Trois ans après avoir reçu l’Euro masculin, la France accueillera l’été prochain la Coupe du monde féminine. Porte-étendard de la Fédération, l’obtention de cet événement majeur démontre la bonne marche du football féminin, et la place que prennent désormais les femmes dans le paysage tricolore.
Le 25 juillet dernier, la Fédération française de football (FFF) dévoilait ses nouveaux logos, des écussons au coq, ornés d’une deuxième étoile. Après le titre acquis par l’équipe de France masculine le siècle dernier, les Bleus ont en effet ajouté dans la chaleur du mois de juillet une deuxième ligne mondiale à leur palmarès, faisant la fierté de tout un peuple. Confirmant aussi, et depuis certains tracas qui ont décrédibilisé les instances, tout en freinant le développement du football français au début de la décennie, que celui-ci avance désormais dans le bon sens !
Une progression ininterrompue
Si l’équipe féminine n’a, elle, pas encore remporté de Coupe du monde, elle espère bien profiter du succès de ses homologues masculins. Surtout que, pour la toute première fois depuis la première édition officielle de 1991, la plus prestigieuse des compétitions internationales se déroulera, du 7 juin au 7 juillet prochains, sur le sol français. Véritable aboutissement du plan de féminisation mené par la FFF depuis 2011, l’organisation de ce Mondial dépassera le seul caractère sportif, comme le confirme Brigitte Henriques, vice-présidente de la FFF chargée du développement du football féminin : « La valeur d’un tel événement se mesure à l’héritage qu’il laisse au pays hôte : démocratisation et mise en valeur de la pratique, développement des structures d’accueil pour les jeunes filles et augmentation du nombre de licenciées font partie des objectifs poursuivis par la Fédération », déroule l’ancienne joueuse internationale aux 31 capes, championne de France à trois reprises. Neuf villes ont ainsi été choisies pour accueillir le tournoi : Grenoble, Le Havre, Lyon, Montpellier, Nice, Reims, Rennes, Paris et Valenciennes. Ces neuf villes présentent toutes l’avantage d’héberger un club professionnel, apportant ainsi l’assurance de bénéficier de structures de pointe et de stades fonctionnels. « Les infrastructures seront à la hauteur d’un football féminin qui a évolué de manière spectaculaire depuis 2011. On a rattrapé le retard qu’on avait par rapport aux autres pays européens en augmentant notre nombre de licenciées, qui est passé de 53 000 à cette date à 135 000 aujourd’hui, poursuit la dirigeante. Le pourcentage de clubs proposant une formation en football aux jeunes filles était, lui, de 44 %. Il est actuellement de 80 %. Et il y avait alors 25 000 dirigeantes de club, contre 38 000 selon les dernières statistiques ». Les femmes sont donc de plus en plus présentes dans le monde du football, et il y a de plus en plus de mixité dans l’ensemble des organisations. Et, même si la France est encore en retard sur certains pays qui avaient déjà pris de l’avance dans la féminisation de leur football, comme l’Allemagne notamment, de plus en plus d’équipes fleurissent à travers l’Hexagone. « Et contrairement à ce que l’on peut entendre, la D1 féminine n’est pas un championnat hétérogène », retoque Brigitte Henriques. Si les deux mastodontes du football français, l’Olympique lyonnais, seul club européen à avoir remporté cinq fois la Ligue des champions, douze fois champion de France, et le Paris Saint-Germain, au palmarès quasi vierge, mais six fois sur huit vice-champion de France depuis son rachat par le fonds souverain Qatar Investment Authority sont « de véritables locomotives », les wagons accrochés derrière prennent de plus en plus de vitesse. « Montpellier, ou encore Juvisy, qui a été absorbé par le Paris FC l’année dernière, ont des projets de plus en plus intéressants. De nombreux clubs commencent à véritablement se structurer ».
Corinne Diacre a apporté un nouveau souffle
Cette évolution positive du football féminin de base rejaillit forcément sur la plus haute sphère, l’équipe de France. Si Didier Deschamps a décroché le 15 juillet dernier le sacre suprême en tant que sélectionneur, Corinne Diacre n’a, elle, jamais été championne du monde sur la pelouse. Mais l’actuelle sélectionneuse des Bleues rêve de l’imiter sur le banc des féminines. Depuis sa prise de fonction en août 2017, la technicienne de 43 ans a apporté un nouveau souffle à une équipe A talentueuse, mais qui n’a jamais rien gagné. « La victoire des Bleus en Russie ne nous met pas plus de pression. Ou alors une pression positive », rassure l’ancienne capitaine des Bleues aux 121 sélections. « Tout cet engouement autour de l’équipe de France, on a envie de le prolonger, et on fera tout pour. Cette victoire a eu plusieurs vertus aussi, dont celle de mettre en exergue des notions essentielles du football : le collectif, le groupe, l’état d’esprit. C’est aussi le grand mérite de Didier et de son staff. Il n’y a pas que le terrain qui compte, mais aussi la vie en dehors. C’est un tout ». Un tout qu’elle espère bien inculquer à ses joueuses, avec qui elle présente un bilan de sept victoires, pour trois nuls et deux défaites. « Seuls les résultats peuvent dire si on a une génération dorée ou talentueuse. Et, comme on n’en a pas, on peut se demander si cette génération est si talentueuse que ça. Est-ce qu’on n’a pas vu cette équipe de France un peu trop belle ? Individuellement et collectivement, on a eu tendance à s’endormir sur nos lauriers. On a du talent, mais, si on n’arrive pas à l’exprimer, il ne sert à rien. Il faut mettre beaucoup de rigueur dans tout, être intransigeant sur des détails ».
