En remportant une septième Ligue des champions de football avec l’Olympique Lyonnais, Wendie Renard entre encore un peu plus dans l’histoire de son sport. Rencontre avec cette championne qui ne compte pas arrêter sa moisson de titres.
Comment vous remettez-vous de votre lésion musculaire à l’ischio-jambier qui vous a privée du rassemblement avec l’équipe de France le mois dernier ?
Je vais bien. Le protocole de reprise suit son court. Je me repose et je suis tranquillement les séances prescrites par le médecin pour revenir le plus vite possible sur les terrains.
Un mois plus tard, que retenez-vous du septième titre de l’Olympique Lyonnais en Ligue des champions (3-1 contre le VFL Wolfsburg en finale) ?
C’est une année particulière avec tout ce qu’on vient de vivre avec cette pandémie de Covid-19. Nous avons eu l’opportunité de finir cette campagne de la Ligue des champions 2019-2020 et nous sommes allées chercher le titre toutes ensemble. Ce n’était pas évident car toutes les équipes étaient sur un pied d’égalité avec l’arrêt des championnats. L’expérience a joué un peu.
Avez-vous été perturbées par ce nouveau format de Final 8 à Bilbao et à Saint-Sébastien, en Espagne ?
Comme pour les hommes, il fallait trouver une solution pour aller jusqu’au bout de la compétition. Ce format était nouveau pour tout le monde. Pendant dix jours, nous avons joué des matchs avec une haute intensité. On savait qu’on n’avait pas le droit à l’erreur, car après une défaite on rentrait directement à la maison. Dans ces conditions, c’était important de mettre à nouveau la main sur ce trophée ensemble.
L’OL féminin est devenu la deuxième équipe de football à obtenir cinq victoires de rang en Ligue des champions. Avez-vous conscience d’avoir réalisé un exploit ?
L’histoire continue et elle est belle. Jamais une équipe de football n’avait remporté cinq Ligues des champions d’affilée, sauf le Real Madrid, chez les hommes, il y a très longtemps. Maintenant, on va essayer de battre ce record. On sait que ça va être compliqué car nous sommes l’équipe à battre, mais nous gardons l’objectif de dominer la Ligue des champions et on veut s’en donner les moyens.
Après 7 titres en Ligue des champions et 14 en Division 1 féminine, comment trouver la motivation pour gagner encore ?
C’est la soif de victoires, de titres. L’OL a remporté une septième Ligue des champions, mais c’est déjà du passé pour moi. Nous sommes entrées dans la saison 2020-2021 et je n’ai encore rien gagné. Les compteurs sont remis à zéro. Toutes les joueuses veulent encore élever leur niveau à l’entraînement pour atteindre la réussite, avoir une meilleure pointe de vitesse, améliorer leur jump. Chaque saison, c’est la même chose et à chaque titre c’est un très grand bonheur et la même fierté de l’avoir accompli ensemble.
« Quand on est l’équipe de France, on se doit d’être à la hauteur »
L’Équipe de France ne participera pas aux Jeux Olympiques à la fin de la saison. Quel est l’objectif actuel des Bleues ?
C’est frustrant de ne pas aller aux JO, d’autant plus que l’équipe de France y participait depuis 2012. Mais, cela fait plus d’un an que la Coupe du monde est finie et qu’on sait qu’on n’ira pas à Tokyo, donc on a eu le temps de digérer. L’objectif est de se qualifier pour l’Euro (du 6 au 31 juillet 2022 en Angleterre, ndlr) et se donner l’opportunité de le remporter. Je considère que le niveau d’un Euro est supérieur à celui d’une Coupe du monde, avec un plateau plus relevé. Gagner le titre en Angleterre sera plus compliqué, mais quand on est l’équipe de France, on se doit d’être à la hauteur. Nous avons deux ans pour nous préparer sur tous les points, mental, technique, physique.
Avec un an de recul depuis la Coupe du monde 2019, trouvez-vous que le regard sur le football féminin a changé en France ?
