Les discussions se sont intensifiées autour du sport français ces dernières semaines. En vue des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, le gouvernement planche sur un texte de loi afin d’inscrire le sport dans un grand plan de santé publique.
Par la voix de la ministre des Sports Roxana Maracineanu, une grande « stratégie nationale sport santé 2019-2024 » a été ainsi présentée avec pour objectif de ramener les Français aux activités physiques. Un travail qui s’articule autour de quatre axes : le développement d’activités physiques adaptées à des fins thérapeutiques, une meilleure protection de la santé des sportifs, la diffusion des connaissances relatives aux bénéfices de la pratique sportive sur la santé et la promotion de la santé par le sport. C’est dans ce contexte qu’un rapport a été remis au Premier ministre le 21 mars dernier par le député François Cormier-Bouligeon (LREM) et la sénatrice Françoise Gatel (UDI). Ce travail réalisé après « six mois d’auditions et de déplacements » ainsi que l’audition de près « de cent structures » met en relief les « freins d’accès à la pratique sportive » et avance des propositions concrètes pour espérer « faire de la France une vraie nation sportive » et attirer « trois millions de pratiquants supplémentaires en 2024. » S’appuyant sur son rapport, le député du Cher François Cormier-Bouligeon a rédigé un projet de proposition de loi en compagnie de ses collègues Cédric Roussel et Belkhir Belhaddad. À l’occasion d’un colloque sur le sport santé qui s’est tenu à l’Assemblée nationale le 1er avril, les trois députés de la majorité ont ainsi pu débattre de leurs idées avec l’ensemble des acteurs concernés. Parmi elles, le remboursement par la Sécurité sociale de la consultation et de la prescription d’activité physique adaptée, le développement du sport en entreprise, la prise en compte de l’activité physique dans les critères de financement des EHPAD (Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes) ou encore la création d’un bloc communal de la gouvernance de l’Agence nationale du sport. « Il y a une réelle volonté de proposer une vision transversale du sport », souligne Cédric Roussel, député dans les Alpes-Maritimes et président du groupe d’études « Économie du sport ». « Nous avons eu à cœur de réunir tous les acteurs, réfléchir ensemble pour déterminer un agenda. Le faire avec eux. Et cela fonctionne plutôt bien ! »
Le gouvernement freine sur le remboursement
En première ligne, le projet sur le sport santé fait donc d’ores et déjà beaucoup parler. « Nous avons délimité 4 points forts pour ces projets de loi », énumère François Cormier-Bouligeon. « La gouvernance, le financement, l’éthique et le sport santé. L’enjeu du sport santé est un excellent exemple. Notre but, c’est d’être les aiguillons de la majorité. Il faut être à l’avant-garde. Est-ce qu’on veut rester sur une vision archaïque de la santé avec l’utilisation du tout chimique ou va-t-on enfin se mettre à rembourser des thérapies non médicamenteuses ? L’enjeu est énorme. » Un enjeu que bon nombre de rapports scientifiques viennent appuyer. « Le coût de la sédentarité et des maladies chroniques, c’est 17 milliards d’euros par an. 20 millions de Français sont atteints de ces maladies chroniques. Aujourd’hui, on sait que l’activité physique et sportive évite 30 % des maladies cardio-vasculaires, réduit de 25 % les cancers du sein et de 50 % la maladie d’Alzheimer. Sans parler de la perte d’autonomie qui recule de 7 à 10 ans. Demander à l’Assurance maladie de rembourser les consultations sport sur ordonnance et les séances d’activités sportives est un vrai sujet. » Car, il est bien là le nerf de la guerre. La ministre de la Santé Agnès Buzyn a jusqu’ici rejeté l’idée d’un remboursement du sport sur prescription. « Les frais de pratiques sportives n’entrent pas dans le périmètre de la sécurité sociale, le sport ne constituant pas un acte de soin », a balayé la ministre lors d’une question au gouvernement le 4 décembre 2018. « Ils sont réticents, car ils ont peur d’avoir du mal à définir le périmètre de ce qu’on pourrait rembourser », poursuit le député du Cher. « Pourtant, dans d’autres pays européens, on ne se pose pas la question. En Europe du Nord, on va jusqu’à rembourser les pistes cyclables. Nous savons mesurer l’impact. Les rapports disent que, ne serait-ce que 20 minutes de déplacement à pied par jour améliorent l’état de santé. Heureusement, des expérimentations se font partout sur le territoire. La société est en avance. Le mouvement est lancé. » Des expérimentations qui ont notamment eu lieu à Strasbourg, ville modèle du sport santé où des centaines d’ordonnances ont été délivrées par les médecins généralistes. « Cela a pu se faire grâce à une forte volonté politique locale et des acteurs locaux », insiste Belkhir Belhaddad, député de la Moselle siégeant à la Commission des Affaires sociales et ancien arbitre de basket. « Un écosystème se crée. La difficulté en tant que législateur, c’est de gommer un certain nombre d’inégalités territoriales. Il faut que l’ensemble du territoire, y compris rural, puisse bénéficier des dispositifs. Il y a tout un modèle économique à penser. C’est dans ce sens qu’a été divulguée la stratégie nationale sur le sport santé, avec comme point d’orgue la lutte contre la sédentarisation et la promotion de la santé par le sport, notamment pour les seniors. »
