Gurvan Kervadec, nouveau Directeur général de la LNV, a pris ses fonctions la semaine dernière. Pour SPORTMAG, il dévoile ses ambitions et les axes de développement sur lesquels il souhaite travailler rapidement.
Pourquoi avoir candidaté au poste de Directeur général de la LNV ?
Le poste et l’institution m’intéressaient, parce que j’étais arrivé à un moment de ma vie professionnelle qui faisait que j’avais deux possibilités. Ça fait un moment que je travaille dans l’univers du sport, j’ai beaucoup travaillé dans le rugby, 13 ans à la Fédération française de rugby et une année au Stade Français Paris. Pour diverses raisons, j’ai souhaité mettre le rugby derrière moi. J’avais vécu de grandes choses dans le rugby, et la façon dont l’aventure à la Fédération s’était terminée faisait que je voulais passer à autre chose. J’en ai profité pour élargir mon horizon en participant à la formation du MESGO (Executive Master in Sport Governance), une formation sur 18 mois orchestrée en France par le CDES de Limoges, mais qui s’ouvre aussi sur l’international. J’en ai profité aussi pour investiguer, peut-être en réaction à ce qui s’était passé à la Fédération, le secteur de l’impact social du sport. J’ai fait une thèse dessus, j’ai travaillé six mois dans une ONG qui s’appelle Play International. Cela m’a ouvert les yeux, car on parle beaucoup des valeurs du sport, mais elles sont rarement vraiment mises en avant, travaillées et on capitalise peu sur le sujet. Au cours de ma thèse, j’ai vraiment découvert que le sport parlait beaucoup de ces valeurs mais qu’ensuite, ceux qui les utilisent le plus sont les acteurs de l’impact social qui ont choisi le sport comme support de travail pour travailler sur des sujets comme la diversité, l’inclusion, la santé. J’avais soit cette optique-là, de partir vers l’impact social du sport, ou au contraire, d’être au sein d’une institution sportive en travaillant avec l’idée de revenir sur ces sujets de l’impact social du sport. Je suis intimement persuadé que les sportifs professionnels doivent être des porteurs de voix pour s’emparer de ces sujets qui sont fondamentaux pour demain. On est un peu loin du sport, mais j’ai vraiment envie de remettre le sportif au cœur de l’action de son sport, et sur ces sujets de société. Les sportifs et les clubs aussi, parce qu’ils sont acteurs de leur territoire, et dans les territoires également, il y a besoin de cette cohésion. Le faire au sein d’une ligue professionnelle, c’est l’endroit idéal.
C’est un de vos principaux axes de travail. Quels sont les autres ?
C’est un peu compliqué, car je suis arrivé il y a deux jours, mais c’est une évidence que le volley professionnel a un peu disparu des radars ces dernières saisons. L’équipe de la LNV travaille depuis un moment sur un retour à une exposition un peu plus conséquente. C’est très bien d’avoir retrouvé une exposition auprès de Sport en France, mais ça reste un des objectifs de travailler sur l’exposition à la fois pour la discipline et surtout pour les clubs, qui ont besoin de cette exposition pour consolider tous leurs partenariats locaux et leur impact territorial. Ça va être un des objectifs. Pour moi, la ligue professionnelle, ce sont les clubs. Il n’y a pas de différences. J’ai travaillé dans un club, je sais que parfois, c’est difficile de concilier son intérêt particulier avec l’intérêt général, mais, pour moi, clubs et ligue doivent parler d’une même voix, et surtout dans le volley, qui a besoin de cette exposition et d’un discours cohérent. Je vais essayer de me rapprocher assez rapidement de l’ensemble des clubs, des présidents, pour essayer de concilier leurs attentes avec les attentes de la LNV.