Des montants records
Car, après un Euro 2017 décevant et une défaite en quarts de finale, les Françaises veulent surfer lors de leur Mondial sur la vague de soutien suscitée par les garçons, ainsi que sur la dynamique médiatique et populaire qui accompagne le football féminin depuis plusieurs années. La France, qui est le seul pays en Europe où les matches de l’équipe nationale féminine sont tous retransmis (les droits sont propriété du groupe M6 pour les cinq prochaines années, NDLR), profite ainsi d’un bouleversement financier à la hausse qui n’échappe pas à la version féminine du football. Pour la prochaine Coupe du monde, Canal+ diffusera ainsi l’intégralité de la compétition, alors que les 25 meilleures rencontres, dont tous les matches de l’équipe de France, seront diffusées parallèlement en clair par TF1, « au terme d’une très grosse bataille médiatique et pour un montant record pour le foot féminin français de 12 millions d’euros, révèle Brigitte Henriques. Beaucoup de sports nous envient ». Pour notre championnat domestique aussi, un diffuseur historique est entré dans la danse, alors que Canal+ a acquis les droits de la D1 féminine pour la même durée. Symbole, là encore, d’un genre qui a pris une dimension toujours plus importante et attire de plus en plus de téléspectateurs. « Un milliard de téléspectateurs seront attendus devant leur télévision pendant le Mondial 2019, selon la FIFA. On table également sur 1,3 million de billets vendus pendant la compétition. Ce sont là encore des chiffres spectaculaires et sur lesquels peu auraient misé il y a dix ans encore ». Tous les voyants, qu’ils soient statistiques, financiers ou sportifs, semblent donc au vert pour que cet événement vitrine soit une totale réussite, et tire encore un peu plus le football féminin vers le haut…
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L’évolution du nombre de licenciées :
Le football féminin a progressé dans les esprits, mais aussi en nombre de licenciées et de sections féminines disponibles dans les clubs et en valeur sportive. Depuis la Coupe du monde féminine de 2011 et le lancement du plan de féminisation, le football est le sport féminin qui a connu la plus forte hausse de pratiquantes en France. Le nombre de licenciées y a augmenté de plus de 60 %. En Europe, la France est le pays ayant connu la plus forte croissance de licenciées. Au 30 juin 2018, on comptait 125 412 pratiquantes en France. Objectif : 200 000 après la Coupe du monde 2019.
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Arnaud Robinet (maire de Reims) : « Il y a un vrai projet sociétal à Reims »
« Le contexte est forcément favorable aujourd’hui avec la très belle victoire de l’équipe de France masculine à la Coupe du monde et, avec les féminines, on espère surfer dessus. Il y a un engouement certain autour du football, et seul le foot peut provoquer ça ! Mais on n’a pas attendu le Mondial masculin pour préparer la venue du Mondial féminin à Reims. Il y aura six matches de poule qui seront joués à Reims, plus un huitième de finale. J’espère qu’on recevra des équipes d’Europe du Nord, où l’engouement autour du foot féminin est important, et surtout que toute la ville respirera le football. Lorsque l’on a présenté notre dossier de candidature à la FIFA, il n’a pas été seulement question de parler du 7 juin au 7 juillet. Il y a un vrai projet sociétal à Reims ; il y aura un avant, un pendant, et un après. Nous voulons fédérer l’ensemble du monde sportif rémois autour de cet événement, mais aussi de nombreux bénévoles et diffuser les valeurs du football féminin en termes d’égalité ou d’accès au sport pour tous. C’est un projet qui me tient personnellement à cœur, et on m’en parle déjà énormément. Pour ce qui est des équipements, nous utiliserons notre stade Auguste-Delaune (21 127 places, NDLR) qui est un équipement récent d’une dizaine d’années validé par la FIFA pour le tournoi. Seule la tribune de presse sera réaménagée. Le complexe René-Tys accueillera, lui, l’ensemble de la presse, alors que l’on discute encore avec la FIFA pour savoir si l’on pourra organiser nos habituelles manifestations locales pendant le tournoi. C’est en pourparlers ».