Champion de France et d’Europe à plusieurs reprises, champion olympique et du monde, Enzo Lefort est aussi un homme touche-à-tout en dehors de l’escrime. Il a lancé son podcast Le Rebond, avec comme premier invité Ladji Doucouré. Il se confie sur son format audio, sa façon d’aborder l’échec et comment mieux en parler.
Quelle est votre définition du Rebond ?
Pour moi, le rebond, c’est la réaction inverse à la descente. C’est la remontée. Une fois que t’as touché le fond, tu rassembles tes forces pour remonter à la surface.
Comment est venue l’idée de créer ce podcast ?
Cette idée m’est venue en pensant à la carrière du sportif de haut-niveau dans le sens où tout le monde nous porte aux nues et nous entend quand tout va bien. A l’inverse, quand on se retrouve seul face à nos échecs, on doit trouver des façons de vivre avec. Il y a aussi ce côté tabou de l’échec où l’on n’aime pas trop en parler alors que cela fait partie du processus de progression. Sans échec, on ne connaîtrait pas nos aspects de progression.
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« On a besoin de l’échec pour progresser »
Où en est-on dans la perception de l’échec en France selon vous ?
Je trouve que c’est encore un peu trop tabou, un peu trop diabolisé. L’échec n’est pas une fin en soi, absolument pas. Cela peut sonner comme le début d’un renouveau. Pour moi, il n’y a pas de réussite en échec parce que on a besoin de l’échec pour progresser, comme tout le monde.
Quelle était votre réaction plus jeune après une défaite ?
Je ne me suis jamais considéré comme mauvais perdant. Au début, c’est dur, mais pour être honnête, je n’ai jamais été déçu plus de dix minutes parce que je transformais très vite l’échec en motivation et cela me procurait encore plus de motivation, pour retourner à l’entraînement et faire en sorte de ne plus ressentir le problème.
Vous réagissez de la même manière aujourd’hui ?
Totalement. Cela diffère en fonction des échéances. Par exemple, un échec aux Jeux olympiques est plus dur à vivre qu’une déception sur une compétition nationale. Un revers par équipes est aussi plus difficile à avaler en fonction des manifestations.
« Les invités sont choisis parce qu’ils arrivent à évoquer l’échec de façon naturelle et spontanée »
Comment, de votre côté, êtes-vous parvenu à vous relever de ces échecs ?
Je me motive en me réfugiant dans le travail pour ressentir plus de sensations. Je relativise beaucoup. Il n’y a pas que ça dans la vie. Cela ne reste que du « sport ».
Dans l’épisode avec Ladji Doucouré, vous dites avoir fait appel à une préparatrice mentale pour la première fois en 2019, 9 ans après votre entrée à l’INSEP. Pourquoi avoir décidé de consulter ?
C’est une démarche qui venait de mon entraîneur à l’INSEP, Emeric Clos. C’était la première fois que l’on me proposait de faire appel à une préparatrice mentale. Cela tombait à pic parce que je venais de finir mes études, j’avais plus de temps. J’ai consulté cette préparatrice mentale dans le but de mettre toutes les chances de mon côté. Bien que je n’en ressentais pas le besoin, je me suis dit « Pourquoi ne pas tenter ? ».
Sollicitez-vous encore cette préparatrice mentale ?
Oui, je la vois environ deux à trois fois par an. La façon dont je travaille avec elle est très ponctuelle puisque cela ressemble à un échange sur mon état d’esprit. Elle me prodigue quelques petites techniques pour m’ancrer dans le moment présent. Généralement, je n’effectue que des exercices de respiration avec cette personne, ce qui n’est pas un travail très long.
Ladji Doucouré et Mathias Dandois sont les premiers invités du Rebond. Comment avez-vous sélectionné les athlètes ?
J’ai choisi des invités que je connais personnellement et des invités qui, à travers leurs parcours, sont inspirants et arrivent bien à évoquer l’échec, ils arrivent à transmettre leurs idées de façon assez naturelle et spontanée.
« Essayer de dédramatiser l’échec à travers Le Rebond »
Ce podcast est-il une sorte de thérapie pour mieux appréhender l’échec ?
Ce n’est pas comme ça que je le vois, mais en tout cas, si ça peut être d’une utilité pour les sportifs français afin d’essayer de dédramatiser l’échec, alors tant mieux.
Vous avez la particularité d’être touche-à-tout entre la photographie, un manga à votre effigie jusqu’aux JOP de Paris 2024 et maintenant le podcast. D’où vous vient cet aspect ?
J’ai toujours été très curieux de nature et à ma petite échelle, j’essaie d’amener des choses différentes au monde du sport. Je trouve cela toujours intéressant de le faire par le biais de différents médias. Il y a la photo, le manga et maintenant le podcast. Ça m’aide à avoir un équilibre de vie et relativiser quand ça ne va pas parce que pas la vie de sportif est faite de hauts et de bas.
Y aura-t-il une deuxième saison du Rebond ?
A priori, oui. C’est quelque chose que je vois sur le long terme. Je partirai sur une deuxième saison du Rebond.