Florian Grill : « Le rugby vit une crise sans précédent »

Tête de liste du collectif « Ovale Ensemble » en vue des élections à la présidence de la Fédération Française de Rugby, Florian Grill parcourt la France à la rencontre des clubs. L’occasion pour le président de la Ligue régionale Île-de-France d’analyser ce qui ne fonctionne pas dans le rugby français et de multiplier les propositions.

 
Quel est l’objectif du collectif « Ovale Ensemble » ?
Notre objectif principal est de vouloir redonner à la Fédération Française de Rugby une base solide. Bernard Laporte s’intéresse surtout à la taille de la tête, de notre côté nous pensons à la taille du corps. Sans corps solide pour soutenir la tête, ça ne peut pas fonctionner. Depuis l’élection de Bernard Laporte, la FFR a perdu 45 000 licenciés, un chiffre colossal. Notre priorité est donc de relancer le nombre de licenciés. Pour cela, nous défendons trois axes majeurs. Le premier : communiquer pour rassurer les parents concernant la sécurité dans le rugby. Nous avons de nouvelles règles concernant le jeu dans les écoles de rugby, mais personne ne le sait. Il n’y a aucune communication là-dessus, ce qui est évidemment très dommageable. Deuxième axe, nous nous devons de mieux former nos éducateurs. Aujourd’hui, 70% de nos éducateurs sont en situation d’entraîner, mais ne disposent pas de diplômes fédéraux. Enfin, troisième axe, nous devons recréer des liens avec le système éducatif, notamment en multipliant par dix le budget consacré au scolaire. La FFR s’est complètement coupée de ce monde-là, or le rugby a un vrai rôle sociétal à jouer auprès des jeunes. Mais avec 0,5% du budget de la fédération consacré à cette thématique, il n’est pas possible de faire grand-chose.
 
Vous multipliez les débats avec les clubs. Qu’est-ce qui ressort de ces débats ?
Depuis plusieurs mois, nous allons en effet à la rencontre des clubs, cela représente 200 jours de campagne. C’est un véritable audit des clubs et de la situation du rugby français. Ce qui revient le plus dans les échanges, c’est la baisse du nombre de licenciés. C’est ce qui, aujourd’hui, inquiète le plus nos clubs. L’absurdité administrative des grandes ligues est également au cœur des échanges. Avec ces ligues plus étendues que certains pays, nous perdons de la proximité et du lien entre les élus et les clubs. La question du bénévolat demeure également importante. Ces dernières années, la FFR a fait exploser la masse salariale, ne faisant plus confiance aux bénévoles. Je pense qu’il faut trouver le bon équilibre entre salariés et bénévoles.
 
Comment le rugby peut-il séduire à nouveau ?
Il y a tout un travail à faire sur la fidélisation. Le projet de jeu est évidemment un aspect fondamental de cette fidélisation, nous devons promouvoir un rugby de mouvement. C’est comme cela que nous pourrons fidéliser les gamins dans les écoles de rugby, avec un projet de jeu intéressant et une meilleure formation des entraîneurs. Le rugby, ce n’est pas que le haut niveau. Sport santé, rugby adapté, etc… il y a énormément de belles histoires à raconter dans notre sport. La politique menée par Bernard Laporte ne prend en compte que le haut niveau et le business qui tourne autour. Il est urgent de redonner son âme au rugby et de redonner du sens à ce qu’on fait.
 

 
Le développement du rugby à 7, axé sur le jeu, est-il la clé ?
Le rugby à 7 est en effet un enjeu fort. Or, la culture du 7 est aujourd’hui inexistante dans la majorité des clubs. Je pense que cette discipline donne une autre image du rugby, une image positive et axée sur le jeu. Le rugby à 5 est également une piste très intéressante. Ce type de pratique est idéal pour le milieu scolaire, il est attractif tant pour les élèves que pour les professeurs. Je pense qu’aujourd’hui, le 5 et 7 sont de véritables moyens de développer le rugby et donc la pratique dans les clubs et en milieu scolaire.
 
Autre enjeu majeur, la féminisation. Le rugby féminin de haut niveau doit-il tendre vers la professionnalisation ?
À mes yeux, il est important de conserver le double projet et de ne pas tout miser sur un rugby féminin professionnel à 100%. Certaines joueuses y seraient favorables, mais je pense que beaucoup souhaitent conserver un parcours axé sur le double projet, à savoir la pratique sportive et la poursuite des études. Le rugby féminin est de plus en plus attractif et médiatisé, donc nous tendons forcément vers cette professionnalisation. Mais il est important de ne pas se précipiter pour ne pas faire n’importe quoi.
 
 

 
Aujourd’hui, les relations entre la FFR et la LNR sont tendues. Si vous êtes élu, quel sens entendez-vous donner à cette relation ?
Je participe aux différents comités directeurs de la fédération, je peux donc vous confirmer que les relations sont plus que tendues et que les tensions sont immenses entre la FFR et la LNR. C’est dramatique pour le rugby. Ces deux entités sont les moteurs du rugby français. À mon sens, il est nécessaire que ces deux moteurs soient couplés afin de fonctionner au mieux. Il est capital de rétablir la confiance entre les différents acteurs.
 
Êtes-vous inquiet que le rugby français passe à côté du Mondial 2023 en France, formidable opportunité pour le développement de la discipline ?
Je ne suis pas inquiet dans le sens où France 2023 et la FFR sont deux entités distinctes. France 2023 fonctionne bien, c’est plutôt la fédération qui dysfonctionne. Je ne suis donc pas inquiet, mais oui, il est nécessaire que la FFR travaille dès aujourd’hui afin de renforcer la base. C’est un rendez-vous majeur pour lequel nous avons besoin de travailler sur une base solide.
 
Quel est le calendrier du collectif « Ovale Ensemble » en vue des élections ?
Nous avons créé un projet puis débuté 200 jours de campagne à la rencontre des clubs depuis mi-septembre. Cela nous permet de tester nos idées lors des débats. Nous finaliserons ensuite notre programme durant l’été, avant de le présenter officiellement en septembre, avant les élections qui auront lieu début octobre.
 

Olivier Navarranne
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