Frank Leboeuf : « Les mentalités autour des arbitres évoluent »

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Ancien international français (50 sélections, 4 buts), champion du monde 1998 et d’Europe 2000, Frank Leboeuf est l’un des quatre ambassadeurs des Journées Nationales de l’Arbitrage. L’ancien joueur de Chelsea se confie sur ses rapports avec l’arbitrage, les outils mis en place pour les arbitres, les arbitres qui l’ont marqué ainsi que son rôle lors des JNA.

Qu’appréciez-vous dans les Journées Nationales de l’Arbitrage ?

J’apprécie d’avoir la possibilité de communiquer avec les arbitres pour mieux les comprendre, de comprendre ce qui les poussent à embrasser cette carrière, leur fonctionnement, les idées, la manière dont on peut améliorer les choses pour que l’arbitrage dans le football soit accepté. J’ai l’impression que dans les autres sports, on a moins de problèmes avec l’arbitrage, notamment le rugby. J’échange avec Emile Ntamack (ancien international français de rugby à XV, ndlr.) qui me dit ‘C’est très bizarre, pourquoi vous êtes tout le temps en train de râler ? Moi, je fais des matchs de foot avec des amis et dès qu’il y a une faute, je vois des copains râler.’ Il faut prendre conscience que sans arbitre, tu n’as pas de match de football, de basket, de rugby, de handball. Pour ma part, je trouve passionnant de prendre part à ces Journées Nationales de l’Arbitrage. Je le fais avec grand plaisir. Je rencontre des gens très intéressants.

Quels étaient vos rapports avec les arbitres ?

J’étais une catastrophe. J’étais un vrai râleur parce que je ne supporte pas l’injustice. Le problème, c’est que c’était exacerbé quand on est au milieu du terrain et qu’on s’aperçoit que l’arbitre siffle une fois, deux fois, trois fois contre toi, t’as le sentiment que ça ne marche pas. Bien que je m’emportais assez rapidement, j’ai toujours eu le respect de la profession. Il m’est arrivé sur des fautes de reconnaître que je méritais la sanction. Parfois, mon côté un peu anarchiste pouvait ressurgir et me poser problème. Somme toute, si je tombais sur quelqu’un qui pouvait m’aider à m’exprimer, à discuter, ça passait.

« Joël Quiniou, Alain Sars et Michel Vautrot sont des arbitres qui m’ont marqué par leur humanisme extraordinaire »

Quels arbitres vous ont le plus marqué durant votre carrière ?

Joël Quiniou, Alain Sars et Michel Vautrot font partie des arbitres qui m’ont marqué. Ils étaient à la fois autoritaires et pédagogues. Ce sont des hommes avec un humanisme extraordinaire. Malgré les responsabilités qu’ils avaient en tant que garants du jeu et de son bon déroulé, c’est des mecs qui arrivaient à me dire ‘Allez Frank, on continue, c’est bon’ et là tu dis ‘allez, on va faire autre chose, on va pas les embêter’.

Vous avez évolué en France et en Angleterre en tant que joueur. Quelles sont les différences d’arbitrage entre ces deux pays ?

On a tendance à laisser beaucoup plus le jeu, à l’époque en tout cas, quand il n’y avait pas le VAR. Tout était permis à partir du moment où tu étais dans l’esprit du jeu, la rugosité des gestes n’était pas punie tandis que le manque de contrôle du mouvement est désormais puni. Je trouve que c’est bien parce que ça pouvait aller très loin. On laissait une certaine dureté dans le jeu qui amenait beaucoup de combats, mais de vitesse aussi du jeu. Les supporters étaient à fond derrière. Alors qu’en France, en Espagne, en Italie surtout, c’était coupé toutes les quinze secondes. En fait, ça permet aux joueurs aussi de simuler. A mon époque, les joueurs ne simulaient pas. Le gars restait debout. S’il tombait, il se relevait tout de suite. Le VAR permet d’apporter certains compléments. En Angleterre, les joueurs pouvaient être des bouchers, tant d’un côté comme de l’autre. Je me suis fait casser le nez deux fois par Alan Shearer sans problème. J’avais aussi reçu des coups de crampons sur le tronc par Roy Keane après avoir sauté lors d’un duel. A la suite de ça, j’avais eu l’épaule cassée après ce contact. J’avais été voir l’arbitre pour contester ce contact et il avait sifflé corner contre moi. J’étais ensuite sorti sur la civière. A la mi-temps, j’ai montré les pointes de crampons sur mon tronc à l’arbitre et il me répond ‘Il (Keane) joue le ballon’. Maintenant, un geste comme ça est sanctionné d’un carton et de cinq matchs fermes de suspension. On est dans un autre esprit du jeu.

« Les mentalités autour des arbitres évoluent »

Considérez-vous qu’il est plus facile d’arbitrer actuellement qu’à votre époque ?

Je trouve que c’est plus facile d’arbitrer parce qu’il y a une vraie technologie et qu’on peut s’appuyer dessus. Mais c’est plus difficile, notamment avec les réseaux sociaux. Je suis sur les réseaux sociaux des supporters de l’OM et du PSG qui parlent football et jugent les joueurs comme s’ils étaient journalistes. Quelques fois, quand je lis ces réponses, je dis ‘Mais tu sais que tu ne comprends rien au foot parce que tu dis n’importe quoi’ et les mecs te répondent ‘Mais si, je ne suis pas d’accord avec toi’. Si tu n’es pas d’accord, tu n’as même pas à discuter. Quand un médecin ou un épidémiologiste me donnent un diagnostic, je me tais et j’écoute. Le problème, c’est que les réseaux sociaux ont donné la parole à ces gens qui se prennent pour des spécialistes du football en te donnant leur expertise.

Sentez-vous un changement de mentalité autour des arbitres ?

Oui, les mentalités évoluent autour des arbitres parce qu’on n’a plus les éléments qu’on avait avant de pouvoir truquer. Il y a toujours un système d’interprétation, mais le gros tricheur va être attrapé et je trouve que c’est bien. Le tirage de maillot, les mauvais gestes, le mec qui tombe alors qu’on ne l’a pas touché… Maintenant, il faut qu’on comprenne certaines choses. Par exemple, l’avant-centre qui court avec le ballon à côté du défenseur et qui met sa jambe à gauche pour que le défenseur retombe sur la jambe, il n’y a pas faute et contact ne veut pas dire une faute. Le football est un sport de contact.

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