Floriane André, la digne héritière

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A 22 ans, la gardienne des Neptunes de Nantes, au profil atypique, incarne l’avenir à un poste marqué par une concurrence redoutable. Ses premiers pas assurés à l’Euro de novembre dernier ont décuplé son envie de s’installer en équipe de France et de participer aux Jeux olympiques 2024.

Elle n’était pas préparée, mais elle était prête. Prête à rendre service. A freiner la Roumanie. Prête à soutenir. Réconforter. Apaiser. Apprendre. A l’origine, Floriane André, l’espiègle de Nantes, devait accompagner les Bleues à l’Euro avec le statut d’aspirante, tapie dans l’ombre des taulières Cléopâtre Darleux et Laura Glauser. Laura Glauser s’est bloquée le dos. La situation s’est débloquée.

Floriane André n’a que 22 ans, mais cet Euro de novembre dernier l’a mûrie, sans doute même transformée. « Personne ne m’imaginait dans ce rôle-là, concède-t-elle, pas même moi. Ce que j’ai vécu là-bas est assez inexplicable en termes d’émotions, de sensations ressenties. Mais c’est surtout un formidable repère quand au chemin qu’il me reste à parcourir. »

Elle n’a que 22 ans, mais une sagesse désarmante et un discernement assez bluffant. « Je voulais savoir où j’en étais, dévoile-t-elle, et j’ai été servie. Le niveau est très relevé, l’intensité n’a rien à voir avec ce que je connaissais. J’ai beaucoup à apprendre, énormément d’étapes à franchir avant de prétendre à un rôle plus exposé. Et c’est sans doute ce qui est le plus stimulant. »

« J’ai manqué de présence dans mes buts »

Elle aurait aimé retrouver les copines à Strasbourg puis Montbéliard en ce début de mois de mars. Olivier Krumbholz l’a boudée. Il a préféré s’appuyer sur Laura Glauser et relancer Camille Depuiset, observatrice lors de ce fameux Euro. La troisième gardienne est une novice de 27 ans, Hatadou Sako, franco-sénégalaise au sommet de ses habiletés avec Metz. « Je me doutais que je ne figurerais pasdans cette liste, sourit-elle. J’ai traversé le mois de janvier sans réaliser la moindre performance, j’ai manqué de présence dans mes buts, et je comprends et respecte totalement ce choix. »

Elle aurait pu s’affaisser, se perdre un peu. Parfois, et ça l’a souvent freinée, elle a eu du mal à gérer ce genre de contrariétés. Plus aujourd’hui. « Parce que j’aime bien avoir le contrôle de tout ce que je fais, justifie-t-elle, et lorsque quelque chose ne tourne pas comme je l’ai imaginé, j’ai un peu de mal à reprendre le dessus. Mais j’ai fait des efforts et tiré de bons bénéfices des échanges que j’ai pu avoir avec le préparateur mental de Nantes ou celui de l’équipe de France. » Si elle ne joue pas contre la Suède, c’est parce qu’Olivier Krumbholz aime manier la concurrence, mais d’abord parce qu’il attend plus de la gamine de Saint-Chamond qui a eu un peu de mal à se relancer après son aventure exaltante. C’est d’ailleurs tout le paradoxe aujourd’hui. Le staff des Bleus a aimé son attitude et son investissement en Macédoine, la manière dont elle a compensé son manque d’expérience pour
être quand même utile et efficace. Moins ses performances depuis…

« Je me suis essoufflée, mon corps avait besoin de digérer »

« J’ai eu un coup de mou après les vacances de Noël, se défend-elle, sans trop savoir me l’expliquer d’ailleurs. Je me suis essoufflée, mon corps avait besoin de digérer. Je recommence à trouver mes repères, mais je dois faire plus, physiquement notamment. C’est mon axe de progression principal. Je dois être plus rapide sur mes parades, mes appuis, la dissociation bas et haut du corps, la coordination. Je dois aussi plus créer. Jouer. Perturber la tireuse. Je suis encore un peu trop scolaire. »

Mais elle apprend vite, comprend vite et sait retenir les leçons. Elle a, surtout, un vrai tempérament de gardienne, une ambition et un très fort caractère. D’une parade, une inspiration, elle est capable d’électriser une situation dans les buts avec sa belle envergure et un instinct naturel. Elle est faite pour ce monde, même si elle le découvre à peine. « Cet Euro a été un apport de connaissances hallucinant, dit-elle, je dois en profiter pour continuer de grandir. Jouer avec et face aux meilleures joueuses du monde est l’opportunité d’emmagasiner de l’expérience, d’apprendre plus vite. Une compétition, c’est comme quatre mois de vie dans le club. »

Le club avec lequel elle va maintenant devoir prospérer. Contrairement aux autres prétendantes, elle ne dispute pas la Ligue des Champions mais l’European League, un tournoi de moindre envergure, et les occasions de se confronter sont bien plus rares. « Bien sûr que c’est important d’évoluer au plus haut niveau possible, indique-t-elle, et j’espère que l’on aura bientôt l’occasion de disputer la Ligue des Champions avec Nantes. Mais évoluer au plus haut niveau nécessite aussi de respecter les étapes. »

« C’est sain et vivifiant d’avoir cette concurrence »

Ces étapes sur la route du rêve suprême. Floriane André n’a jamais caché son envie de disputer les Jeux Olympiques en 2024. Quand bien même la concurrence est rude. Quand bien même le profil des autres candidates est aguichant. Cléopâtre Darleux aura 35 ans, Laura Glauser 31. Elles seront dans la fleur de l’âge au poste. Elles côtoient chaque semaine les sommets quand Hatadou Sako et Camille Depuiset forment à Metz une paire complice et compétitive. « Elles ont été très bonnes pendant tout le mois de janvier, admet la Nantaise. Mais c’est sain et vivifiant d’avoir cette concurrence. Et puis, avec ce que j’ai vécu à l’Euro, j’ai encore plus envie de me fixer cet objectif de participer aux Jeux Olympiques. Ils vont arriver très vite, les occasions de s’afficher ne seront pas très nombreuses, mais j’espère vraiment avoir ma chance. »

Si elle est plus jeune, moins expérimentée, si elle n’a pas la chance de fréquenter assidument l’élite, Floriane
André a d’autres atouts, et une marge de progression qu’elle n’a de cesse de grignoter. Elle est par exemple la plus grande (1,85 m) du lot, et si cette taille n’est pas toujours facile à assumer au quotidien, elle est un vrai avantage dans les six mètres carrés de son espace privé. Malgré cette taille, elle est capable d’aller très vite au sol, un privilège lui aussi bien utile.

Personne, en vérité, ne sait si elle figurera dans la délégation qui s’envolera pour Lille un matin de juillet 2024. Mais personne n’ignore sa témérité, ni sa passion immense. Ni son orgueil. Elle a goûté au dessert avant même les amuse-bouches et le fumet comme la sensation lui ont plu. A elle, alors, de démontrer qu’elle a toute sa place
parmi ces convives triées sur le volet.

Par Philippe Pailhories

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