Symbole du nouveau visage rajeuni et ambitieux du PSG féminin et de l’équipe de France, Grace Geyoro avale les étapes à une vitesse folle. La jeune internationale de vingt-et-un ans se pose désormais en femme de base du football féminin français. Rencontre.
13 octobre 2012. Ce qui aurait dû être l’un des plus beaux souvenirs de la carrière naissante de Grace Geyoro lui pèse comme une chape de plomb. L’équipe de France U17 remporte la Coupe du monde féminine, en Azerbaïdjan, en s’imposant au terme d’une séance de tirs au but libératrice face à la Corée du nord (1-1, 7 tirs au but à 6). Mais Geyoro, arrivée au Paris Saint-Germain trois mois plus tôt en provenance de Saint-Jean-de-Braye, ne savoure pas vraiment au moment où ses coéquipières soulèvent le trophée dans la liesse tricolore de Bakou. « C’est une compétition qui m’a « tuée ». Je n’avais pas du tout joué, j’avais perdu beaucoup de confiance en moi après cette compétition, se souvient la milieu de terrain, encore pleine de tristesse et de frustration. Ce n’était pas évident, mais j’ai réussi à rebondir grâce à mes proches et mes coéquipières. Ça fait partie de moi. »
> Commandez dès maintenant notre numéro de février pour seulement 6,50€ !
Un peu plus de quatre ans plus tard, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, les Françaises U20 retrouvent à nouveau les Nord-coréennes en finale d’un Mondial, mais s’inclinent (3-1). Pourtant, Grace Geyoro a retrouvé le sourire. Avec les Bleuettes, celle qui a alors dix-neuf ans fait cette fois partie des titulaires et a pu faire étalage de tout son talent. Une compétition qui marque un vrai déclic dans sa carrière. Débarquée en France à deux ans de la République démocratique du Congo, là où elle est née, Geyoro sait déjà qu’elle veut faire « un truc » dans le foot. « Ma passion m’est venue par mon frère qui jouait beaucoup », se souvient-elle. « Je le suivais au stade, on jouait dans le jardin, c’est avec lui que j’ai commencé. » À huit ans, elle intègre son premier club, avec les garçons de l’US Orléans. « Je suis ensuite partie à Saint-Jean-de-Braye, afin de me rapprocher de chez moi car l’USO était un peu loin et mes parents n’avaient pas de voiture. Je devais prendre le bus et le tram, ce n’était pas évident mais j’étais motivée. Mes parents n’étaient pas trop pour quand ils m’ont inscrite au foot, donc je donnais tout quand j’y étais ! (Rires) » Les galères logistiques dans le dos, Geyoro franchit les paliers très rapidement et sera repérée en 2012 par le PSG, alors en plein renouveau. « En région parisienne, le football féminin était surtout représenté par Juvizy (absorbé par le Paris Football Club depuis 2017, NDLR). C’était ce club qui cartonnait. À l’INF Clairefontaine, où je m’entraînais à cette époque, on parlait surtout de ce club-là. C’est d’ailleurs là-bas que j’ai fait la rencontre de deux futures coéquipières, Hawa Cissoko et Anissa Lahmari qui m’ont persuadée de venir au PSG. »
N’Golo Kanté au féminin
La Franco-congolaise fait quelques détections et réussit à atteindre le centre de formation en trois semaines. « Depuis petite, devenir professionnelle trottait déjà dans un coin de ma tête. Je regardais beaucoup de matches à la télé. Après, je ne pensais pas à arriver là où je suis aujourd’hui. » Pas encore vingt ans, elle est gratifiée d’une prolongation de contrat et d’un nouveau statut au PSG après son Mondial U20 convaincant. Olivier Echouafni, sélectionneur des Bleues de l’époque, a lui aussi suivi attentivement les performances de Geyoro à l’autre bout du monde et la convoque pour la première fois avec les A, en janvier 2017. « Être