Jean-Baptiste Alaize : « Je viserai un podium à Tokyo »

Jean Baptiste ALAIZE of France In action during the competition Athletics Men's - Men's Long Jump - T43/44 Final during Summer Paralympics Games, Rio, Brazil on 17th September 2016 Photo : Giavelli / Icon Sport

Athlète amputé tibial spécialisé dans le sprint et la longueur, Jean-Baptiste Alaize vit une histoire extraordinaire. Celle-ci sera prochainement adaptée au cinéma. Retour sur le parcours hors du commun de ce sportif de 27 ans.

 

À l’âge de 3 ans, vous avez été amputé d’une jambe suite à la guerre civile au Burundi. Avez-vous conservé des souvenirs de ce drame ?

Pas vraiment. Ce drame est survenu dans le contexte du conflit entre Tutsis et Hutus. Six personnes de ma famille ont été tuées sur le coup. Avec mes trois sœurs, j’ai fait partie des survivants.

Après un placement en orphelinat, vous arrivez en France le 12 juillet 1998…

Mon père adoptif est venu me chercher dans mon pays natal. J’arrivais dans un autre monde, je ne parlais pas français. Néanmoins, je garde un très bon souvenir de mon arrivée, même si j’ai eu un peu peur. Il s’agissait du jour de la finale de la Coupe du monde de football, opposant la France au Brésil. J’avais l’impression que ça allait être la guerre. Après le match, je voyais que les gens étaient heureux, mais je ne comprenais pas (rires).

Comment s’est passé le début de votre relation avec votre famille adoptive ?

Cela faisait longtemps que je n’avais plus reçu d’amour. Ce qui m’avait manqué pendant des années. Au début, je parlais burundais et mes parents, originaires de Bonlieu-sur-Roubion (près de Montélimar), le français. C’était très compliqué. J’ai mis environ un an pour apprendre la langue. Avant moi, mes parents avaient déjà adopté un enfant, originaire du Rwanda. Lui aussi avait connu la guerre dans son pays.

À quel moment commencez-vous le sport ?

Quasiment dès mon arrivée en France. J’ai commencé par le rugby, puis j’ai fait du football et de l’équitation. J’ai éprouvé une sensation de liberté, comme si j’avais retrouvé la vie. À l’âge de 14 ans, j’ai découvert l’athlétisme grâce à l’UNSS. J’étais en classe de 5ème, mon professeur d’EPS avait organisé les « JO des collèges ». Sur le relais 4x100m, j’étais placé en dernier relayeur. Alors que nous étions en troisième position de la course, j’ai remonté tout le monde et nous avons gagné. À l’époque, peu de gens savaient que j’avais un handicap. J’étais discret, je ne me mettais pas en short. Je souffrais déjà du racisme, je n’avais pas envie d’être stigmatisé davantage. Par la suite, je me suis inscrit dans un club d’athlétisme à Montélimar. Puis, la Fédération Française Handisport m’a contacté en 2006 pour me proposer de participer aux Championnats du monde handisport. Je ne savais même pas que cette fédération existait. Auparavant, je concourais avec les valides.

Votre palmarès est plutôt bien garni. De quelles performances êtes-vous le plus fier ?

De ma première médaille chez les seniors (bronze en longueur T44, avec un saut à 6.82 m, nouveau record personnel, NDLR), lors des Championnats du monde à Londres l’année dernière. Sinon, il y a également ma cinquième place aux Jeux paralympiques de Rio.

Désormais, quels sont vos objectifs ?

À long terme, ce sont les Jeux paralympiques de Tokyo qui auront lieu en 2020. Récemment, à Barcelone, j’ai encore amélioré mon record de France du saut en longueur dans la catégorie des amputés tibiaux, en sautant 6,97 m. Il s’agit de la deuxième meilleure performance mondiale de l’année. Actuellement, je considère que je fais partie du Top 5 mondial. Dans deux ans, je viserai un podium à Tokyo. Sinon, au mois d’août prochain, je participerai aux Championnats d’Europe à Berlin, où je tenterai de décrocher la médaille d’or.

Vous avez besoin d’une prothèse en carbone différente pour chacune des disciplines que vous pratiquez. Rencontrez-vous des difficultés sur le plan financier ?

Pendant longtemps, j’ai vraiment galéré. Depuis ma médaille aux Championnats du monde, cela va mieux. En février dernier, je suis devenu l’égérie d’Epargne Actuelle, une société de courtage en assurance. Mon club, l’AMSL Fréjus, me soutient également sur le plan financier. Il me paye notamment mes déplacements.

Que faites-vous en parallèle au sport de haut niveau ?

Le 14 mai dernier, j’ai débuté une formation pour devenir agent immobilier. À la base, je n’aurais jamais imaginé m’orienter vers ce secteur. Sinon, j’ai joué dans le dernier film de Frank Dubosc, Tout le monde debout, actuellement à l’affiche. Il s’agissait de ma première expérience au cinéma. J’ai adoré !

Dans l’émission « Le Vestiaire », sur SFR Sport, l’ancien footballeur Franck Leboeuf avait déclaré qu’il voulait faire un film sur votre vie. Où en est ce projet ?

Finalement, c’est une entreprise basée à Aix-en-Provence qui va s’en occuper. Le tournage débutera en septembre prochain. Je serai l’acteur principal du film. L’idéal serait que celui-ci se termine sur la médaille d’or à Tokyo.

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