le ministère de l’Education nationale, la Fédération Française des Echecs lance à la rentrée le programme Class’échecs, destiné à démocratiser la pratique de la discipline à l’école. Plus de 3500 professeurs se sont manifestés pour enseigner les échecs dans leur école primaire, avec un thème pour cette première année : « Echecs et maths ».

Pouvez-vous me présenter le programme Class’échecs, qui arrive dans les écoles à la rentrée ?

Avec Class’échecs, l’idée, c’est de faire de l’initiation aux échecs en temps scolaire, par les professeurs des écoles. Pour cette première année, cela sera orienté sur les mathématiques, « échecs et mathématiques ». Nous fournissons aux professeurs des fiches de conduite de séances – il y a 20 séances en tout – mais aussi dix échiquiers et un échiquier mural. Nous enlevons toutes les barrières pour que les professeurs puissent s’emparer du sujet. Les échecs sont très présents, en particulier en primaire, depuis 2007, année où nous avions signé une convention avec l’Education nationale. Les professeurs voient, avec les échecs, des bénéfices pour les jeunes. Cela permet aux enfants en difficulté de reprendre confiance, il y a plus de dialogue entre les élèves de la classe, et jouer est apaisant, c’est calme, et c’est très bien pour les petits.

Nous sommes élus depuis 18 mois, mais l’idée des échecs à l’école est engagée depuis très longtemps. Ce qu’on a fait, c’est qu’on a décidé d’offrir ces kits, de faire un grand appel à candidature pour avoir une cartographie complète, un état des lieux, des échecs à l’école. On s’attendait à avoir quelques centaines d’écoles qui répondent, et on a eu 3500 professeurs qui se sont manifestés. 7 % des écoles ont répondu, ce qui confirme de façon chiffrée que les échecs sont bien implantés. Le programme va commencer à la rentrée, avec les séances de préparation en visio pour les professeurs qui le souhaitent, en sachant qu’ils ont déjà tout le matériel. Ils ont une fiche pédagogique, les vidéos de présentation de séances, et ils ont même des vidéos avec une classe pilote. Une professeure qui ne connaissait pas les règles a testé dans une classe. Le matériel a été approuvé, testé, et réalisé par un formateur.

« En primaire, il reste encore de l’espace pour le jeu »

Quels bienfaits les échecs peuvent-ils apporter à l’enfant ?

Il y a les valeurs du sport, comme la performance. L’envie de gagner constitue un premier moteur. Ensuite, pour gagner, il va falloir se concentrer, il va falloir mémoriser, faire des plans pour progresser. Essayer de retenir ses erreurs pour ne plus les faire. Ce sont toutes les vertus de la performance sportive. Et cela se fait bien en classe. C’est posé, cela se fait sans écran, et c’est tout à fait sain pour les enfants.

Ça aide aussi pour les mathématiques, car aux échecs, il y a les coordonnées avec un échiquier de 8 par 8, avec des chiffres et des lettres pour identifier les cases. Il y a également le comptage. Un exercice va être « le fou doit manger les trois pions, combien de coups il va mettre ? ».  On cherche le trajet du fou, cela va permettre de compter.

Pourquoi avoir visé les écoles primaires plutôt que les collèges par exemple ? On peut commencer à jouer très tôt aux échecs ?

Mes enfants, moi aussi, et plein d’enfants commencent vers trois, quatre ans. Nous sommes une fédération sportive très liée à l’éducation nationale. Les fédérations sportives sont un peu une extension de l’éducation à l’école, pour former les citoyens de demain. Et, de mon point de vue, on rattrape beaucoup facilement les élèves en primaire. C’est plus difficile au collège.  Comme les échecs s’y prêtent bien, qu’ils s’apprennent facilement dès le plus jeune âge, il n’y a aucune raison d’attendre le collège ou le lycée, où l’on va être sur des disciplines plus traditionnelles.

En primaire, il reste encore de l’espace pour le jeu. C’est une recommandation du rapport Villani-Torossian, qui dit que pour l’enseignement des mathématiques en primaire, le jeu est extrêmement important, notamment les échecs. C’est une conviction personnelle, je pense que c’est en primaire qu’on a le plus de bénéfices pour les jeunes. Il n’y a pas de barrières, les enfants adorent, le jeu est beau, et c’est valorisant aussi pour les parents, qui voient leurs enfants jouer aux échecs.

« 5 millions de Français jouent au moins une partie par an »

Comment expliquez-vous le succès et la médiatisation grandissants des échecs ces dernières années ?

Pour la médiatisation, on peut compter sur le haut niveau, avec deux champions qui sont extrêmement forts : Alireza Firouzja et Maxime Vachier-Lagrave. Maxime est champion du monde de blitz, l’équipe de France a été vice-championne d’Europe. La France est la cinquième nation mondiale, on est dans la performance sportive. Cela intéresse les médias et offre aussi des modèles pour les jeunes.

Quand j’ai été élu à la Fédération, je voulais que les enfants jouent aux échecs parce que c’est bien pour eux. Je le fais avec mes enfants. Je viens de là, je sais tout ce que ça m’a apporté. Et je vois les enfants un peu turbulents, qui vont aller se poser quand la partie commence aux championnats de France, le silence qu’il y a dans la salle, la concentration déployée et les ressources qu’ils vont trouver à ce moment précis, je trouve ça extraordinaire. Avoir un tel succès avec le projet Class’échecs, ce n’est que du bonheur.

Maxime Vachier-Lagrave. (Icon Sport)

 

Est-ce qu’une série comme « Le jeu de la dame » (Netflix) a également pu contribuer au développement de la pratique des échecs ?

Oui. Les échecs sont extrêmement populaires. Il y a 25 millions de Français qui savent jouer et qui connaissent les règles, et 5 millions qui jouent au moins une partie par an. Quand il y a une série comme « Le jeu de dame », ça fait revenir aux échecs tous ceux qui avaient ça dans un coin de leur tête. Ils se disent : « Et si je m’y remettais ? » ou « Et si j’y mettais les enfants ? » Et ils trouvent maintenant ce qu’on n’avait pas fait il y a 10, 15 ans : des streams avec des cours pour les petits ou pour les grands, des shows incroyables avec des champions du monde qui jouent des parties rapides… Vraiment des streams de très grande qualité. Ils trouvent aussi les plateformes de jeu en ligne, et peuvent ainsi directement passer de l’un à l’autre. L’accès à la connaissance, aux échecs, est devenu facile. L’accès au jeu est devenu facile. Ensuite, ils peuvent éventuellement passer en club. Il y a 1000 clubs, et ils peuvent faire cette extension sociale qui, finalement, est l’objectif. Le but n’est pas d’avoir des gens qui jouent chez eux devant l’ordinateur, mais des gens qui font des rencontres, qui vont partager, échanger, faire des petites compétitions de temps en temps, ou qui vont se retrouver au club pour des soirées blitz et pizzas !

Propos recueillis par Simon Bardet

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