Rugby – Gaëlle Hermet : « Je suis un électron libre »

Gaelle Hermet of France during the RBS s Six Nations match between France and Ireland on February 3, 2018 in Toulouse, France. (Photo by Manuel Blondeau/Icon Sport)

L’équipe de France de rugby féminine a remporté le mois dernier son 5ème Grand Chelem dans le cadre du tournoi des Six Nations. À sa tête, la capitaine Gaëlle Hermet, du Stade Toulousain, voit avec plaisir sa discipline gagner du terrain.

 

Que représente pour vous cette victoire dans le tournoi des Six Nations ?

Une grande fierté ! L’équipe voulait réaliser « quelque chose » dans ce tournoi. Après la Coupe du monde 2017, elle a été remaniée : des anciennes ont mis un terme à leur carrière internationale, des nouvelles sont arrivées dans le groupe, des générations différentes se côtoient. Chaque année, les rencontres gagnent en intensité, on assiste à des matches plus serrés, car les équipes adverses élèvent leur niveau de jeu. Des nations comme l’Italie, l’Irlande, le pays de Galles, notamment, sont en progrès, donc aucun adversaire n’était évident à aborder. Les cinq semaines de compétition se sont déroulées dans un bon état d’esprit, sur le terrain et dans les vestiaires, entre joueuses et avec le staff. L’équipe a pris plaisir à évoluer ensemble entre les matches, et à produire du beau jeu pendant le week-end.

Comment voyez-vous l’évolution du rugby féminin ?

Le rugby féminin a beaucoup évolué depuis la Coupe du monde organisée en France en 2014. Je sens un engouement depuis cette date ; les effectifs licenciés ont augmenté chez les filles. Notre discipline attire plus de spectateurs dans les stades et connaît une plus forte médiatisation. France Télévisions a retransmis la Coupe du monde l’an dernier, ainsi que le tournoi des Six Nations cette année. Eurosport a récemment diffusé l’ensemble des matches de la dernière journée de championnat en multiplex. Je suis heureuse que le public, et notamment les jeunes filles, puissent se familiariser avec notre discipline.

Le changement est impulsé au niveau fédéral…

La Fédération française de rugby mène un gros travail sur le long terme en direction des femmes. Elle a récemment lancé un projet visant à développer la pratique et à augmenter le nombre de licenciées, pour atteindre les 30 000 en 2025, contre 17 000 l’an dernier. Elle incite les clubs, amateurs comme professionnels, à développer des sections féminines. Généralement, les filles jouent avec les garçons jusqu’à l’âge de 15 ans ; ce type de structure n’existe qu’à partir de la catégorie cadettes. Personnellement, c’est ce que j’ai connu dans mon club de Carmaux. Les clubs comptant une section féminine ne sont pas encore très nombreux, mais l’envie de faire avancer les choses est réelle. La FFR met également en place des structures dans le domaine du haut niveau, comme le Pôle France qui accueille 28 joueuses de 18 à 23 ans. J’en fais moi-même partie. Plusieurs fois par an, je passe une semaine ou dix jours au centre national, à Marcoussis, pour suivre un programme technique, physique…

Comment vous entraînez-vous ?

Comme nous évoluons dans un milieu amateur, la Fédération aide les filles à concilier leur carrière avec leurs études ou leur vie professionnelle. Elle passe des conventions avec les entreprises et les établissements d’enseignement supérieur, afin qu’ils offrent des horaires aménagés et ne pénalisent pas les absences et les déplacements à but sportif. Athlète de haut niveau, j’ai passé le bac dans un pôle Espoir. Maintenant que je fais des études d’ergothérapie (elle en deuxième année, NDLR), je vais en cours toute la journée, puis je m’entraîne de 18h00 à 21h30. J’intègre parfois de la musculation ou de la préparation physique dans mes journées.

Quel est votre programme pour cette fin de saison ?

Les phases finales du championnat auront lieu fin avril et début mai. Avec le Stade Toulousain, nous allons affronter en demi-finales l’équipe tenante du titre, Lille MRC Villeneuvois, qui est présente à ce niveau depuis des années. Une grosse rencontre en perspective. Puis viendra le temps de la tournée d’été avec l’équipe de France, fin juin, mais nous ne connaissons pas encore le programme. J’ai été nommée capitaine lors de la dernière tournée d’automne. J’ai ressenti un peu d’appréhension au début, mais j’ai été aidée dans mon nouveau rôle par les joueuses et par le staff. J’ai encore beaucoup à apprendre, mais c’est un grand honneur, d’une part de porter le maillot tricolore, d’autre part le brassard de capitaine.

Comment décririez-vous le rugby féminin ?

La caractéristique du rugby féminin est qu’il présente un jeu aérien, qui fait vivre le ballon. Vu de l’extérieur, les observateurs disent souvent qu’il ressemble au « jeu de l’ancien temps », ce que je prends comme un compliment. Pour ma part, le rugby est une religion dans ma famille. Mon père et mes frères y jouent, donc je n’ai pas senti de frein, j’ai toujours été soutenue dans ma décision. Aujourd’hui, les parents des jeunes filles n’ont plus d’appréhension. Il s’agit certes d’un sport de combat, mais il est beau et véhicule des valeurs importantes. Le rugby est encore souvent vu comme un sport violent fait pour les hommes, mais il a une dimension de plaisir. Au poste que j’occupe, 3ème ligne, je suis l’électron libre qui court beaucoup, plaque et saute en touche. Il ne faut pas s’empêcher d’en faire sous prétexte qu’on a peur des contacts. On peut être féminine, jouer au rugby et éviter les coups. Certaines joueuses ont eu des enfants et continuent à jouer. Si c’est une vraie passion, il n’y a pas d’âge pour arrêter… ou pour continuer (rires).

Par Marianne Quiles
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