Équitation – Anne de Sainte-Marie : « Il est nécessaire d’avoir un nouveau souffle »

À 37 ans seulement, Anne de Sainte-Marie est candidate à la présidence de la Fédération Française d’Équitation. Face à Serge Lecomte, candidat à sa propre succession et dont le 4e mandat se termine, la jeune femme entend porter un projet novateur et ambitieux.

 
Qu’est-ce qui vous a poussé à présenter votre candidature à la présidence de la fédération ?
Je suis née dans l’élevage de chevaux, j’ai ma filière dans le sang. Au-delà d’être un sport, l’équitation porte une économie et énormément de métiers différents. C’est un rapport au monde, et des savoir-faire qu’on ne trouve que là. J’ai vu l’évolution de la filière équestre et de la fédération, qui a perdu sa vocation d’intérêt général,. Depuis dix ans, il y a une faiblesse dans la structuration de la fédération. Les dirigeants que je rencontre, depuis un an, partout en France, le disent aussi. J’ai donc considéré qu’il était nécessaire d’avoir « un nouveau souffle », titre que j’ai donné à mon programme.
 
Justement, quels sont les axes forts de votre programme ?
Premièrement, la gouvernance. Il y a un vrai sujet autour de la transparence, de l’éthique et de la démocratie au sein de notre fédération. Nous avons aujourd’hui une fédération déconnectée, hors-sol et très centralisée. Je fais donc des propositions en ce sens.
Ensuite, faire du cheval un soutien de l’économie française, le remettre dans l’espace public, avec une image rénovée. Expliquer aux français qu’il est un support moral magnifique. Je pense notamment au fait que l’équitation doit prendre une dimension sociale et peut servir pour lutter contre la dépression, les burn-out ou l’exclusion.
Enfin, la lutte contre violences sexuelles. C’est un enjeu majeur de notre sport, puisque nous plus d’un licencié sur deux est mineur, et 80% de nos pratiquants sont des femmes. Aujourd’hui l’équitation est l’un des trois sports les plus signalés auprès de la cellule de lutte contre les violences sexuelles mise en place par le Ministère des Sports, avec le judo et le patinage. C’est un fait que nous devons affronter, comme fédération et dirigeants responsables. Il s’agit avant tout d’une question d’engagement mais aussi de pérennité de notre filière : si les parents ont peur d’inscrire leurs enfants à l’équitation, notre déclin continuera.
 
Se présenter face au président sortant, est-ce un combat difficile à mener ?
Très difficile à mener, c’est certain. Notamment parce que le désintérêt des dirigeants de structures est fort. La dernière élection fédérale s’est achevée avec 75% d’abstention. Mon premier combat n’est donc pas l’actuel président, mais d’expliquer et faire prendre conscience aux électeurs qu’ils ont le pouvoir de changer leur fédération pour qu’elle puisse mieux les accompagner. Pour cela, nous avons une équipe très solide, un projet cohérent et nous sommes partis très tôt, un an et demi avant l’élection. Ce sont des éléments qui vont nous permettre de retourner les choses.
 

 
Quelle a été votre priorité dès l’entame de la campagne ?
Ma grande priorité a été d’aller sur le terrain, de faire mon tour de France. J’ai tenu 110 réunions sur l’ensemble du territoire. Lors de ces réunions, j’ai avant tout écouté, pour construire un programme qui réponde aux attentes, aux difficultés et aux espoirs des dirigeants. Grâce à ces échanges, nous avons progressivement élargi l’équipe et le collectif qui porte ma candidature. Aller au contact du terrain a donc permis de lancer une dynamique. Aujourd’hui, nous avons un projet coconstruit avec le terrain et une équipe qui représente toute la France et toutes les sensibilités et disciplines de l’équitation.
 
La crise du Covid est-elle un élément majeur de la campagne ? Comment relancer l’équitation suite à cette crise ?
Il est évident que la crise a d’abord frappé de plein fouet les acteurs du monde de l’équitation, puis la campagne. Je pense que c’est une crise qui est porteuse d’opportunités pour des activités en extérieur et de pleine nature comme l’équitation. Au mois de septembre dernier, nous avons d’ailleurs pu voir que l’équitation avait effectué une excellente rentrée, du fait de cet effet rebond post-confinement. Mais nous savons aussi que plus d’un primo-licencié sur eux ne renouvelle pas sa licence. Il faut donc travailler. De mon côté, je propose un plan de relance Cheval intégré au plan de relance du pays, avec un appel aux pouvoirs publics et aux collectivités pour mettre en place un plan d’investissement sur les structures et les bâtiments de nos centres équestres. Cela doit permettre de répondre à l’augmentation de la demande, tout en intégrant deux enjeux majeurs : le bien-être animal et la question environnementale.
 

 
L’équitation a-t-elle un fort potentiel de licenciés, la fédération est-elle capable d’aller chercher de nouveaux publics ?
Il y a un potentiel énorme. Une vieille étude relatait qu’un Français sur trois rêve de cheval (rires). Plus sérieusement, l’IFCE (Institut français du cheval et de l’équitation) évalue à deux millions le nombre de pratiquants, occasionnels ou réguliers, en France. Aujourd’hui, la fédération possède 600 000 licenciés. Le potentiel est donc énorme chez les cavaliers non licenciés et aussi de futurs pratiquants qui seront séduits par de nouveaux produits. Le cheval, ce n’est pas simplement monter sur le dos d’un cheval, ce sont aussi tout un tas de nouvelles pratiques : à pied, en attelage, en liberté ou juste apprendre à connaître l’animal
 
L’équitation sera au rendez-vous de Paris 2024. Si vous êtes élue, quelle sera votre ambition en vue de cette échéance ?
Je fais de Paris 2024 une priorité sportive avec un objectif précis de médailles à obtenir : quatre médailles dans les quatre disciplines olympiques et paralympiques. C’est un enjeu fort afin de structurer les équipes de France, y compris pour ce qui suivra le rendez-vous de Paris 2024. Le visage que montrera l’équitation française chez elle créera ou non des vocations. Il y a des enjeux de féminisation de l’encadrement technique, de préparation de l’héritage sur les organisateurs et les officiels de compétition. C’est une échéance qui doit permettre à notre sport de rayonner.
 
Ces dernières semaines, les élections au sein des fédérations sportives ont laissé place à beaucoup de renouvellement. Est-ce un élément qui vous donne un peu plus confiance en votre candidature ?
En effet, il y avait un vrai besoin de renouvellement. J’ai rencontré et eu le soutien de plusieurs de ces nouveaux présidents, je pense à Stéphane Nomis (FFJudo), Gilles Erb (FFTT), Isabelle JHouin ( FF Hockey sur gazon) et Yohan Plénel (FFBad). Je suis très sensible à ce que l’équitation prenne enfin sa place au sein de ce mouvement sportif en pleine évolution. J’ai la chance d’avoir des échanges avec tous ces nouveaux présidents, ce souffle de renouvellement est très appréciable. On sent bien que le sport français est à une période charnière.

Propos recueillis par Olivier Navarranne
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