Oui, forcément. Il y a eu plein de retours positifs après la Coupe du monde et même pendant par rapport aux audiences. Encore maintenant, on croise des gens qui nous adressent des félicitations. De plus, le nombre de licenciées augmente. C’est un bon signe, une bonne chose de faite, mais il faut continuer à travailler car il reste beaucoup à faire, notamment autour du championnat de France. Il faut donner les moyens aux clubs d’être plus professionnels, pour avoir des affiches et voir des belles équipes se confronter.
Comment faire progresser la Division 1 féminine ?
Je pense qu’il faudrait un cahier des charges pour toutes les structures. Il nous est déjà arrivé de jouer sur des terrains pas praticables pour le football et je trouve cela dommage. Si on veut que la Division 1 se développe, il faudrait que les clubs suivent un cahier des charges pour que chacun soit sur un pied d’égalité. Je suis consciente que ça peut poser un problème financier pour certaines structures, mais si on veut attirer des sponsors, avoir des droits TV et donner envie aux spectateurs de venir au stade, ça passe par du beau jeu. Si on fait quatre ou cinq touches de balle avant de faire une passe, c’est moins agréable à regarder.
« L’OL a galéré avant d’arriver à ce niveau »
Le film documentaire « Les joueuses #paslàpourdanser » qui plonge dans les coulisses de l’OL pendant la saison 2018-2019, est sorti début septembre. Comment avez-vous vécu le tournage ?
Il s’est bien passé. On est toujours un peu réticent à l’idée de laisser entrer une caméra dans les vestiaires, dans notre intimité, mais Stéphanie (Gillard, la réalisatrice, ndlr) a réussi à bien nous connaître et on arrivait presque à oublier sa présence. Les joueuses ne sont pas entrées dans un rôle, nous sommes restées les mêmes, nous avons fait notre job et on ne pensait plus aux caméras.
Avez-vous vu le film ?
Oui, et je trouve qu’il transmet de beaux messages aux plus jeunes. On voit très bien l’évolution du club. Les gens ont pu voir que l’Olympique Lyonnais a galéré avant d’arriver à ce niveau. Les joueuses n’ont pas été professionnelles tout de suite. Comme les autres clubs, l’OL a connu des difficultés, mais il a eu la chance d’avoir Jean-Michel Aulas, un président qui a été visionnaire et s’est donné l’opportunité de bâtir la meilleure équipe d’Europe. On voit aussi les caractères différents des joueuses. J’ai apprécié le film et je pense que chaque personne y trouve son compte.
« Il me reste de belles années devant moi dans le football »
Vous avez eu 30 ans en juillet dernier. Préparez-vous votre après-carrière ?
Cela fait déjà un moment que j’y pense. Comme on dit chez moi, « ce n’est pas quand on a faim qu’on prépare à manger ». Je me forme dans le marketing et le management sportif. Mais je sais qu’il me reste de belles années devant moi dans le football et je compte me donner les moyens d’en profiter au maximum. Je reste concentrée sur le football parce que c’est là où je suis la meilleure et là où je m’éclate.
Parallèlement, vous soutenez deux associations. Pouvez-vous en parler ?
Je suis marraine de l’association EMMA qui vient en aide aux enfants en difficultés scolaires parce qu’ils ont des troubles dys (dyslexie par exemple, ndlr) ou sont précoces, et à leur famille. Tout ce qui touche à l’enfant est important car ils sont notre avenir et il faut prendre soin d’eux. Je soutiens aussi l’Association pour l’information et la prévention de la drépanocytose, une maladie génétique qui touche beaucoup de gens dans le monde black. J’apporte mon soutien de temps en temps lors de soirées.
Est-ce important que les sportifs de haut niveau s’expriment sur ces sujets de société ?
Nous sommes tous passés par là et nous avons tous des familles qui ont des problèmes. Malheureusement, souvent, on ne réagit que lorsqu’un proche est touché. Si tout le monde mettait la main à la pâte, faisait un geste, aidait un peu plus de manière générale sans attendre d’être concerné, on en sortirait grandi.