Laura Flessel, cofondatrice de Sport Excellence Reconversion avec Richard Hullin et Sylvestre Louis, est revenue pour SPORTMAG sur la création de cette école, sur l’accompagnement des sportifs de haut niveau avec cette structure, sur sa reconversion après la fin de sa carrière et sur les objectifs de cet établissement.
Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à lancer Sport Excellence Reconversion avec Richard Hullin et Sylvestre Louis ?
Lorsque j’étais ministre des Sports (de mai 2017 à septembre 2018, ndlr.), on avait échangé autour de la formation, reconversion et accompagnement avec Richard Hullin, que j’ai connu au début des années 2000 lorsque j’étais épéiste et lui directeur marketing d’Adidas, alors mon sponsor. Nous nous sommes revus il y a un an et demi sur un projet complètement différent et nous avons ressassé le passé, les jolis souvenirs et nous avons tout doucement glissé sur la reconversion des sportifs. Il m’a alors parlé de son projet et je lui ai évoqué le mien, on a fusionné et c’est devenu Sport Excellence Reconversion.
C’est parti d’un constat, j’avais ma vision de la politique sportive lorsque j’étais au ministère mais aussi celle de ma période d’athlète. J’ai également mon réseau d’amis, de sportifs : que sont-ils devenus ? Avec, il est vrai, de belles reconversions mais aussi des inquiétudes et incertitudes. Je me suis dit : « Voilà, j’ai envie de faire quelque chose concrètement pour ma famille du sport avec un engagement pragmatique. » Quand on le fait, on le fait tout de suite et fort. On a réveillé notre réseau de sportifs. Nous nous sommes mis autour d’une table et nous avons regardé si cela était légitime ou non de le faire. Nous nous sommes rendu compte qu’il y avait encore trop de personnes dans l’incertitude avec des sportifs au RSA, des athlètes qui ne savent plus quoi faire après leur carrière. Je le dis, encore une fois, nous avons de très belles réussites.
On s’est dit avec Richard Hullin et Sylvestre Louis que nous allions pousser le curseur pour améliorer le parcours, et la fin de parcours du sportif. Si on débute dans un centre de formation ou un club, la prise de conscience assez tôt est importante. Si on est plus proche de la fin, soit on est en club soit on est en équipe de France, on se positionne. On s’est interrogé : Quels sont les profils ? Quels sont les acteurs ? Comment peut-on allier formation et réorientation dans la vie professionnelle ?
Durant votre mandat de ministre, vous avez promulgué la loi dite « Olympique » en 2017 pour la reconversion des sportifs. Est-ce à partir de ce constat que vous avez lancé cette école ?
Oui. Quand on a cette vision de l’intérieur et lorsqu’on en ressort, on se demande ce que l’on peut faire. Je m’étais dit qu’aujourd’hui, j’avais envie de faire des choses qui m’animent, que j’affectionne, qui ont du sens et qui permettent d’offrir des résultats de manière rapide. Il fallait absolument une réponse positive. Il faut un univers et une communauté qui accompagnent les sportifs. Sport Excellence Reconversion est une école 100% destinée aux sportifs de haut niveau.
Quatre thèmes ont été mis en place : Sport Management, Tourisme, Luxe et Design. Pourquoi les avoir choisis ?
Ce ne sont que quatre secteurs, mais l’idée est d’apporter aux sportifs des métiers passions. On parle de métiers, de métiers passions, des emplois qui animent le sportif de haut niveau. Nous avons des sportifs qui aiment le luxe, d’autres qui aiment le design, qui dessinent, qui photographient. Nous avons également des athlètes qui ont une âme de manager. Tous ces métiers ont des formations. Nous nous sommes dit qu’il fallait déjà utiliser des métiers passions. Tous les univers que vous avez cités sont des métiers passions. Ils doivent aussi être certifiants et diplômants. Nous nous sommes adossés au groupe ACE qui offre ces univers. Derrière, nous nous sommes questionnés : Et si demain, le sportif veut travailler dans le monde de l’assurance ? Il nous faut donc un partenaire. Et de là, nous avons débuté les échanges avec Groupama, qui est désormais le partenaire de l’école et va nous aider justement en ouvrant ces secteurs autour de l’assurance. Nous nous déployons mais l’idée est de toucher le sportif, de l’accompagner et de ne pas le laisser de côté.
Comment comptez-vous faire ?
