Pour la deuxième saison d’affilée, le FC Villefranche-Beaujolais (Rhône) n’a pas réussi à franchir les barrages pour accéder à la Ligue 2. Mais son entraîneur Hervé Della Maggiore, est déjà tourné vers la saison prochaine.
Comment vous sentez-vous quelques jours après le match retour des barrages face à Quevilly-Rouen (1-3, 0-2) ?
Disons qu’on a déjà basculé dans la saison prochaine. On a fini 10 jours après la plupart des clubs qui ont déjà pu rencontrer les joueurs, procéder à un état des lieux, c’est à notre tour maintenant donc on enchaîne durant deux jours les entretiens individuels avec les joueurs qu’on veut garder dans l’effectif et dont certains sont très courtisés par les clubs plus riches. On n’a pas trop le temps de s’appesantir sur notre sort, c’est une période très importante pour préparer la saison prochaine.
Vous échouez encore aux portes de la L2. Comment vivez-vous cette déception ?
Ce n’est pas comparable à la saison dernière. On était partis de la 14e place pour remonter à la 3e et accrocher les barrages, sortir du match aller dans une position très favorable (3-1 devant Niort) et voir tout s’effondrer dans les 10 dernières minutes du match retour avec deux buts encaissés (0-2). Cela avait été brutal, il y avait eu forcément beaucoup de déception. Cette année, c’est différent, on a fait la course quasiment tout le temps dans les 5 premiers, en réalisant une fin de saison en boulet de canon (5 victoires d’affilée) pour finir 3es, à seulement 1 point de la 2e place. Et puis, lors du barrage, la première manche nous a été défavorable sur le score, rendant la tâche plus compliquée au retour. Il aurait fallu réaliser un exploit pour passer.
Donc c’est plus facile à digérer ?
On ne digère jamais quand on est compétiteur, mais ici à Villefranche, compte tenu de nos moyens, on joue le maintien à chaque début de saison. Donc on n’a pas été loin du Graal, cela aurait été une énorme performance d’atteindre le monde pro. On peut se dire qu’on a réalisé une magnifique saison. Au-delà de la déception, il y a aussi beaucoup de satisfaction.
De là à réviser vos objectifs à la hausse ?
La saison prochaine, on redémarre en National avec de grosses écuries en face. Nancy se présente avec un budget de 10 millions d’euros, c’est énorme. Le nôtre est de 2,7 millions. On n’est pas dans les plus petits mais on est en-dessous de la moyenne qui doit être de 4-5 millions d’euros. Il faut prendre les 40 points pour assurer le maintien, c’est notre premier objectif. Ensuite, si on peut faire plus, on fera plus, c’est ce qui s’est passé cette année.
Avec une différence notable, vous ne pourrez plus jouer les barrages cette fois !
Effectivement, il n’y en a plus, seules les deux premières équipes du classement monteront en L2. Après deux barrages manqués de notre part, on sera moins attendus. Le début de saison sera important, on ne joue pas dans la même catégorie que l’adversaire qui va avoir des moyens financiers environ cinq fois supérieurs aux nôtres. Mais on va jouer avec nos armes, on maximise tout. On travaille bien aussi, on recrute malin, judicieux avec des joueurs compétiteurs. On a moins de moyens à leur offrir mais on compense avec un état d’esprit et des valeurs qui peuvent les attirer. On rend moins insensibles certains joueurs par rapport à nos résultats de ces deux dernières saisons et au jeu que l’on propose.
La saison n’est donc pas vraiment terminée pour vous ?
Cette période de recrutement va façonner la saison, c’est important pour la suite. Le but est de se tromper le moins possible, il faut essayer d’être juste surtout quand on a peu de moyens, de trouver la bonne pioche. Je vais voir dans les étages inférieurs, il faut sentir le potentiel des joueurs. Ce sont des incertitudes, on fait des paris, ça fait partie de mon métier. Il faut aussi savoir attendre le bon moment : beaucoup de joueurs sont très exigeants par rapport au niveau et à l’aspect financier et puis au fur et à mesure que les semaines passent, ils reviennent sur leur position, deviennent moins exigeants, et il y a des coups à faire en fin de saison donc ça ne sert pas forcément de se précipiter. Avec l’expérience, j’ai appris ça.
