Junior Gahoui, de la Légion au Krav Maga, le combat de sa vie

Crédit photo : HCW.studio

Champion de France de Krav Maga, ancien légionnaire, instructeur et père de famille : Junior Gahoui cultive l’art du combat avec la sagesse de l’expérience. Installé en Alsace depuis quelques mois, il vient de décrocher deux titres nationaux. Portrait d’un homme pour qui se battre est un acte de transmission autant que de survie.

À 34 ans, Junior Gahoui n’est pas du genre à s’enflammer. Son regard est calme, posé, même quand il évoque ses années les plus intenses. Il s’engage dans la Légion étrangère à 18 ans. Sept ans d’un quotidien dur, exigeant, formateur. «C’est là que j’ai découvert le Krav Maga. On utilisait cette discipline en interne, car elle est pensée pour la défense, pour l’efficacité. Pas pour faire joli.»

Formé au combat rapproché dans un cadre militaire, Junior affine ses réflexes, apprend à lire les situations en une fraction de seconde. Il développe une connaissance du corps et du danger qui ne le quittera plus.

« Quand je suis arrivé en Alsace, je me suis senti tout de suite adopté »

Depuis six mois, Junior Gahoui vit en Alsace, avec sa compagne et leurs quatre enfants. Un nouveau départ, une autre vie. «L’accueil a été incroyable. Les gens ont été bienveillants, les écoles, les commerçants, même la mairie.»

Alors, quand il apprend que les Championnats de France de Krav Maga se tiendront en Alsace, à Bischheim, il y voit plus qu’une simple compétition. Une opportunité de rendre hommage à ce territoire. Il s’y présente dans la catégorie +89 kg… et décroche deux médailles d’or, en combat défense et en combat libre.

« En combat défense, tu dois neutraliser la menace en 10 secondes. C’est la rue, pas le sport »

La discipline est peu connue du grand public, souvent confondue avec d’autres arts martiaux. Le Krav Maga, né en Israël, est pourtant radicalement différent : pas de chorégraphie, pas de règle de style, mais un seul mot d’ordre : l’efficacité en situation réelle.

Le Krav Maga, trop souvent résumé à une technique de self-défense, est pour Junior Gahoui bien plus que cela. C’est une philosophie, une manière de se tenir face au monde.

C’est cette dimension-là qu’il cherche à transmettre, notamment auprès des publics les plus vulnérables : femmes, enfants, victimes de violences. «Les gens arrivent avec des peurs, parfois avec des traumatismes. On ne les transforme pas en guerriers. On leur redonne de la maîtrise, de la confiance, du souffle.»

Au-delà de l’efficacité technique, il défend un sport qui éduque à l’écoute, à la responsabilité, au respect. «Quand tu apprends à faire mal, tu dois d’abord apprendre à ne pas faire mal. Le Krav Maga, c’est d’abord l’intelligence du geste.»

Deux épreuves pendant le championnat de France

Pendant le championnat, le vainqueur raconte comment il a su faire la différence sur deux épreuves pour remporter ses deux médailles d’or.

Il y a le combat défense, l’athlète est plongé dans des mises en scène d’agressions. L’agresseur est inconnu, armé, et l’attaque aléatoire. Junior explique : «On t’attaque avec un bâton semi-rigide, un couteau en plastique ou même une arme factice. Tu dois réagir, désarmer, neutraliser, tout ça en dix secondes. Pas le droit à l’erreur.»

Le combat libre, lui, se rapproche davantage du MMA : deux rounds de deux minutes dans une cage. «C’est très physique, très stratégique. Il faut de l’endurance, de la lucidité. C’est ce mélange qui me plaît.»

« Mon objectif, c’est Florence en 2025, puis les Mondiaux en 2026 »

Fort de sa double victoire nationale, Junior voit plus loin. L’horizon européen, d’abord, avec les Championnats d’Europe à Florence, prévus en octobre 2025. Puis le rêve suprême : les Mondiaux de Krav Maga l’année suivante. «Je suis à fond dans la préparation. Je m’entraîne six jours sur sept dans trois clubs différents.»

Le Karaté Do Saralbe, le club de MMA Sarbo, et l’haltérophilie à Durstel rythment désormais ses semaines. Un effort soutenu par Mo’Talent Sport Management, un sponsor ivoirien qui l’équipe et finance ses déplacements. «Sans eux, ce serait impossible. Ils m’ont tendu la main. Aujourd’hui, je veux leur rendre cette confiance.»

« Ce que je transmets, ce n’est pas que du combat. C’est une manière de se tenir face à la vie »

Ceinture noire, instructeur certifié de Krav Maga et du Mastro Defence System (MDS), Junior Gahoui intervient régulièrement dans des stages d’autodéfense, y compris dans des sessions réservées aux femmes. «Il y a une vraie demande, une vraie peur aussi. Le Krav Maga redonne de la confiance. On apprend à lire son environnement, à éviter les conflits. Gagner, c’est d’abord savoir s’éloigner.»

À travers le sport, il parle de valeurs : résilience, dignité, courage, fraternité. Celles qu’il a apprises à la Légion, qu’il a incarnées sur les rings, et qu’il transmet aujourd’hui avec calme et détermination.

Junior Gahoui ne cherche ni la lumière, ni les projecteurs. Mais il avance, avec méthode, avec calme, avec foi. Son parcours est atypique, entre guerre et reconstruction. La boucle sera bouclée une fois que les championnats d’Europe et du Monde seront fait.

Romane Legros

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