Cinquième des Jeux de Rio, championne d’Europe à Glasgow (2018), Hélène Lefebvre est l’une des têtes d’affiche de l’aviron tricolore. Interview avec une rameuse ceinture noire de judo, qui compte bien aller jusqu’à Paris 2024.
Hélène, j’imagine que ça a fait du bien de retrouver la compétition aux championnats d’Europe…
Complètement. J’étais déjà ravie de faire mes valises pour partir en compétition, car il n’y en a pas eu beaucoup ces derniers temps. C’est vraiment dans les moments difficiles, surtout dans cette période-là, qu’on se rend compte du plaisir qu’on a à concourir. Moi, il n’y a que ça qui m’anime. Retrouver le goût de la compétition, l’adrénaline, l’attente, les petits réglages, le retour au bassin en revoyant les concurrentes. J’étais la plus heureuse ! J’aime le haut niveau pour la compétition, c’est ça qui me fait vibrer.
Quel bilan faites-vous de ces championnats, alors que vous n’étiez pas avec votre partenaire habituelle ? (Margaux Bailleul au lieu d’Elodie Ravera-Scaramozzino)
La Fédération avait décidé d’essayer une nouvelle composition, afin de voir si on pouvait aller plus vite qu’en m’associant à Elodie, comme c’est le cas depuis presque 7 ans maintenant. On est arrivé sur la compétition sans repère, on ne savait pas du tout ce que ça allait donner. On était un peu à l’aveugle, et le bilan est décevant. A 100 jours des Jeux, on s’attendait à être plus proches de nos adversaires, à être dans la bataille, et ce n’était pas le cas. Ca mine un peu le moral. Mais un bateau, ça se construit. C’était difficile de faire des miracles avec une préparation très courte. Je voyais ça comme un défi, être capable en tant qu’athlète de haut niveau de m’adapter à quelqu’un d’autre.
Vous retrouvez Elodie Ravera-Scaramozzino en Coupe du monde, à Zagreb…
Oui, et c’est à nous de montrer que cette composition-là est plus rapide. On veut voir ce qu’on vaut, où on se situe par rapport aux autres nations à cette période de l’année.
« On ne doit rien lâcher »
Comment se prépare-t-on avec une saison si courte et condensée, à quelques semaines de Tokyo ?
Notre préparation n’est pas forcément celle que j’avais espérée. On a sept ans de bateau derrière nous, on a travaillé à deux pour cette échéance-là. Et l’année des Jeux, tout a été remis en question, chamboulé. Ça nous a perturbées. La période dans laquelle on vit n’est déjà pas évidente, si en plus on manque de sérénité, ce n’est pas facile. Mais l’avantage de cette situation, c’est que nous sommes capables, avec nos caractères, de gérer ces moments d’incertitudes et de rebondir. C’est ce qui fait notre force avec Elo. Là, le temps est compté, on commence à peine notre préparation à 100 jours des Jeux, on est dans l’obligation d’être hyper efficaces. On ne doit rien lâcher avec le peu de temps qui nous reste, on doit être rapides et vite progresser.
Votre 5e place à Rio, en 2016, est une expérience qui devrait vous servir…
A Rio, on prend la cinquième place en étant un jeune bateau, mais on avait eu le temps de se préparer. Désormais, on a l’avantage de savoir comment ça se passe aux Jeux. Dès qu’on a quitté Rio, et c’est un objectif qui nous anime encore aujourd’hui, on s’est dit qu’on voulait décrocher une médaille olympique. On ne vise plus la finale comme à Rio, on vise la médaille.
Paris 2024, c’est encore trop loin pour y penser ?
Malgré mes 12 ans de haut niveau, je suis toujours animée par la compétition, par l’envie de progresser, de bien faire, d’être encore meilleure. Et Paris, ce serait un rêve de pouvoir y participer, et ainsi boucler la boucle. Surtout à Vaires-sur-Marne, là où j’ai fait mes premières armes. J’aimerais bien finir ma carrière à Paris, ce sera un énorme événement, et je compte bien aller jusque-là.
Ce serait un joli clin d’œil, vous qui avez débuté l’aviron au collège Pierre Brossolette du Perreux-sur-Marne, là où Anne Tollard enseigne. Quels souvenirs gardez-vous de cette époque ?
J’ai beaucoup aimé l’esprit de famille. Avant d’aimer la discipline, j’ai aimé l’esprit qui entourait ce sport. J’ai commencé dans le club dans lequel je suis encore, et j’y suis très attachée. L’ambiance avec les coachs, les copains, les copines. J’aime aussi beaucoup être à l’extérieur. A la base je suis judokate, j’en ai fait de 6 à 20 ans, jusqu’à obtenir ma ceinture noire. Mais je suis plus adepte des sports de nature, en extérieur, et l’aviron me correspondait bien. J’aimais beaucoup ce qu’on apprend un peu plus tard mais ce qu’on devine quand on est plus jeune, le dépassement de soi. C’est un sport qui demande énormément d’abnégation, c’est un effort physique qu’on ne retrouve nulle part, et ça fait ressortir les traits de caractère des gens. Même si c’est dur, je ne lâche rien, ça a fait ressortir ça.
Retrouvez l’ensemble du dossier sur l’aviron français avec les interviews de Christian Vandenberghe, Matthieu Androdias, Perle Bouge, Anne Tollard, Michel Andrieux, Ferdinand Ludwig et Audrey Feutrie.