en équipe de France, déjà, c’est un sentiment incroyable, peine-t-elle encore à réaliser. Je ne m’y attendais pas quand j’ai été appelée. La pression était grande, mais j’avais hâte de jouer avec de grandes joueuses comme Amandine Henry ou Wendie Renard. C’est une chance. » Bien avant l’équipe de France, elle avoue être déjà une grande fan de Cristiano Ronaldo, « pour la détermination et tout le travail qu’il représente » et « du jeu » d’Andrés Iniesta. Pourtant, c’est bien à une autre coqueluche de l’équipe de France masculine que Geyoro est comparée… « C’est vrai qu’on me surnomme la N’Golo Kanté féminine. Alors que pourtant, des fois, on dit de moi que je n’aime pas courir… (sourire) C’est plutôt sympa comme comparaison. » Quelques mois plus tard, la milieu parisienne aura été à peu près la seule à surnager lors d’un Euro 2017 qui a vu l’équipe de France échouer une nouvelle fois en quart de finale. À Deventer (Pays-Bas), les Bleues sortent par la petite porte, défaites par une équipe anglaise (1-0) qui ne les avait plus battues depuis 1974, tout comme Echouafni, qui prend la porte dans la foulée.
Grace porteuse d’espoir
Mais aujourd’hui, Geyoro a bien grandi avec ses quinze sélections. Elle est désormais considérée comme l’un des plus grands espoirs du foot féminin français à son poste. « (Un peu gênée) C’est ce qu’on me répète souvent… Mais mon objectif est surtout de continuer à travailler, pour continuer mon parcours qui a déjà bien débuté. » Corinne Diacre prendra la relève en août 2017 pour se lancer dans une mission reconstruction de la maison bleue, en se gardant bien de toucher au mur porteur dans l’entrejeu qu’est devenue Geyoro. Et avec, en ligne de mire, la Coupe du monde 2019 qui se déroulera en France, du 7 juin au 7 juillet. « La Coupe du monde à domicile, je n’y pense pas encore beaucoup », confesse Geyoro. « Même si c’est dans un petit coin de ma tête parce que je travaille tous les jours pour atteindre ce genre d’objectif-là. J’ai envie de faire partie du groupe. » D’ici-là, il va falloir encore travailler et performer avant le début de la grande compétition. C’est ce que leur rappelle souvent Corinne Diacre. « C’est un style de coach qui change comparé à ce qu’on a connu auparavant. Elle a réussi à diriger des hommes par le passé (Diacre a entraîné l’équipe masculine de Clermont entre 2014 et 2017, NDLR), donc je pense qu’elle va nous apporter beaucoup tactiquement et dans la rigueur. C’est une coach qui ne rigole pas, très stricte et c’est ça qui peut nous permettre d’aller décrocher ce titre. » Un titre majeur qui fuit les générations précédentes qui n’ont jamais pu faire mieux qu’une quatrième place lors d’un Mondial. La génération de Geyoro, qui a fait ses preuves chez les jeunes, semble, elle, pouvoir faire franchir le cap aux Bleues.
Paris 2024 avec gourmandise
Bien qu’elle avoue ne pas avoir encore à l’esprit les Jeux olympiques de Paris 2024, qui se rapprochent petit à petit, Grace Geyoro en parle déjà avec envie. « C’est dans très, très longtemps. Mais, quand on parle de Jeux olympiques, on a forcément envie d’y participer. Je vais aller étape par étape et on verra si j’ai la chance de faire partie de ce défi-là. » Et avec le noyau de jeunes joueuses déjà bien installé en équipe de France et qui donc sera potentiellement celui qui emmènera les Bleues aux JO 2024, Geyoro a bon espoir. « On aura probablement des chances d’aller loin. En France, il y a de plus en plus de jeunes talents qui arrivent à atteindre les A, comme mes coéquipières Marie-Antoinette Katoto et Perle Morroni, ou la Lyonnaise Delphine Cascarino. C’est positif. »