Nous venons en complémentarité de tout ce qui existe. Nous ne venons pas en leaders. Nous avons réfléchi à une école innovante pour aider le sportif. Nous avons évalué les différentes cibles, les différents profils. Nous avons des jeunes qui arrivent entre 14 et 18 ans dans le monde du sport pro. Nous recensons également des sportifs comme Thierry Jullier qui ont arrêté leur carrière à 40 ans. Nous possédons des profils atypiques. Si on est atypiques, on ne peut pas rentrer dans un cadre. Pour ce faire, il faut que le cadre soit souple et modulable pour pouvoir être pertinent parce qu’une fois que le sportif comprend sa vision, il ira jusqu’au bout. Nous avons travaillé dans ce sens pour que derrière, il puisse s’épanouir. Ce que nous voulons, c’est être passionné pour continuer à s’épanouir et qu’on travaille dur comme on l’a fait auparavant.
« L’idée, c’est que cette école soit un peu leur deuxième maison »
Comme vous l’avez évoqué durant la conférence de presse, une formation agile de 1 à 36 mois a été mise en place, tout comme un système de cours en présentiel et en distanciel possible pour les sportifs suivant le cursus. En quoi ce système hybride a-t-il son importance ?
La pandémie nous a montré qu’on peut utiliser le distanciel mais c’est vrai qu’on aime le contact et qu’on a besoin de conscientiser, de contractualiser les choses, donc on va jouer habilement entre la période où le sportif est plus en présentiel ou en distanciel, quand il est en compétition ou lorsqu’il est blessé par exemple. Nous nous adaptons au sportif mais nous le challengons aussi par l’apport des programmes pour qu’il devienne l’acteur de sa vie de demain.
Sport Excellence Reconversion présente comme avantage, pour les sportifs, d’apporter des qualités acquises au long de leur carrière pour les entreposer dans le monde de l’entreprise…
L’idée, c’est que cette école soit un peu leur deuxième maison : c’est-à-dire, j’ai donné au basket, j’ai donné 20 au saut d’obstacles, je suis jockey, j’ai réussi. Mais maintenant je fais quoi ? Sport Excellence Reconversion, c’est un lien qui permet de se poser et dire « J’étais dans la lumière, je reste dans la lumière parce que j’ai des qualités intrinsèques qui me permettent de continuer à être dans la lumière. En revanche, il faut que je comprenne l’univers professionnel et que j’y adhère en connaissant les règles. » Sport Excellence Reconversion, c’est une école qui va permettre de déployer un cheminement pour que le sportif sache où il va et qu’il ait une sérénité financière.
Vous avez vous aussi connu ce passage redouté par de nombreux sportifs à la fin de leur carrière : la reconversion. Comment l’avez-vous abordé ?
Effectivement, je suis passée par là, c’est pour ça que j’avais besoin de personne. Non, c’est faux : le sportif ne montre pas quand il souffre. On serre les dents et on se dit qu’on va y arriver avec une forte détermination mais c’est compliqué. C’est pour cela que cette école permettra aux sportifs de ne pas vivre ce moment seul.
Le but, c’est que les sportifs de haut niveau puissent retrouver confiance en eux…
Absolument et aussi qu’ils se fassent plaisir, qu’ils soient animés par l’envie, qu’ils restent motivés. Aujourd’hui on perd vite la motivation. C’est pour ça qu’aujourd’hui on se dit qu’on a le réseau économique, le réseau associatif, le réseau universitaire… On a des personnes qui permettent de nous dire « C’est possible ». On réunit tout ce monde et on avance pour ne plus jamais être seuls, ne plus jamais être dans le noir.
Désormais, de plus en plus d’entreprises font appel à d’anciens sportifs de haut niveau pour tenir des conférences et séminaires.
J’interviens en entreprise et effectivement, il y a des similitudes entre la vie d’une entreprise et celle d’un sportif de haut niveau telles que la capacité de rebond, la gestion du stress, l’acceptation de l’autre, le collectif… Il y a des thématiques intéressantes mais nous, on a envie d’aller un peu plus loin. On veut intervenir mais il y a tout de même 7 500 sportifs qui mettent fin à leur carrière chaque année. Si on veut les intégrer de manière durable dans la vie de demain, on aura tout gagné.
Quels sont les objectifs à moyen et long terme de Sport Excellence Reconversion ?
Cette année, on se lance donc on essaye de poser des bases larges et solides pour que les sportifs puissent venir et qu’ils puissent s’épanouir. On souhaiterait arriver à accompagner 50 sportifs dans la structure d’ici la fin de l’année.