La jeune Berjallienne de 18 ans, installée récemment en Savoie, championne du monde juniors sur route cet été, a un automne chargé entre sa nouvelle vie avec Cofidis et sa saison de cyclo-coss. Au soir d’une course UCI à Dijon et avant de repartir encadrer un stage minimes et cadets du Comité de Savoie, elle se confie. En toute tranquillité.
Qu’est-ce qui a changé pour vous depuis le 5 août, date de votre titre mondial gagné à Glasgow ?
Déjà, j’étais très contente de gagner, c’était l’accomplissement de ma saison avec tous les entraînements réalisés dans ce but de victoire. C’était mon objectif et je l’ai atteint, c’était une grande joie. Et en même temps, cela a été un grand vide après. Je me suis vite reconcentrée sur les Championnats d’Europe mais je savais que ce ne serait pas pareil. Je savais aussi que je passais pro chez Cofidis et qu’il fallait que je m’entraîne pour les saisons suivantes, c’est surtout ça qui m’a remotivée après. Sinon, pas grand-chose n’a changé, ma vie est toujours la même. Je vais m’entraîner et j’aime faire du vélo donc je fais du vélo (sourire). Ce qui a surtout changé, c’est que j’ai beaucoup plus d’interviews qu’avant. À part ça, j’habite toujours chez mes parents, aux Marches, en dessous du Mont Granier, où nous avons déménagé de Bourgoin il y a un an et demi.
Vous continuez vos études ?
Oui, je suis en prépa intégrée à l’école Polytech, sur le campus du Bourget-du-Lac. J’ai fait l’an dernier ma première année en un an, cela faisait beaucoup d’heures de cours, souvent du 8h-18h, sachant que n’ayant pas le permis je faisais les aller-retour à la fac à vélo, soit 20 km. Là, en ayant plus d’entraînements, j’ai décidé de faire ma 2e année en deux ans : j’ai une preneuse de notes quand je ne suis pas là en cours ; mon partiel de maths ne s’est pas super bien passé, j’ai droit à des heures de soutien en maths. Après la prépa, le cycle ingénieur se fait normalement en 3 ans mais je verrai comment je l’aménage.
Revenons au sportif : s’il y a quelque chose qui a changé, ce sont les regards à votre égard, non ?
C’est sûr que lors des courses juniors après mon titre, dès que je me levais à peine de la selle pour attaquer, tout le monde criait : « Bego, Bego, Bego » (sourire), j’étais beaucoup plus marquée. Les filles, même parmi les Elites, savent qui je suis. Mais pour le moment, je ne ressens pas de pression particulière du fait que j’ai été championne du monde junior.
Comment se sont déroulés les Europe mi-septembre aux Pays-Bas ?
Le parcours me convenait plutôt bien : une arrivée en côte avec une dernière minute à bloc, je m’étais bien préparée. Mais dans cette dernière montée, j’étais mal placée en queue de peloton et du coup je n’ai rien pu faire : je finis 13e. Entre nous, au sein de l’équipe de France, il n’y a pas eu l’esprit d’équipe qu’il y a eu au Mondial : Léane Tabu et moi étions leaders et les filles n’ont pas forcément voulu nous aider pour aller chercher un titre, chacune a joué sa carte car c’était l’occasion de se faire remarquer pour passer pro l’année prochaine…
Justement, comment se passe votre vie chez les pros, au sein de l’équipe Cofidis ?
Mon contrat commence au 1er janvier, pour le moment je suis officiellement stagiaire mais j’ai pu participer à deux courses avec Cofidis fin septembre-début octobre, le Giro dell’Emilia et les 3 Vallées varésines. J’avais pour rôle d’attaquer et de prendre les coups en début de course : j’ai réussi à prendre l’échappée, après on s’est fait reprendre, j’ai été prise dans la chute juste avant l’arrivée, ce qui fait que je passe tout derrière, donc même si j’ai réussi à rejoindre le peloton, c’était compliqué. Lors de la 2e course, j’ai pu attaquer, être actrice de la course mais je me suis fait lâcher juste avant la dernière bosse. J’ai pu voir que c’est un autre niveau que les juniors. C’est beaucoup plus dur, c’est un effort plus continu, c’est à fond tout le temps… quand ça commence à aller vite, ça se n’arrête plus ! D’un autre côté, j’ai vu que j’étais bien quand même : j’ai pu faire des attaques et être encore dans le peloton à la fin, c’est plutôt bien.
Cela vous donne des idées pour les prochaines échéances ?
