Biberonnée aux vagues de l’Océan Indien dès son plus jeune âge, c’est dans les eaux de la mer Méditerranée que navigue désormais Lara Granier, un des plus grands espoirs français de voile. Cap sur un itinéraire étonnant, et plein de promesses…
C’est à des milliers de kilomètres de la France que Lara Granier a appris à hisser ses premières voiles, et à fendre ses premières vagues. Lancée dans le grand bain par un père féru de planche à voile (et champion de France de la discipline, NDLR), cette jeune femme de 22 ans a été immédiatement réceptive à l’appel de la mer. « C’est mon père qui m’a initiée à la voile. Dès mes 7 ans, j’ai commencé à naviguer avec lui là où je suis née, au Kenya, le pays de ma mère, se souvient Lara, avec un accent local chantant et encore marqué. Alors que c’est une discipline qui se pratiquait encore par très peu de personnes au Kenya, il a grandement participé au développement de la voile là-bas et, forcément, j’ai été prise par le truc ». Grâce à ses prédispositions familiales et à sa passion, elle fait ses preuves et représente rapidement le pays africain dans les catégories jeunes de la discipline.
Une discipline extrêmement minutieuse
Puis, à 14 ans, changement de cap, Lara fonce droit vers le nord. Elle jette l’ancre à Antibes (Alpes-Maritimes), où elle intègre le Pôle France espoirs et choisit de naviguer sous les couleurs de l’équipe de France, dont elle possède également la double nationalité par son père. « J’ai ensuite intégré le Pôle France de Marseille. Au début, ça n’a pas été simple : le dépaysement, la découverte d’une autre culture et d’un mode de vie différent, le fait que mes parents soient à 10 000 kilomètres de moi… Mais je m’y suis faite maintenant, je suis habituée. Surtout, j’aime tellement ce que je fais, et mes parents me soutiennent à fond… Et ça, ça aide ». Pas trop le temps de cogiter de toute façon, Lara doit faire avec des journées bien remplies pour se plonger à fond dans une discipline extrêmement minutieuse, et qui demande un entraînement rigoureux. « Une journée type débute par une séance de musculation le matin, et se poursuit par la navigation l’après-midi. Il y a beaucoup de critères qui entrent en compte en voile. Il n’y a pas qu’à travailler le physique et se dire qu’on va gagner. Bien sûr, il faut se renforcer physiquement, mais il faut aussi faire les réglages du bateau, parfaire la communication avec son coéquipier, analyser le plan d’eau… » La catégorie dans laquelle elle concourt, le 470, un dériveur de 4,70 m, ultra sophistiqué et dirigé par deux équipiers, demande notamment beaucoup de préparation en amont et de configurations technologiques, « car il y a de nombreuses possibilités de personnalisation du bateau, poursuit-elle. Surtout que, avec ma coéquipière depuis sept années, Marina Lefort, nous faisons tout nous-mêmes. J’ai même entendu des filles de séries différentes nous dire : Mais arrêtez de passer tout ce temps à configurer votre bateau, et allez naviguer un peu ! »
Que le vent tourne pour les femmes
Exit donc les sorties entre amis ou les activités extérieures, la franco-kenyane sait ce qu’elle veut. Si elle se consacre cette année exclusivement à la voile, « et ce sera le cas jusqu’aux Jeux olympiques de 2020 à Tokyo », c’est parce qu’elle avait auparavant validé une formation d’hôtesse de l’air, au cas où le vent serait contraire à son voilier. Mais ne vous en faites pas pour Lara, tout va bien pour elle, merci. « En 470, je suis vice-championne du monde et d’Europe en jeunes, et j’ai également été championne de France en 420, le format de bateau en dessous ». Elle profite notamment d’une formation française au point, « bien plus au point que dans d’autres pays, j’ai pu le voir au Kenya », ainsi que de l’expérience et du savoir-faire des coachs qui la suivent dans son club de la Société des Régates d’Antibes, où elle est licenciée. Si le succès est au rendez-vous pour la jeune tricolore, il n’est toujours pas simple pour elle de vivre uniquement de sa passion. Elle bénéficie tout de même de bourses d’aides de la Fédération française, bien consciente de la nécessité d’accompagner au maximum ses jeunes prodiges. « Sauf exceptions, c’est très compliqué de vivre de la voile aujourd’hui, surtout pour les femmes, regrette Lara. Toutes les grandes courses les plus populaires, la Volvo Ocean Race, le Tour de France à la voile ou le Vendée Globe, sont encore assez fermées pour nous. Il n’y a que la Voile olympique qui permet aux femmes de s’affirmer, c’est pour ça que la Fédération tente d’apporter une nouvelle dynamique à notre discipline ». Une discipline qui, pour définitivement lâcher les voiles, pourra peut-être s’appuyer sur une nouvelle tête d’affiche dans les années à venir.
Cap tranquille sur Paris 2024
Alors qu’elle a disputé la 43e édition des Championnats du monde de voile le mois dernier au Danemark (elle a terminé 33e avec sa coéquipière Marina Lefort, NDLR) Lara Granier est surtout l’une des plus belles promesses sur eau de la délégation française qui participera aux Jeux olympiques de Paris 2024. Elle prend cela avec pas mal de recul, encore. « Pour être tout à fait honnête, ça me paraît encore assez loin et j’espère surtout toujours naviguer d’ici là… J’y pense forcément, mais je ne veux surtout pas galvauder les prochains Jeux de Tokyo 2020 en ayant déjà la tête ailleurs. Surtout qu’il y a de grandes chances que, pour dynamiser les séries, les formats de compétitions n’y soient plus les mêmes, et que je ne concoure plus de la même manière sur 470 ». World Sailing, la fédération internationale de voile, a en effet planché mi-mai, à Londres, sur la refonte des catégories admises aux Jeux olympiques de Paris. Le document officiel prévoit, entre autres, la transformation des épreuves de 470 en séries mixtes, et une décision finale sera prise en décembre. Pour Lara, prudence est donc mère de sûreté, mais l’envie de performer sur ses nouvelles terres est bien là, « d’autant plus que la voile de Paris 2024 se disputera dans les eaux de Marseille, là où je m’entraîne avec le Pôle France ». Faut-il y voir un signe ?
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La bio express de Lara Granier :
- 22 ans – Née le 11 novembre 1995 à Nairobi (Kenya).
- Clubs : Société des Régates d’Antibes (depuis 2010), Pôle France espoirs de Marseille (depuis 2015)
- Palmarès en 470 : Vice-championne du monde jeunes (2016), vice-championne d’Europe jeunes (2017)
- Palmarès en 420 : Championne de France (2015).