Constituer l’équipe, négocier avec les joueurs, c’est une facette du métier d’entraîneur qui vous plaît ?
Normalement, cela ne fait pas partie du métier d’entraîneur, cela incombe au directeur sportif. Chez nous, c’est l’entraîneur qui gère. Ça me plaît car ce sont mes choix mais cela demande beaucoup de temps, de connaissance aussi du milieu, des joueurs, il faut du réseau. Soit on a son propre réseau de joueurs qu’on a croisés et qu’on veut faire venir, soit on se le constitue et cela demande d’aller voir des matches tout au long de la saison. C’est difficile mais intéressant.
Vous l’avez bien connu au FC Bourg-Péronnas.
Oui où je suis resté 10 ans durant lesquels on est passé du CFA2 à la Ligue 2. Mon recrutement a souvent été basé sur des paris et cela a réussi puisque cela a permis de mener le club en L2 et de révéler des joueurs qui évoluent aujourd’hui au haut niveau, comme Jason Berthomier et Vital Nsimba à Clermont, ou encore Mickaël Alphonse et Julio Tavares, tous deux passés par Dijon. C’est une vraie fierté.
Certains de vos joueurs sont courtisés. Et vous, vous l’êtes ?
Forcément, après deux saison de très bons résultats, je suis annoncé dans des clubs. Mais mon nom apparaît sur des short liste, il n’y a pas eu de réels contacts. J’ai encore un an de contrat avec Villefranche, je repars au moins pour une saison. C’est toujours valorisant de participer à la construction d’un club. Les profils de coach sont différents, certains sont faits pour sauver un club, d’autres pour bâtir. Moi je me considère plutôt comme un bâtisseur que comme un pompier de service. Ce sont des approches différentes. Cela permet de s’inscrire dans la durée. Les clubs pros sont souvent pressés. Moi je suis dans un club qui n’a jamais connu le monde pro mais dans lequel il y a beaucoup de choses à faire.
Quels sont les projets ?
Le principal projet est la réfection du stade, lequel n’est pas homologué. Si on était monté en L2, on n’aurait pas pu jouer à domicile. On est actuellement en pourparlers avec la mairie. Il va déjà y avoir des travaux pour mettre l’éclairage aux normes. Cela aurait été un véritable exploit de monter et en même temps cela aurait pu apparaître comme prématuré. Notre secteur médical, nos infrastructures ne sont pas adaptés à ce niveau.
Après avoir été formé à l’OL, vous avez joué au niveau National. En tant que coach, vous visez plus haut ?
Oui, c’est un objectif, on a toujours envie d’entraîner au plus haut niveau. Mais cela dépend de circonstances. Avoir des résultats, c’est une chose mais il y a beaucoup d’autres paramètres : il y a de très nombreux entraîneurs sur le marché et il n’y a que 20 places en L1. Dans le milieu, les enjeux financiers liés aux investisseurs auxquels appartiennent de plus en plus de clubs font que les postes d’entraîneurs font souvent l’objet d’un jeu de chaises musicales. L’ouverture pour les autres est très étroite. J’ai eu la chance d’arriver en L2 car j’ai fait monter mon club. Une fois en pro, j’ai eu quelques touches mais c’est tout.
Avez-vous quand même droit à des vacances bien méritées ? Vous avez fini 10 jours après tout le monde.
Les vacances ne sont jamais bien définies car ce n’est jamais bien fini ! Je vais faire un break cette fin de semaine puis dans 15 jours. Mais le téléphone n’est pas loin, je suis tellement anxieux à l’idée d’avoir le meilleur groupe possible.
Propos recueillis par Sylvain Lartaud