Déjà, cela me met en confiance, je me dis que je ne suis pas totalement larguée, et je devrais y arriver la saison prochaine. Il faudra voir, ce sera plus une année de découverte. Je n’ai pas encore précisément les calendriers – je sais juste que j’ai un stage en décembre en Espagne qui sera l’occasion de connaître un peu mieux les filles – mais je devrais reprendre fin février-début mars, je pense.
En attendant, vous continuez le cyclo-cross…
Oui avec comme objectif les Championnats de France le 14 janvier. J’ai couru une course à Dijon ce mercredi. C’était le premier cyclo-cross boueux de la saison, et techniquement je manquais de repères. En plus, pas de chance, les boyaux boue ont été mal collés et du coup j’ai dû tout faire avec les boyaux intermédiaires qui n’étaient pas assez crantés sur ce type de terrain. J’ai fini 5e après avoir fait 3 tours en tête en essayant de compenser le manque de technique par le physique… Je devrais courir la Coupe de France à Albi les 11 et 12 novembre puis une autre course UCI à Turin le 18.
Que représentent pour vous les deux sports l’un par rapport à l’autre : le cyclo et la route ?
Pour moi, c’était très important de continuer le cyclo-cross, c’est quelque chose qui fait progresser sur la route, techniquement et physiquement, cela apporte d’autres qualités physiques que la route, c’est plus de l’explosivité. Et puis, surtout, je ne me vois pas arrêter la route en hiver et me dire qu’il faudra que je sois prête à la reprise en février, sans compétition avant. Le cyclo-cross me permet de garder la motivation, d’avoir toujours des objectifs à court terme et ça, c’est important pour moi.
Comment avez-vous commencé le vélo ?
Par une course à côté de chez moi, j’avais 12 ans. À l’époque, je regardais le Tour de France à la télé et j’adorais faire la course dans les montées avec mon père mais je faisais de l’athlé au CSBJ et je n’aimais ni les lancers ni les sauts, uniquement la course à pied. Je participe donc à cette course avec mon VTT à pédales plates : je fais 2e au scratch et 1re fille en ayant mis un tour à toutes les filles. J’étais super contente. Une semaine après, il y avait un cyclo-cross à La Léchère, en Savoie. Je finis un peu plus loin mais tout de suite on a rencontré Jean-Pierre Boget, de l’école de cyclisme de Chambéry et je me suis inscrite. En fait, ils m’ont prêté un vélo, ce qui m’a permis de voir si le vélo était vraiment mon sport. J’ai couru une seule course sur route et j’ai enchaîné par le cyclo donc on peut dire que j’ai débuté directement par le cross et cela fait 6 ans que j’enchaîne les saisons de route et de cyclo. J’adore les deux : quand c’est la fin de la route, j’ai hâte de commencer la saison de cyclo et inversement.
Qu’est-ce qui explique vos qualités, notamment de grimpeuse ?
J’ai toujours adoré me dépasser. Quand j’allais rouler en VTT avec mon père, il était obligé de ralentir au sommet des côtes parce que je voulais à tout prix gagner et je me mettais à fond au-delà de ce qui est possible, juste pour le battre. J’ai toujours adoré grimper des côtes, j’en faisais plein avec mes parents. À Bourgoin, j’habitais à Domarin, montée de l’Épallud, avec une côte de 2 km et un passage à 17%, pour rentrer à la maison. Aujourd’hui, c’est le col du Granier que je grimpe le plus souvent. Il y a aussi les lacets de Montvernier, en Maurienne où mes parents ont une maison, j’adore les faire à fond. Mais j’ai beau les faire à fond, je n’ai toujours pas la QOM (queen of the moutain) sur Strava donc je dois encore persister (rires).
Quelles sont vos ambitions pour cette première saison pro ?
Ce que j’aimerais, c’est découvrir le plus de courses possibles. C’est toujours compliqué d’avoir des ambitions précises. Même si j’ai eu un aperçu du niveau avec ces deux courses, je ne sais pas trop comment ça va se passer. Je me fixe juste comme objectif le Tour de l’Avenir pour les Espoirs femmes avec l’équipe de France.
Et participer aux JO, vous en rêvez ?
Oui évidemment, ça me fait rêver depuis toute petite ! Après, Paris 2024, ce sera trop tôt. Il n’y a que 3 places pour la France et il y a un très gros niveau en équipe de France. Donc c’est sûr, je n’y serai pas. Mais pourquoi pas Los Angeles en 2028 !
Propos recueillis par Sylvain Lartaud