« Il faut des clubs performants au niveau européen »
C’est quelque chose qui peut être difficile, au sein d’une ligue qui gère à la fois les clubs masculins et féminins. Ces clubs sont parfois à des niveaux très différents de professionnalisme…
Je ne suis pas encore entré dans le détail. La LNV est la seule ligue professionnelle en France à s’occuper à la fois des filles et des garçons. Je considère que c’est une chance, à un moment où on parle beaucoup d’égalité homme-femme, d’équité. Je lance ça en l’air, mais ça peut être un axe de développement sur le message à porter. Cela peut intéresser des gens. Après, je suis convaincu qu’il faut des locomotives dans le sport professionnel, il faut des clubs qui soient performants au niveau européen, à la fois chez les filles et chez les garçons. C’est toute la difficulté de l’équilibre des compétitions.
On voit que le volley français continue à se développer avec de nouvelles salles à Narbonne et à Chaumont. Tours va agrandir sa salle… C’est plutôt encourageant pour l’avenir.
C’est sûr. On sent qu’il y a du dynamisme dans le volley. Vous en avez parlé avec les salles. Je vais parler du Paris Volley parce que j’habite à Paris et je vois ce que fait le club autour des matchs, mais je sais que d’autres équipes le font aussi. Ce qu’ils font sur l’écomobilité, sur le fait de proposer des produits bios d’acteurs locaux, sur la délocalisation au Vélodrome de Saint-Quentin (Yvelines) avec un concert de Gaëtan Roussel… On sent qu’il y a du dynamisme, que ça frémit. Je pense que c’est le bon moment pour rejoindre la famille du volley.
Ca va dans la direction que vous souhaitez, lier le sport avec des enjeux sociétaux et environnementaux majeurs…
Tout à fait, le sport doit être beaucoup plus présent parce qu’il y a une caisse de résonance très forte sur ces sujets sociétaux. Ça permet aussi quelques fois, dans des périodes comme aujourd’hui où il y a moins de compétitions sportives, d’avoir une autre histoire à raconter.
« Il faut des ligues nationales fortes »
Avez-vous eu des retours sur l’état de la ligue et des clubs avec cette crise sanitaire inédite ?
Je ne suis pas encore entré en contact avec les clubs. Après, un des problèmes du volley français est de ne pas avoir de droits TV, mais dans une période comme celle-là, de fait, on souffre un peu moins parce qu’il n’y avait pas cette contrainte que peuvent avoir d’autres sports sur ce sujet. La question pour le volley n’est pas tant pour cette année, mais elle va être de relancer l’activité l’année prochaine, et là, tout le monde risque de souffrir du manque de partenariats, de subventions revues à la baisse même si, d’après ce que j’ai pu lire, il est demandé aux collectivités de maintenir leur engagement. C’est sûr qu’il va falloir se relever. Et même si la situation s’améliore, nous ne sommes pas à l’abri d’un retour de bâton à l’automne, qui serait dramatique.
Où en sont les calendriers de la saison prochaine ?
Ils sont en train d’être programmés. La saison prochaine va être un peu surchargée dans de nombreux sports. Les Jeux Olympiques ont été décalés d’un an, il y a un championnat d’Europe de volley, la Ligue des Nations, les Coupes d’Europe… Il va surtout falloir anticiper si jamais l’épidémie reprenait à un moment, pour pouvoir réorienter le championnat sur une saison courte.
Un des dossiers qui peut être épineux, c’est justement ce nombre de matchs internationaux conséquent. Un international peut quasiment faire autant de matchs avec son pays qu’avec son club sur une saison…
C’est sûr que c’est compliqué de raconter une histoire quand on est un club qui joue la saison régulière d’octobre à mars et que ça s’arrête là. C’est dur de raconter une histoire auprès des chaînes de TV, auprès des collectivités, et c’est difficile d’animer un territoire sur toute la saison. C’est une évidence. C’est une particularité du volley, la saison internationale est quasiment aussi longue que la saison nationale. C’est aussi un des sujets qui m’intéressent, je veux faire en sorte que la voix de la France – et je crois que c’est déjà engagé depuis quelque temps avec la création de la VLA, l’association des Ligues européennes de volley – de peser un peu pour aboutir à des championnats plus équilibrés et avoir un peu plus de dates sur les championnats nationaux. Il faut des ligues nationales fortes pour donner de la valeur au sport. Sinon, c’est compliqué pour tout le monde.
Propos recueillis par Simon Bardet