Les acteurs locaux mis à contribution
Alors qu’un 4e colloque davantage axé sur la démocratie sportive et la RSE a eu lieu le 22 mai, les acteurs semblent de plus en plus s’accorder sur le constat que sport et santé peuvent être extrêmement bénéfiques quand ils sont associés. « Quand on parle de sport santé, ce n’est pas qu’un coût », appuie Cédric Roussel. « Le retour sur investissement est évident. Il faut désormais aller au-delà du constat que l’on fait tous et donner cette visibilité tout comme ce signal politique. Les solutions, nous les trouverons ensemble. Pour ma part, je travaille beaucoup pour que le sport soit mieux intégré en entreprise. Nous savons aujourd’hui qu’une heure d’activité physique augmente la productivité de 6 %. Il y a moins d’absentéisme. Il faut donc faire en sorte de permettre un meilleur financement pour les TPE et les PME et d’accompagner les entreprises dans leur développement des pratiques du sport. Nous sentons bien qu’il y a un vrai besoin d’évaluer toutes les externalités positives, que ce soit en termes d’employabilité, de parité, de cohésion du territoire, de bien-être et de santé. Il faut se donner les moyens. » L’intégration des acteurs locaux dans le débat se retrouve au cœur de l’une des propositions apportées par François Cormier-Bouligeon, à savoir la création d’un bloc communal. Au cours du colloque sur le sport santé, il a été maintes fois répété que ce projet de loi ne pourra pas voir le jour sans l’apport essentiel des structures locales. « Nous sommes en train de rénover le modèle de gouvernance du sport français », clame celui qui a corédigé le rapport sur « Le sport pour tous ». « C’est dans la déclinaison locale que nous entrons dans le quotidien des Français. C’est comme cela que vous pouvez changer le rapport de ces derniers avec le sport. Il faut garder un état territorialisé du sport. Ce que je propose, sous l’angle de l’esprit d’initiative et non de l’obligation, c’est que les EPCI (Établissement Public de Coopération Intercommunale) qui le souhaitent, parmi les 1 300 existantes, prennent la compétence du sport et mettent en place un plan territorial en mettant autour de la table les clubs, les sports scolaires, les professions médicales et paramédicales, les professions d’insertion sociale… Ils pourraient ainsi faire un diagnostic sur l’état des infrastructures et de l’offre de la pratique sportive. » Au cours de cette année 2019, les débats vont s’intensifier et l’arbitrage de Matignon va se révéler décisif. Si les enjeux du sport santé semblent enfin mis sur le devant de la scène, la question du financement représente toujours un point de crispation, notamment en ce qui concerne le sport santé sur ordonnance. Alors qu’Emmanuel Macron avait annoncé en 2017 son intention d’attirer trois millions de pratiquants supplémentaires, les décisions qui vont découler de la stratégie nationale portée par Roxana Maracineanu et Agnès Buzyn, doivent pouvoir changer le visage de la pratique sportive en France. Mais le chemin est encore long…
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Le sport, c’est la santé !
La pratique d’une activité sportive dispose de vertus incontestables pour la santé. D’après l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), une pratique régulière permet de faire chuter les risques de dépression de 30 %, mais aussi de prévoir les maladies chroniques. Ainsi, 3 à 5 séances de 30 à 45 minutes de sport par semaine entraîneraient une baisse de la mortalité due au cancer du sein de 30 % ou d’infarctus du myocarde de 30 %. 1 heure de marche par semaine ajouterait 1,5 an d’espérance de vie et 1 heure par jour l’allongerait de 3 à 4 ans. La longévité des sportifs de haut niveau est, elle, prolongée de 7 ans. La pratique sportive est également très importante pour les seniors, puisqu’elle permet un maintien de l’autonomie des personnes âgées ainsi que le développement des capacités cognitives. Au-delà des bénéfices sur la santé, la pratique d’une activité physique régulière représente « 300 millions d’euros d’économies sur les dépenses de santé », d’après le rapport de François Cormier-Bouligeon et Françoise Gatel.